Infanticide de Saugues : « Je regrette, je suis malheureuse sans mon fils »

lun 06/02/2017 - 20:37 , Mise à jour le 27/11/2020 à 08:45

Le poing crispé sur son mouchoir, elle peine à retenir ses larmes. Depuis son box, la jeune femme écoute le président de la Cour d'assises, Etienne Fradin, revenir sur cette nuit tragique de mars 2015. "Le soir, vous avez pris un Lexomil, et vous êtes allée vous coucher tôt. Dans la nuit, vous vous êtes réveillée et avez senti un petit corps à côté de vous." L'accusée écoute, le visage rouge, les cernes creusés. Et le juge de poursuivre : "Ce n'était pas très clair dans votre esprit. Vous ne vous souveniez pas d'avoir accouché. Vous dites aussi que vous n'avez ressenti aucun amour, aucun lien mère-fils avec cet enfant."
----Rappel des faits
Le 20 mars 2015, rue de la Margeride à Saugues. Dans un appartement, pompiers et gendarmes découvrent le cadavre d'un nouveau-né. Le bébé a un lien en plastique serré autour du coup. Sur place, une jeune femme de 28 ans et sa mère doivent s'expliquer. D'après le médecin ayant pratiqué l'autopsie, l'enfant était né une demi-heure auparavant. La jeune femme avait nié sa grossesse à son entourage.-----« J'ai pris un sac en plastique sans réfléchir, je l'ai mis dans sa bouche »
La jeune femme n'a pas supporté les pleurs du bébé. Elle aurait posé la main sur sa bouche, pour qu'il se taise. "J'ai été surprise, il m'a fait peur", s'est-elle expliqué durant l'enquête. "J'ai pris un sac plastique sans réfléchir. Je l'ai mis dans sa bouche." N'obtenant pas le résultat escompté, elle l'aurait noué autour de son cou. D'après l'autopsie, le bébé est mort une demi-heure après sa naissance.
«Je n'aurais jamais dû faire cette bêtise »
Les faits se sont déroulés il y a près de deux ans. Mais à l'audience, au milieu des policiers, l'accusée supporte mal le retour en arrière. "Je regrette", lâche-t-elle entre deux sanglots. "Je suis malheureuse sans mon fils, je n'aurais jamais du faire cette bêtise."

Pour expliquer sa fragilité, la jeune Sauguaine évoque une famille dans laquelle "on ne parle pas de sa vie personnelle", et "qui a souffert des non-dits." Le dernier d'entre-eux : sa grossesse. Elle le savait, dès le quatrième mois. "Mais j'avais peur du jugement de mes proches."

Appelé à la barre, son grand frère la soutient. "Dans cette famille, on se passe un sac à dos de souffrance, de génération en génération""Qu'y a-t-il, dans ce sac ?", interroge le juge. "Un père légionnaire absent, mort trop jeune." Mais aussi une mère seule. Mère courage, qui "s'est battue pour s'en sortir". Mais mère épuisée, parfois absente, passée par l'alcoolisme. C'est chez elle que le drame a eu lieu.

Elle risque la prison à perpétuité
L'accusée occupait l'appartement maternel depuis quelques années, sans emploi, ni vie sociale. Comment a-t-elle pu cacher une grossesse à celle qu'elle cotoyait au quotidien? La grand-mère du bébé tente une explication. "Ma fille a toujours été grassouillette, elle portait des vêtements très larges", témoigne-t-elle à la barre, sans y croire vraiment. Sa voix traduit une grande lassitude. "Après, j'ai pensé au suicide. Mon petit-fils mort, ma fille en prison, c'était trop dur."

Actuellement détenue à Saint-Étienne, l'accusée risque la réclusion criminelle à perpétuité. Les trois juges et les huit jurés populaires rendront leur décision mercredi soir, après l'audition de nombreux témoins.

Clément L'hôte

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