Incapables de fournir assez de déchets, les collectivités condamnées à payer

lun 24/10/2016 - 19:50 , Mise à jour le 27/11/2020 à 08:43

Christophe Lambert en avril, Alain Juppé en juin, des délégations étrangères… L’usine de valorisation des ordures ménagères Altriom attire les foules. Début septembre 2016, c’est la commission environnement du Sénat qui visitait le site, sur la zone artisanale de Polignac.
Altriom est une émanation du groupe Vacher et mise sur un triptyque infaillible pour n'importe quelle personne ayant en charge une collectivité : "c'est bon pour l'environnement. C'est bon pour les emplois créés. Ça coûte moins cher aux contribuables". De quoi remporter haut la main n'importe quel scrutin, comme nous l'avions déjà évoqué lors de la visite à Polignac du candidat (et principal favori) à la primaire de la droite et du centre Alain Juppé.

Les collectivités ont fourni tout juste la moitié des quantités de déchets escomptées
En janvier 2012, l'agglo du Puy a passé un marché relatif au recyclage et compostage des ordures ménagères avec diverses collectivités : le SICTOM de l'Emblavez-Meygal, le SICTOM des Monts du Forez et la com' com' du Pays de Saugues. Le cahier des charges prévoit un engagement de fourniture de 25 000 tonnes annuelles d'ordures ménagères (objectif un peu plus élevé lors de l'annonce à la presse) et si cet engagement n'est pas tenu, une clause de revoyure fixe une indemnisation librement négociée.
Au cours de l'exercice 2016 et après six mois de fonctionnement, les quantités fournies par les quatre collectivités ne sont pas à la hauteur des espérances et l'engagement ne sera pas respecté. Il manque environ 10 000 tonnes de déchets à fournir à Altriom. Pour anticiper la fin de l'exercice et ainsi permettre à la société Altriom de pousuivre son exercice dans des conditions ne mettant pas en cause l'équilibre du marché, il a été convenu de faire jouer la fameuse clause de revoyure. Et le montant a été fixé à 294 000 €, après une réunion des présidents des quatre collectivités concernées. 

Les collectivités espèrent un retour positif des efforts financiers consentis
Seule l'agglo du Puy prévoit les crédits budgétaires nécessaires pour honorer cette indemnisation sur l'exercice 2016. Elle va donc prendre en charge seule le montant de cette indemnisation et des conventions financières permettront aux trois autres collectivités de rembourser à l'agglo du Puy les sommes qui lui sont dues sur l'exercice 2017, au prorata du non respect de l'engagement de chaque collectivité. 
On note également que les quatre collectivités adhérentes au groupement de commandes ont consenti des efforts financiers importants en augmentant sensiblement l'avance faite à la société Altriom. Cette augmentation d'avance a servi à couvrir les investissements complémentaires que l'entreprise Altriom a été contrainte de réaliser pour parfaire son outil. Pour avoir un retour positif des efforts financiers consentis par les collectivités, une clause de revoyure engagera les parties à revoir le prix du traitement de la tonne à la baisse lorque l'apport en ordures ménagères àl'entreprise Altriom (toute provenance confondue) dépassera le seuil de 32 000 tonnes annuelles.

----Grâce aux quatre brevets déposés par les frères Vacher et les technologies développées, ce "site est unique au monde". Le bac résiduel, c'est-à-dire notre poubelle la plus courante et dans laquelle on jette l'écrasante majorité de nos déchets, représente 84 % des tonnages et tous les jours, cette matière est enfouie ou incinérée. "Nous proposons de trier 90 % de ces tonnages, au lieu de 16 %, ce qui créé de l'investissement et de l'emploi", expliquaient-ils à Alain Juppé en juin dernier.-----Un équipement novateur, coûteux... mais efficace
Rappelons en effet qu'il s'agit d'un équipement novateur qui a nécessité lors de sa mise en route des ajustements techniques importants. Mais efficaces : 90 % des déchets ménages traités par la société basée à Polignac sont valorisés et détournés ainsi de l'enfouissement. Le prix du tri en France est de 180 € la tonne, c'est ce que ça coûte à nos collectivités. L'enfouissement est chiffré à 110 € la tonne, l'incinération à 160 € la tonne. 
"Notre système permet de tabler sur 50 € la tonne", se félicitaient les deux frères Vacher lors de la venue d'Alain Juppé, "on peut donc diviser par deux les charges pour la collectivité". Dans le cas de Polignac, un investissement de 15 millions d'euros a permis la création de 20 emplois pour 40 000 tonnes. "Si on reporte ces chiffres au gisement d'ordures ménagères en France (ndlr : 15 millions de tonnes), ce sont potentiellement 7 500 emplois en France pour six milliards d'euros d'investissement, sans compter les importantes économies réalisées", soulignaient Matthieu et Fabien Charreyre.

"Augmenter nos volumes d’ordures ménagères contrevient à toute logique environnementale"
Au moment où le dossier a été évoqué lors du conseil communautaire, deux élus ont manifesté leur mécontentement en ne prenant pas part au vote. Michel Forestier, de St-Germain-Laprade, a demandé : 
"pourquoi n'y a-t-il pas eu de discussion en commission des déchets ?", avant de déplorer : "on a plus de questions que de réponses aujourd'hui". Le conseiller d'opposition Laurent Johanny (PS) lui a emboîté le pas : "je regrette à mon tour le parachutage de ce rapport, aucunement étudié durant les commissions préalables au conseil, sur un sujet stratégique fondamental. Pour débattre du versement de telles indemnités, et du futur d’Altriom, les élus ont besoin de tous les éléments : une nouvelle fois, ce n’est pas le cas".
L'assemblée n'ayant pas accepté de reporter le vote comme l'avait demandé le jeune socialiste, il s'est abstenu en relevant : "une étude est lancée en parallèle [...] quant à la réorganisation de la collecte des ordures ménagères avec la suppression du tri sélectif du plastique et des métaux. [...] Tout ceci est évidemment à rapprocher de la nécessité, pour remplir le contrat avec Altriom, d’augmenter nos volumes d’ordures ménagères, ce qui là encore contrevient à toute logique environnementale".

Pour la sécurité, un aménagement réclamé à Laurent Wauquiez
"Il y a aussi le problème de l'acheminement", souligne le maire de la commune de Polignac Jean-Paul Vigouroux, "il faudra y réfléchir avant qu'un drame ne se produise, ce carrefour est beaucoup trop dangereux". 
Dans la crainte qu'un grave accident s'y produise, il a déjà maintes fois alerté la collectivité et le Président Michel Joubert lui a répondu : "j'ai demandé au Président de Région Laurent Wauquiez de financer un aménagement de ce carrefour. Rien n'est encore acté mais on pourrait l'avoir d'ici trois ou quatre ans".

Une nouvelle source de déchets à recycler pour gonfler les recettes 
Après avoir laissé l'opposition s'exprimer et avant de faire voter l'assemblée, Michel Joubert a conclu : "moins de déchets, c'est aussi moins de recettes, il faut que l'on passe le cap".
Une note d'optimisme en guise de conclusion pourrait aider la collectivité à franchir ce cap : le SICTOM Velay-Pilat a bientôt fini de remplir son casier d'enfouissement ; il devrait donc acheminer ses déchets jusqu'à Polignac à brève échéance.

Maxime Pitavy

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