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La pollution numérique, un impact conséquent sur l'environnement
Souvent ramenée à la circulation ou aux déchets en tous genres, il existe une pollution dont on ne parle pas ou peu : la pollution numérique. Rencontre avec Arnault Pachot (AP) et Emmanuel Nurit (EN), dirigeants de l'entreprise OpenStudio, spécialisée dans le développement web sur mesure et implantée à la Cité du Numérique du Puy-en-Velay.
Qu'est-ce que la pollution numérique ?
A.P : "Tout d'abord, elle a plusieurs niveaux. On a la fabrication, qui est la plus grosse des pollutions. Tous les terminaux que l'on va fabriquer, tous les usages "cloud", les hébergements des sites. Tout cela demande de fabriquer du hardware (renvoie à tout ce qui est palpable dans et autour d’un ordinateur, les composants physiques en quelque sorte), c'est vraiment très polluant. Ensuite, on retrouve les usages, avec le débit que l'on va utiliser, la vidéo que l'on va regarder. Et enfin, il y a le recyclage. Le numérique mondial représente aujourd'hui 4% de pollution en CO2. Autrement dit, c'est deux fois la pollution de la France. Et la croissance est d'environ 6% par an, si je ne me trompe pas. Ce qui est frappant finalement, c'est que tout ce langage virtuel donne l'impression d'être quelque chose d'immatériel. Alors qu'en fait, pas du tout, ce langage a un véritable impact. On dit souvent d'ailleurs, à tort, que c'est la solution...eh bien non, cela fait partie du problème."
Comment faire prendre conscience aux gens de cette pollution ?
E.N : "Prendre conscience, je ne sais pas. Après, nous on étudie sur le numérique responsable et on vise les "5 R". Refuser certains usages (Je n'ai pas besoin de ça, je peux m'en passer), réduire les usages (Est-ce que j'ai besoin de regarder Netflix en HD, alors que sur mon terminal, je peux regarder en vidéo medium ou basse ?), recycler, réparer (Doit-on forcément jeter lorsqu'un bouton ne marche plus, ai-je besoin de changer de téléphone tous les ans ?) et rendre à la terre (Faire bonifier dans les déchets)."
Comme pour la pollution générale, la pollution numérique demande aux consommateurs d'amputer une part de leur confort au profit de l'environnement. Doivent-ils renoncer à ce confort ?
E.N : "Oui, c'est certain, d'autant qu'il y a un autre effet que l'on appelle "effet rebond". Aujourd'hui, on sait que les ordinateurs vont deux fois plus vite et consomment deux fois moins. Donc on se dit que c'est fabuleux. Mais en fait, non, bien au contraire, on va utiliser deux fois plus de puissance. Il y a vingt ans, on faisait déjà des sites web, mais on ne faisait pas d'images HD en pleine page sur les sites, parce que le débit ne le permettait pas. Aujourd'hui, puisque le débit le permet, on pourrait se dire que l'on peut faire dix fois plus de sites. Mais non, on fait surtout des sites plus gourmands. C'est ça l'effet rebond : plus on économise, plus on va consommer cette énergie, donc c'est un effet paradoxal. Donc oui, il faut renoncer, ou du moins se poser la question."
A.P : "Ce qui est également paradoxal, c'est que le numérique permet aussi des améliorations, des optimisations de système pour que les gens consomment moins. Avec l'intelligence artificielle, on peut arriver, à grands coups de calculs, à faire que les pesticides, les engrais (en agronomie) soient optimisés, tout comme les consommations électriques dans les bâtiments.
"Toute la difficulté, c'est de faire la différence entre un numérique utile et un numérique futile". Arnault Pachot
L'intelligence artificielle, que l'on met maintenant à toutes les sauces et dont on est d'ailleurs des experts, elle augmente d'autant plus la consommation numérique. C'est beaucoup plus de données, beaucoup plus de temps de calcul, plus de serveurs, plus de matériel et plus d'obsolescence sur celui-ci. Il faut, quelque part, que l'on tende à la sobriété des usages pour que notre matériel ne soit pas, au bout de deux ans, obsolète, parce que les sites internet requièrent toujours plus de puissance. Il y a clairement un retour au bon sens qui doit se faire. Au départ, on ne s'en est pas rendus compte, car on a vécu, comme beaucoup, dans l'illusion d'un numérique immatériel, où quand on fait une visio conférence par exemple, on économise le temps de trajet avec un moteur diesel pour se rendre d'un lieu à un autre. Mais ce n'est pas toujours vrai.
"Le problème de fond, c'est la croissance de l'usage, de l'utilisation du numérique"
Ce problème deviendra très prochainement un problème majeur. C'est cette façon de ne pas se rendre compte de la valeur énergétique qu'il y a derrière qui est vraiment problématique. Aujourd'hui, on est sur des accès à internet qui sont illimités et ça contribue à rendre l'illusion d'une ressource illimitée qui n'en est pas une. Les terres rares, par exemple, qui servent à la fabrication des matériels, ne sont plus réellement recyclables. On va vers un épuisement des ressources."
Du coup, sommes-nous dans une société de consommation qui va trop vite ?
A.P : "Bien sûr que oui. Après, on n'est pas là pour bloquer le progrès. Il y a deux façons d'aborder ça. On ne peut pas donner tort aux partisans de la sobriété, dans les usages notamment. Il faut aller dans le sens d'une réduction des émissions, c'est évident. Seulement, prôner quelque chose qu'il est difficile de mettre en place, c'est complexe. Dans une société comme la nôtre, ce serait des changements radicaux. On peut en rêver, mais dans les faits, je ne suis pas sûr que cela arrive dans les prochaines années. Et quelque part, on a une autre approche qui tend à dire que l'on a un système dynamique aujourd'hui, mais on va à l'amener à être plus sobre.
"Mais il est vrai que les attentes des consommateurs guident les compagnies dans leur marketing". Arnault Pachot
Faire fi de ça, c'est étrange, car on n'est pas dans une société totalitaire et c'est compliqué d'imposer quelque chose, fort heureusement. Finalement, qu'est ce qui fera que demain, le consommateur sera plus raisonnable ? C'est qu'il sera plus averti. Dans d'autres domaines, les mentalités ont évolué, mais les consommations liées au numérique ne sont pour le moment pas très connues. Faisons donc de la pédagogie sur ce sujet-là."
"En opposition à une vision sobre de la société, on a aussi une vision plus technophile, avec des sauts technologiques qui se font dans l'histoire du monde et qui ont permis de résoudre des problèmes importants. La vérité est donc sans doute entre sobriété et avancée technologique". Arnault Pachot
E.N : "Et maintenant, on a des lois qui commencent à demander aux fabricants de maintenir logiciellement la durée de vie des appareils. Aujourd'hui, un iPhone, au bout de 4-5 ans, on ne peut plus mettre son système à jour et on n'a plus d'applications. On est obligé de le changer si on veut continuer à l'utiliser. Ces lois veulent repousser ce délai à dix ans, par exemple, pour arrêter ce que l'on appelle "l'obsolescence programmée"