Déviation RN88 : '''Si les propriétaires refusent, ils ne peuvent se faire exproprier'''

mar 17/11/2020 - 23:26 , Mise à jour le 27/11/2020 à 09:09

« Le monde d’après qui était attendu est encore pire que celui d’avant. Beaucoup de choix politiques ne correspondent pas à la transition écologique et sont même incompatibles, voire nuisibles, comme le nucléaire, l’agriculture de précision, la 5G et le projet de déviation de la RN88 qui s’avère être le plus gros chantier routier de France ». Ainsi introduit Renaud Daumas, président de la FNE 43 (France nature Environnement), la conférence qui s’est déroulée au Puy en présentiel et en visioconférence ce mardi 17 novembre 2020.

Recours en justice de quatre associations
Le préfet du département, Eric Etienne, a donné son accord, le 28 octobre, pour le projet de la déviation, provoquant par la même la colère des opposants. « Nous parlons ici du projet de l'actuel plus gros chantier routier de France, précise Renaud Daumas. 10,7 km d'infrastructures de type autoroutier en espace vierge et terres agricoles, 226 millions d'euros, 13 ouvrages d'art, 3 millions m3 de déblais... La FNE 43, la FNE AuRa, SOS Loire Vivante et le Fnaut (Fédération nationale des associations d'usagers des transports, Ndlr) ont donc décidé de porter un recours juridique pour se battre contre ! »

« Les propriétaires sont harcelés avec des courriers prêts à signer »
Micro en main, Renaud Daumas expose la situation des personnes les plus concernées. « On voit qu’il y a des gens qui coupent leurs arbres pour récupérer le bois avant que les engins arrivent. Mais attention ! Ce n’est pas parce que le préfet a donné son autorisation que le projet se fera. Car il manque encore des terrains au Maître d'ouvrage comme des accès au projet de chantier, des zones de remblais et des mesures compensatoires. ».
Il ajoute : « Certes, les propriétaires sont harcelés avec des courriers prêts à signer, leur donnant l'impression qu'ils n'ont pas le choix. Et malheureusement certains vendent des terrains utiles à la construction de la lutte, utiles au blocage des travaux. Or, si les propriétaires refusent, ils ne peuvent se faire exproprier. C’est impossible au niveau de la loi ! »

« La propagande entretenue par celui qui a ressorti ce projet il y a deux ans est permanente »
Autour de lui, les intervenants, divers de par leurs sensibilités et leur appartenance à tel ou tel groupe, échangent leurs visions des choses et les actions à mener.
À l’instar de Jean-Jacques Orfeuvre, vice président de FNE 43 : « On avait de grands espoirs pendant le premier confinement avec une prise de conscience de la part des politiques et des décideurs. Mais on se retrouve finalement à reprendre notre arme de combattant sur différents sujets comme les néonicotinoïdes, la chasse autorisée et maintenant l’autorisation du préfet pour le projet. La propagande entretenue par celui qui a ressorti ce projet il y a deux ans est permanente. Non, ce parcours n’est pas accidentogène comme celui du tronçon d’Yssingeaux. Non, on ne va pas gagner 10 à 15 minutes ».

Il précise : « Nous avons quatre mois pour le faire depuis le 28 octobre. Pour ralentir le projet, il suffit que les propriétaires de terrains ne vendent pas leurs terres, bien que les pressions soient nombreuses. Et si la réalisation des travaux devait commencer avant la décision du tribunal administratif, nous le saisirions alors aussitôt pour que tout soit arrêté immédiatement ».

« Cette lutte (...), c’est une façon de balayer devant sa porte »
« On milite pour que les risques d’effondrement de nos sociétés soient écoutés par les élus locaux et municipaux, souligne Mélissa Martinez, co-présidente du collectif de l’Asso’Loucionne et membre du collectif Lutte des Sucs. On est en danger. Nous sortons d’un système climatique stable connu de l’humanité depuis 10 000 ans. Il faut que les choses se mettent en action car nous n’avons plus le temps d’attendre. Cette lutte contre la déviation de la RN88, c’est une façon de balayer devant sa porte. Aujourd’hui, nous nous inscrivons dans un combat national contre la ré-intoxication du monde ».


(Beaucoup d'intervenants étaient présents en visioconférence. Photo Nicolas Defay/Zoomdici.fr)

« Que les solutions alternatives soient étudiées et présentées au public »
« Je veux parler des zones humides où 2 400 mètres de cours d’eau seront durement impactés, lance Colette Chambonnet, vice présidente de SOS Loire vivante. Les lits seront rectifiés. Il est prévu une destruction totale de plus de 40 hectares de zone humide. L’ensemble de ce projet est à contresens de la reconquête de la biodiversité, pourtant criée haut et fort par le Gouvernement. Sur l’ensemble des zones humides nécessaires à refaire, le projet n’en compte que 23. Nous éprouvons une réelle inquiétude au niveau des mesures compensatoires inscrites dans le dossier. Nous demandons que les solutions alternatives soient étudiées et présentées au public ».

----Manifestation le 17 décembre
À l'origine, à la place de cette conférence, une mobilisation avait été programmée devant la préfecture du Puy-en-Velay. Dans le contexte de confinement et des risques sanitaires, les initiateurs ont préféré l'annuler pour la prévoir un mois après, le jeudi 17 décembre. Le thème de cette manifestation qu'ils espèrent la plus massive possible est "Contre la ré-intoxication du Monde".-----« Faire de cette ligne ferroviaire, une ligne aussi rapide que par voiture »
« Ce qui nous choque c'est que cette construction est totalement opposée à la vision décrite par le Gouvernement sur la transition écologique et énergétique, embraie Pierre Pommarel, porte-parole de la Fnaut (Fédération nationale des associations d'usagers des transports). Car, comme dit l’adage : Qui sème des routes, récolte du trafic. Il faudrait au contraire développer des transports moins énergivores et moins polluants comme le train. Oui, le train entre Saint-Étienne et Le Puy est actuellement plus lent qu’en voiture. Mais il est possible d’améliorer son temps de trajet en effectuant des arrêts plus rapides et des points de croisement. Les études sur le sujet ont démontré qu’avec 15 millions d’euros, il est envisageable de faire de cette ligne ferroviaire, une ligne aussi rapide que par voiture. Pour le fret transporté par les camions, pourquoi ne pas le concentrer également sur les trains. Mais pour cela, il faut du courage et de la volonté de la part des politiques, qualité qui n’est clairement pas au rendez-vous apparemment ».

« À aucun moment je n’ai eu de réponse lors des différents conseils »
« Laurent Wauquiez, lors des conseils de l’Agglo, s’est assuré de faire voter pour ce projet toutes les communes concernées, remarque Celline Gacon, élue minoritaire du Puy-en-velay pour Europe Ecologie Les Verts. Les mairies des petits bourgs n’ont pas eu le choix que de se rallier au projet. Et malgré toutes mes questions sur, par exemple, le devenir des millions de tonnes de remblais générées, à aucun moment je n’ai eu de réponse lors des différents conseils ».

« Un grand coup d’accélérateur pour aller droit dans le mur »
« Il est clair que l’État et la Région sont en train de mettre un grand coup d’accélérateur pour aller droit dans le mur, estime Myriam Laidouni-Denis, conseillère régionale d'opposition. Non seulement concernant la destruction des ressources naturelles, mais aussi sur cette compétence qui a été donnée à la Région pour concevoir quelque chose normalement alloué à l’État. Au niveau régional, 226 millions d’euros c’est loin d’être rien. L’enveloppe de la Région va être ainsi amputée de cette somme dans une sorte de détournement de budget ».

« Monsieur Wauquiez, ne commencez pas des projets qui seront irréversibles dans l’avenir »
« Ce projet est une aberration, juge Fabienne Grebert, Conseillère régionale, tête de liste pour les régionnales sous la bannière écologique. Et comme l’a souligné Myriam Laidouni-Denis, ce projet ne fait pas partie des compétences de la Région. Nous comprenons bien évidemment que certains habitants du Pertuis et de Saint-Hostien éprouvent des problèmes pour traverser leurs routes. Mais il y a d’autres solutions qui existent bien moins onéreuses et bien moins destructrices. D’ailleurs, concernant l’entretien d’un tel monstre, cette responsabilité revient à l’État. C’est donc nous tous, contribuables, qui allons payer cette énorme charge ». Elle continue : « Au lieu de vouloir créer des routes rapides pour raccourcir les temps de trajets, il faudrait plutôt que l’argent soit investi pour créer des emplois et des services publics dans les villes et villages afin que personne n’ait à faire plus de 15 minutes en voiture pour s’y rendre ». Fabienne Grebert lance un message au Président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes. « Monsieur Wauquiez, ne commencez pas des projets qui seront irréversibles dans l’avenir et pour l’avenir. C’est le meilleur message que vous pourriez faire passer pour respecter la démocratie et notre planète ».

« Le Pertuis s’apprête clairement à devenir un village mort »
Francis Collet habite au Pertuis. Il estime qu' au-delà des contraintes qu'il va subir personnellement comme la destruction de sa source, « c’est le hameau tout entier qui va perdre de sa raison d’être. Le paysage sera à jamais transformé, avec un viaduc visible à des kilomètres entre les montagnes. En perdant son flux de voitures, Le Pertuis et ses commerces vont perdre leurs clients et leurs visiteurs. Cette déviation ne va rien nous apporter. Le Pertuis s’apprête clairement à devenir un village mort contrairement à ce que pourrait faire croire la Région et les porteurs du projet ».

« Ce projet est un véritable gâchis »
« Je suis bien sûr contre ce projet car il met en péril des hectares de terres agricoles, renchérit Claude Vérot, administrateur de l'association Haute-Loire biologique. Des zones propices à l’élevage vont disparaître. Pourtant, tout est là pour développer des petites surfaces en polyculture d’élevage. Ce projet est un véritable gâchis ».
Quant à Gildas de l’Union Communiste Libertaire, il considère que « cette déviation n’aura de l’intérêt que pour deux entités : les transports routiers et les vendeurs de béton ».

Nicolas Defay

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