Entre Haute-Loire et Ecosse, un patrimoine commun ? Des collégiens enquêtent

, Mise à jour le 27/11/2020 à 08:57

Les élèves de 4° et de 3° de la section « English Excellency » du collège Lafayette du Puy-en-Velay ont participé ce jeudi 4 avril 2019 à une sortie au Monastier-sur-Gazeille, pour préparer leur voyage en Écosse qui aura lieu au mois de juin. C’est dans le cadre de l’année européenne du patrimoine culturel qu’ils participent au projet «patrimoine local, patrimoine européen», initié par le Conseil départemental de la Haute-Loire, ce qui les a incités à comprendre quels liens unissent le patrimoine local de la Haute-Loire et celui de l’Écosse. Ils ont pu découvrir le Musée des Croyances populaires grâce à une visite commentée par Patrice Rey, le créateur du musée. C’est sortie a aussi été l’occasion de poser leurs pas sur ceux de l’écrivain écossais Robert Louis Stevenson, parti du Monastier à pied jusque dans les Cévennes.

Croyances populaires en Écosse et en Haute-Loire
C’est au château abbatial du Monastier qu’est installé le Musée d’ethnographie sur les Croyances populaires en Velay. Patrice Rey y présente les croyances qui permettaient de donner, à un fait surnaturel, une explication de manière extraordinaire. Depuis plus de trente ans, il les a recueillies « auprès de gens très âgés qui ont été interrogés sur les contes et les légendes qu’ils entendaient petits. Bien sûr, ce sont des gens qui ont toujours vécu sur les plateaux, dans des fermes isolées, pas des gens qui ont vécu en ville avec la télé !», affirme-t-il. Si elles se sont si longtemps développées, en Haute-Loire comme en Écosse, c’est parce que l’altitude et les hivers glacials provoquaient l’isolement de ces populations. Et c’est aussi ce qui a permis la survivance des langues régionales, comme le patois et le gaélique. L’objectif premier de Patrice Rey était donc de conserver cette langue, le patois, puis de partager ces croyances, d’où l’idée de ce musée. Tout est conçu de sa main : les textes, les dessins, les figurines, les sculptures, représentant sous forme concrète ces croyances si bien qu’on les croirait vivantes.

Les lutins : bénéfiques ou sanguinaires ?
Dans les croyances populaires, on rencontre de nombreux lutins en Haute-Loire, tout comme en Écosse. Patrice Rey en a présenté deux, typiques de la Haute-Loire : le Drac et le Draye. « La plupart des lutins sont des farceurs. Par exemple le Drac est un lutin qui tue, mais pour lui c’est une farce ! » rapporte le créateur du musée. Ce nom, Drac, signifie en patois « fils du dragon », c’est une figure de premier plan de la mythologie occitane. Ce lutin sanguinaire aime faire des farces, pour la majorité dangereuses, dans le but de dévorer les humains. Une légende raconte que le père Drac aurait ramené un enfant chez lui dans le but de le dévorer mais l’enfant était tellement sage et poli (le Drac ne rencontre habituellement que des enfants qui ne sont pas sages), qu’au contact avec la mère Drac, celle-ci se serait transformée en une belle femme !
Le Draye de Saugues, lui, est un lutin qui s’est transformé en cheval, et qui a le pouvoir d’allonger sa croupe pour faire de la place à beaucoup de cavaliers. Une fois ceux-ci sur son dos, il fonce dans un galop effréné et se rue juste devant une falaise pour les faire tomber dans l’eau. Il n’est pas sans rappeler le Kelpie, ce cheval des eaux écossaises, vivant surtout autour des « lochs », ce qui signifie lacs, un démon qui a pour coutume de précipiter dans les eaux les personnes qui ont eu le malheur de monter sur son dos.
Dans les croyances écossaises, on rencontre aussi de nombreux lutins comme les effrayants « Red Bonnets » (les bonnets rouges), qui tuaient pour le simple plaisir de tremper leur bonnet dans le sang afin qu’il reste bien rouge. Il existe, heureusement, des lutins bénéfiques, mais seulement en Écosse. Ainsi, les Brownies finissaient ce qui avait été débuté, comme le travail des écoliers, le rangement de la maison… et même, comme l’affirme l’écrivain écossais Robert Louis Stevenson, la fin de son récit ! Malheureusement, c’est une légende…

Les croyances populaires en matière de médecine
Autrefois, quand on trouvait dans la nature un élément qui ressemblait à une partie du corps humain, on l’interprétait comme une signature et on s’en servait comme médicament pour cette partie du corps. Ainsi, on soigne depuis très longtemps les personnes malades du cœur avec de la digitale, plante très répandue en Haute-Loire, tout simplement car ses tiges sont en forme de cœur. Patrick Rey a aussi dévoilé l’existence de certaines pierres guérissantes, telles que les pierres à venin, qui permettaient, selon la croyance, de soigner toute morsure de serpent. « Il se disait autrefois que l’on trouve des pierres à foudre à l’impact de l’éclair sur le sol. Comme on prétendait que la foudre ne tombe jamais deux fois au même endroit, on fixait ces pierres sur les murs des maisons afin de les préserver du tonnerre. Les plus petites étaient parfois portées.» Des pierres comme celle-ci, il en existe aussi en Écosse comme la pierre de fécondité que l’on frottait sur le ventre d’une femme qui voulait un enfant. On trouvait aussi en Haute-Loire des fontaines guérissantes comme celle de Montbonnet : si on y jetait une pièce de monnaie et qu’on y plongeait la partie du corps atteinte, les verrues disparaissaient. Mais pour les voleurs de pièces, il suffisait d’en prendre une seule pour récupérer aussi toutes les verrues !

Les sorcières : guérisseuses ou empoisonneuses ?
Selon les légendes récoltées par Patrice Rey, les sorcières étaient des fées qui, abandonnées, décidèrent de punir les hommes. En réalité, c’était majoritairement des femmes, craintes, mais aussi utiles car elles connaissaient les mystères et les secrets des plantes, des animaux, des pierres et pouvaient donc soigner. Mais à trop forte dose, les plantes pourraient empoisonner la personne. Patrice Rey explique : « il y a peu ou pas de différence que ce soit ici ou en Écosse entre le guérisseur et le sorcier car c’est le même pouvoir, le même savoir, la même connaissance avec laquelle on peut faire du bien ou du mal. On ne divise pas le monde entre des gentils magiciens ou des méchants sorciers mais entre les rares qui connaissaient les mystères et les secrets et qui peuvent en faire ce qu’ils veulent, du bien comme du mal, et l’ensemble de la population qui les subit. »
 
Quand on avait un problème sur soi, sur la maison, ou pire sur les animaux, on ne l’expliquait pas par le hasard ou le manque de chance, mais on pensait que c’était quelqu’un qui jetait des mauvais sorts. Par exemple, quand les vaches donnaient moins de lait que d’habitude on pensait que c’était un voisin qui volait le lait par sorcellerie. On y croyait tellement qu’on inventait des techniques pour s’en préserver, comme voler l’urine du « sorcier », et la faire boire aux vaches. Le dernier procès pour vol de lait par sorcellerie eut lieu en Haute-Loire en 1936. Ainsi, à partir de la fin du Moyen Âge et pendant la Renaissance, de nombreuses chasses aux sorcières furent menées et des milliers de sorcières finirent au bûcher comme Johannette Ravergade en Haute-Loire.     
En Écosse, le roi Jacques VI mena lui aussi une chasse aux sorcières. Il en rencontra une très étrange : la sorcière Agnès, qui lui rapporta tout ce que lui-même avait dit à sa femme lors de leur nuit de noces, alors qu’ils se trouvaient dans un autre pays ! Les sorcières étaient donc capables du meilleur comme du pire.      

Fantômes et  maisons hantées
En Écosse et en Haute-Loire, on racontait de nombreuses histoires de revenants, c’est-à-dire de morts qui reviennent sur terre pour finir quelque chose ou pour une vengeance. Par exemple, on disait rencontrer de mystérieuses Dames blanches errant sur le bord des routes, effrayant les voyageurs égarés. Ces récits de fantômes échappés de l’autre monde pour tourmenter les vivants passaient de génération en génération. On rapporte aussi des histoires de maisons hantées, comme celle du Moulin de Perbet où, en 1902 et 1903, il se passait d’étranges événements. Le meunier aurait, disait-on, vendu ses filles Marie et Philomène, 10 et 14 ans, au diable. Elles étaient en effet capables de faire des choses étranges telles que des roulades arrière pour monter une côte ! Au cours de crises aiguës, elles affirmaient être piquées par des milliers d’aiguilles brûlantes. Quand on les touchait, on sentait aussi les piqûres de ces aiguilles. Un jour, le curé vint les voir et essaya de leur parler. Mais elles le traitèrent de voleur, alors celui-ci dut avouer que quand il était petit, il avait volé des boules de choux dans un jardin, et que jamais, il ne l’avait dit à personne. Des journalistes étrangers, dont un d’Édimbourg, sont venus sur place pour recueillir ces histoires. En effet, en Écosse aussi les châteaux hantés sont fréquents, que ce soit par le joueur de cornemuse au château d’Edimbourg, ou par une Green Lady aussi bien dans le château de Stirling que dans celui de Crathes.

L’aventure de Stevenson au Monastier
Robert Louis Stevenson est un célèbre écrivain écossais, auteur entre autres de L’Ile au trésor et de L’étrange Cas du Docteur Jekyll et de Mister Hyde. Fin août 1878, il vient séjourner au Monastier-sur-Gazeille, à l’auberge Morel (où se trouve aujourd’hui la pharmacie), pour préparer son voyage durant un mois. Le climat y est propice pour apaiser ses souffrances dues à la tuberculose et surtout il s’intéresse à l’histoire des Camisards, étant lui-même protestant, dont la révolte ressemble fortement à celle des Conventers écossais.
La commune du Monastier avait alors 3700 habitants, aujourd’hui on en compte 1800 et les dentellières qui « débordaient de curiosité » sur le pays natal de l’écrivain et sur sa langue, ont aujourd’hui disparu. Stevenson y a séjourné de la fin août 1878 au dimanche 22 septembre, date du début de son départ à pied pour les Cévennes. Il prête peu d’attention aux monuments comme l’église abbatiale Saint-Chaffre comportant l’un des plus anciens orgues d’Europe, l’ancienne abbaye bénédictine et le château, abritant aujourd’hui le musée, comme l’explique aux élèves, en Anglais, Janet Darne, guide conférencière et présidente de l’association le Club Stevenson. L’écrivain raconte : «Chacun avait à cœur d’être aimable et utile » alors que, rajoute-t-il, « un touriste de mon genre était jusqu’alors chose inouïe dans cette région ». Pourtant, pas une de ses démarches ne fut saluée « par une tournée de chopines (...), par un souper ou par un déjeuner ». Aujourd’hui, une stèle marque le point de départ de son périple appelé désormais le GR 70. Ce chemin, Stevenson l’a arpenté pendant 12 jours, et il en a fait le récit dans son célèbre Voyage avec un âne dans les Cévennes, rédigé à partir de son Journal de route. Deux tronçons ont été depuis rajoutés : du Puy-en-Velay au Monastier, et de Saint-Jean du Gard à Alès, ce qui fait un total de 272 km. C’est à l’occasion du centenaire de son départ, en 1978, que le Club cévenol a créé ce sentier de grande randonnée. Et son succès va grandissant.

Stevenson, précurseur de la randonnée
En effet, avant sa venue au Monastier, il avait déjà écrit sur les « Walking Tours », ces parcours à pied plus longs que des promenades sans être de véritables expéditions. Il y présentait ses principes sur ce que nous appelons aujourd’hui la « randonnée ». Celle-ci doit être solitaire ; elle a alors pour effet bénéfique d’arrêter la pensée. Elle n’est vraiment agréable que lorsqu’on se retrouve épuisé, « purgé de toute étroitesse et de tout orgueil ». Tout randonneur novice peut puiser dans son récit de précieux conseils, par exemple pour éviter de trop charger son sac. Celui de Stevenson pesait plus d’une centaine de kilos ! L’ânesse Modestine lui était donc indispensable, et c’est elle qui devait supporter les terribles plaies causées par ce chargement, mais elle servait aussi de médiatrice avec les personnes rencontrées. On peut retenir toutefois la belle invention de Stevenson : ce formidable sac de couchage fait de toile de « bâche verte imperméable à l’extérieur et en fourrure de peau de mouton bleue à l’intérieur, sec et chaud comme un lit », qui lui permet de se créer une « chambre particulière à la campagne ».
Qu’est-ce qui faisait marcher Stevenson hier ? Qu’est-ce qui fait marcher le randonneur aujourd’hui ? Faire l’épreuve de sa résistance physique ? Bien sûr, mais pas jusqu’à l’épuisement. Se dépayser ? Certes, mais sans se perdre. Toutefois, il rencontrait sur son chemin beaucoup plus de gens du pays qu’aujourd’hui : des bergers dans la montagne, des paysans de retour d’une foire ou des habitants attablés dans les cafés. Il reste que Stevenson, comme de nombreux randonneurs aujourd’hui, était convaincu que « grâce à la randonnée, le marcheur se trouve meilleur à l’arrivée qu’au départ », comme l’indique Jacques Poujol dans le guide du GR 70, le Chemin de Stevenson.

Reportage écrit par les élèves de 4°3 : DIARD Léa, MARTIN Léonie, DEFIX Candice et les élèves  de 4°2 : BESSE Agathe,  ANALESHEF Shad, PUTOUX Sophie, BAUZAC Maëva, CHAZOT-MICELI Lia, MOREUIL Mahaut, PIALAT Romane, FARGETTE Brune, Guilhem GODCHAUX, Emmanuel CHABRILLAT, Zack BARRET et Gaspard MARTINAT.

> Il y a trois ans, Zoomdici, vous a proposé une série de vidéos sur les contes de Haute-Loire au musée des croyances populaires du Monastier. En voici une :

Petites histoires de Noël 4 : les veillades from Zoomdici Haute-Loire on Vimeo.

> Retrouvez nos autres vidéos au musée de croyances populaires ici.

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