Michael Moing , artisan coutelier et forgeron

Par Olivier Stevens , Mise à jour le 05/12/2021 à 16:30

Il propose une gamme de couteaux fixes et pliants entièrement réalisés à la main, des couteaux droits, pliants, piémontais et des higonokamis.

Fort d’une longue expérience de la forge, il propose une coutellerie qui allie efficacité et esthétisme avec la maîtrise de toutes les étapes de réalisation dans son atelier et dans l’esprit de la tradition coutelière française.

C'est dans un hameau perché entre Saint-Privat et Monistrol d'Allier que nous accueille un coutelier singulier: Michael Moing.

A mi-chemin entre un travail d'artisan et d'artiste, il nous explique son métier et sa passion.

Nous avons toujours un couteau en poche. C'est un objet utilitaire, usuel, quotidien et on y est attaché.

D'où vous vient le goût pour la coutellerie?

De très loin. Je viens d'un milieu d'agriculteurs. C'est d'ailleurs ma formation. Nous avons toujours un couteau en poche. C'est un objet utilitaire, usuel, quotidien et on y est attaché également. Enfant, on s'en taillait dans du bois pour jouer. Un jour, ce devait être vers 1991, j'ai acheté un magazine spécialisé dans la coutellerie. A l'époque je ne faisais pas la différence entre le fer et l'acier. Mais le déclic est vite venu. J'ai commencé avec une chaudière à bois où je travaillais des morceaux de rail. Puis j'ai bricolé une forge et je me suis acheté une enclume. J'ai débuté comme cela.

J'ai d'abord fait des sculptures en acier comme celle de la bête du Gévaudan à Langogne

Etes vous devenu professionnel rapidement?

Non. Jusqu'en 2003, je faisais cela pour m'amuser. Pour gagner ma vie, j'avais un gîte à Saint Privat d'Allier, nous avons hébergé des milliers de pèlerins, source inépuisable d'anecdotes en tous genres. Ce gîte me laissait quand même au moins quatre mois calmes dans l'année. J'ai d'abord utilisé mon temps en faisant des sculptures en acier comme celle de la bête du Gévaudan à Langogne. Puis il y a eu un déclic en 2003.  J'ai fait un salon avec un coutelier connu. Et pas n'importe lequel. Celui de Thiers. Cela a bien fonctionné. J'ai eu une petite commande d'une coutellerie à Paris. Puis je me suis lancé.

A un moment, j'ai eu un carnet de commande plein pour deux années complètes

C'était risqué?

Comme j'avais encore le gîte de Saint-Privat d'Allier, c'était moins risqué. Je ne m'en suis défait que vers 2011 pour travailler les couteaux à temps plein. Ca très vite bien marché. La coutellerie est un petit milieu. On est vite connu et reconnu. De plus mon site a rapidement été mis en place. Et je m'en suis bien sorti. A un moment, j'ai eu un carnet de commande plein pour deux années complètes. 

Je faisais des bestiaires : des poissons, des hippocampes, des éléphants

Existe-t-il des "marques de fabriques", des styles très reconnaissables dans ce métier?

Oui. Comme dans tout art ou tout artisanat. On se spécialise. On prend un tour de main. Je faisais des bestiaires : des poissons, des hippocampes, des éléphants. Ces couteaux sortaient du lot. A l'époque, j'avais une clientèle plus féminine. Mes couteaux étaient assez rustiques, toujours forgés, indifféremment droits ou pliants.

A quelques millimètres près, à quelques grammes près, tout change, l'équilibre est obtenu ou rompu.

Et existe-t-il des modes? Des courants comme en peinture ou en architecture?

Oui. Et on est parfois très vite rattaché à certains styles. J'ai longtemps travaillé les higonokamis, sorte de fin couteaux japonais pliants, destinés aux écoliers, et dont le bout de la lame est recourbé pour qu'ils ne puissent pas se "planter". J'en ai beaucoup vendu. Ce qui est fascinant avec les couteaux c'est que c'est probablement le premier outil qui ait été fabriqué. Et en même temps, c'est un objet d'un équilibre très subtil. A quelques millimètres près, à quelques grammes près, tout change, l'équilibre est obtenu ou rompu. Par ailleurs, c'est vrai que le design change tout. Dans mes réalisations, il y a toujours ma patte, quelque chose de moi.

Le marché international a beaucoup progressé : les Etats-Unis, la Russie, le Moyen-Orient 

Est-ce que ce marché s'étend? 

Oui. Depuis vingt ans les commandes se sont développées par internet. Le confinement a beaucoup contribué à cela également. Les gens passaient plus de temps sur internet et avaient aussi plus de sous à dépenser. Le marché international a beaucoup progressé : les Etats-Unis, la Russie, les pays du Moyen-Orient également. J'ai fait le salon d'Atlanta aux USA il y a deux ans, c'est le plus grand du monde et celui de Gembloux en Belgique en novembre. Je suis connu aussi grâce à internet.

Je passe parfois plusieurs jours sur une seule réalisation.

Ce métier vous impose une vie assez solitaire en Haute-Loire..

Oui. Je suis un artisan. Un indépendant. C'est à dire que je vis à mon rythme. Cependant comme c'est mon seul revenu, cela demande une certaine rigueur. On fait en moyenne des journées de huit heures comme tous les autres travailleurs. C'est pourquoi je ne reçois jamais personne dans mon atelier. Je ne veux pas de visites, pas de téléphone. Je n'ai pas le temps de recevoir des touristes, des gens qui touchent à tout. Je ne peux pas y passer mes journées ni être une destination pour un dimanche ludique en famille. Il n'y a par ailleurs pas de vente directe dans l'atelier. Les salons me suffisent. J'y passe du temps pour valoriser mes réalisations qui elles aussi sont chronophages. Je passe parfois plusieurs jours sur une seule réalisation. Elle se vendent cher, quelques centaines d'euros parce que j'investis beaucoup de temps dans leur réalisation.

Le premier Salon du Couteau à Saint-Vidal en juin

Des projets pour le futur?

Oui, au printemps prochain, le 25 juin, avec Benoît Maguin, coutelier à Vergezac et Romain Bignon, coutelier à Malvalette, nous organiserons le premier Salon du Couteau à Saint-Vidal. Nous aurons bien sûr l'occasion de vous en reparler.

 

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