La Trifolà de Craponne, entre traditions et défis

Par JPo , Mise à jour le 29/10/2023 à 17:00

La pomme de terre du plateau de Craponne, était une nouvelle fois mise à l'honneur ce dimanche, à l'occasion de la 22ème édition de la fête de la Trifolà à Craponne-sur-Arzon. Une fête qui s'inscrit totalement dans l'histoire et les traditions de ce terroir d'altitude qui a su faire de son tubercule un joyau gustatif que l'on consomme désormais bien au delà des limites du département. Mais une fête également bien ancrée dans les problématiques actuelles auxquelles chacun tente de faire face à sa manière. Petit état des lieux. 

Un plateau qui a su résister pour préserver son précieux tubercule

" Le plateau se prête particulièrement bien à la culture de la pomme de terre qui est avant tout une culture de hauts-plateaux" Claude Chappon

Si la fête de la pomme de terre, la trifolà en occitan, se déroule sur le territoire de Craponne, ce n'est pas un hasard. Les anciens du plateau vous le diront. Et Claude Chappon, membre de la confrérie de la râpée et président de la Trifola est un ancien du plateau, justement : " Jusque dans les années soixante, notre petit bourg de Craponne était la capitale régionale de la pomme de terre. Le plateau se prête particulièrement bien à sa culture, qui est à l'origine une culture de hauts-plateaux. Elle a besoin également de sols granitiques et sableux pour s'épanouir totalement. Craponne coche toutes les cases à ce niveau là. On en envoyait donc des pleins wagons vers les grandes villes du pourtour du Massif-Central et même dans d'autres pays".

Les membres de la Confrérie de la Râpée ont ouvert les festivités Photo par jfp

" La vraie renaissance de la pomme de terre sur le plateau, est venue de la Confrérie de la Râpée "

A partir des années soixante, la production du précieux tubercule commence pourtant à décliner en France. Mais pour Claude Chappon, le plateau a su résister, tant bien que mal, jusqu'au changement de millénaire, date à laquelle une petite poignée de bénévoles a eu l'idée de mettre à l'honneur la pomme de terre du plateau,  la fameuse trifolà, devenue depuis, avec le festival country, une des fiertés de la ville : " La vraie renaissance de la pomme de terre sur le plateau, est venue de la Confrérie de la Râpée qui a été fondée par l'ancien maire de Chomelix, Régis Forissier, c'était en 2001".

Ce grand homme de télé, ancienne figure de l'ORTF, à qui l'on doit entre-autres, la mise en valeur des paysages français à l'occasion de la diffusion du Tour de France, était très attaché à son terroir, qu'il désirait mettre en valeur : " On lui doit tout, poursuit Claude. C'est lui qui a eu l'idée, il y a 22 ans, de faire la fête de la Trifola à Craponne afin de relancer notre pomme de terre tellement délicieuse et de la faire connaître le plus loin possible". 

Un succès jamais démenti depuis

Pari réussi. la fête de la trifola de Craponne, fait dorénavant le plein tous les ans, le dernier week-end d'octobre, et des milliers de visiteurs sont au rendez-vous chaque année pour s'arracher des tonnes de pommes de terre " made on the plateau ", mises à la vente sur une place la ville. " Sur les dernières éditions, on a enregistré 4000 entrées payantes en moyenne et jusqu'à 6000 visiteurs effectifs, tient à préciser Claude Chappon.  Pour cette édition 2023, on s'attend à avoir 5000 entrées payantes. On servira 1800 rapées dans la journée et pas loin de 900 repas".

Et le public vient d'assez loin. Le tubercule du plateau mobilise bien au delà du plateau : " On a des gens qui viennent de Lyon ou de Saint-Etienne, d'autres du Puy-de-Dôme ou de l'Allier " conclut Claude Chappon.

Quand la résistance des producteurs rencontre celle des consommateurs

Le grand marché de la pomme de terre, qui se déroule derrière le grand  chapiteau réservé à la vente et à la mise en valeur des produits locaux, accueille une douzaine de producteurs, exclusivement du plateau. Tous font le même constat : le rendement n'est plus ce qu'il était, la faute aux aléas climatiques et l'inflation fragilise leur entreprise. Chacun résiste  pourtant à sa manière. Histoire de maintenir la tradition. 

" C'est pas encore folichon" Manu Ramousse, producteur

Manu Ramousse est à la tête du "Gaec du champ fleuri " avec Tom et Bastien, ses deux fils. Le revenu principal de leur exploitation provient de l'élévage, mais pas question pour eux d'abandonner la production de pomme de terre. Pour Manu ce serait trahir sa famille et faire injure à son terroir. Il reconnait pourtant facilement, qu'en matière de Trifola, les années au rendement exceptionnel sont derrière lui : " L'an dernier, à cause de la sécheresse, on a eu vraiment une grosse disette. Cette année, c'est un peu mieux, mais c'est pas encore folichon. On a un peu amélioré notre rendement, parce-que grâce à l'assolement, cette année nos champs de patates étaient en grande majorité en altitude ce qui fait qu'on a limité les dégâts". 

 

Manu Ramousse, producteur veut maintenir la tradition Photo par jfp

" L'année dernière ça a été une catastrophe, mais c'est loin d'être extraordinaire cette année encore" Sylvain Maître, producteur

Même son de cloche, du côté de Sylvain Maître, producteur à Jullianges : " L'année dernière ça a été une catastrophe, mais c'est loin d'être extraordinaire, cette année. On doit encore faire pas mal de tri pour éliminer les patates touchés par le taupin", ce petit ver qui, du fait de la sécheresse des sols, remonte s'hydrater dans les tubercules de pomme de terre. Pour maintenir son niveau de production, Sylvain réfléchit à produire de nouvelles variétés plus résistantes au taupin et au stress hydrique. 

" Nos exploitations subissent également l'inflation "

Mais tout cela à un coût. Qui se rajoute à la hausse générale des prix. Sylvain poursuit : " Nos exploitations subissent également l'inflation, c'est une évidence. On subit comme tout le monde l'envolée des prix des carburants et de l'électricité, et à cela, il faut rajouter, l'envolée des prix sur les pièces de nos machines, qu'il faut remplacer régulièrement, parce que les sols sablonneux du plateau, les usent très rapidement". 

Alors pour résister, il convient d'augmenter ses prix : " On est sur une hausse de 10 % par rapport à l'an dernier" nous confie Sylvain pour finir.

Pour faire face à la situation, Sylvain Maître a du augmenter ses prix Photo par jfp

Pas de quoi décourager la clientèle pour autant, venue en nombre se ravitailler en sacs de pomme de terre chez les producteurs de Craponne, par démarche militante ou tout simplement par goût ou par intérêt.

" On a fait des kilomètres pour soutenir ces petits producteurs" Fabien, Elodie et Alice, consommateurs

Fabien, Elodie et Alice sont venus tout spécialement de Lyon pour l'occasion. Preuve s'il en était de la renommée de la trifola : " On a fait tous ces kilomètres pour soutenir les petits producteurs, les circuits courts mais on vous cache pas que c'est aussi parce-que ces pommes de terres sont juste excellentes".

Quant à Catherine, qui vit à Polignac avec une toute petite retraite, elle sourit lorsqu'on tente d'évoquer la hausse des prix de la Trifole " Vous rigolez? La hausse des prix ici, on ne la sent pas du tout. C'est hyper correct et les produits sont excellents. Y'a pas de voleurs ici ". 

Fabien, Elodie et Alice, venus de Lyon pour soutenir les circuits courts Photo par jfp

 

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