Décarboner l'économie : remue-méninges au Puy

dim 04/07/2021 - 17:30 , Mise à jour le 04/07/2021 à 17:30

Ce mercredi 30 juin 2021, une poignée de citoyens se sont réunis au Puy, dans le quartier du Pensio, pour donner leur avis sur les mesures proposées par un think-tank français, le Shift Project, visant à décarboner l'économie au pas de course, secteur par secteur.

Plus de 40°C relevés cette semaine en Italie, 49°C au Canada, 48°C en Sibérie. Coups de froid, coups de chaud, tornades, inondations… le climat se détraque à vue d'œil sous l'effet des activités humaines. L'urgence climatique n'est plus pour demain. Elle est là.

Venus d'horizons différents mais sensibles à l'urgence, les sept Altiligériens réunis ce soir vont devoir phosphorer pendant deux heures pour juger si les mesures de décarbonation proposées par le Shift Project sont correctement calibrées et acceptables par la société. Leurs avis seront compilés pour analyse (500 réunions ont lieu un peu partout en France) et viendront compléter le Plan de transformation de l'économie française (PTEF) qui sera remis aux différents partis politiques à l'approche de la présidentielle de 2022. Morceaux choisis.

Faut-il restreindre le nombre de constructions neuves ?

Première question, premiers débats ! En France, il se construit chaque année 420 000 nouveaux logements, dont la construction est très émettrice de gaz à effet de serre (essentiellement du CO2, responsable du dérèglement climatique) et qui grignotent des terres qui pourraient servir à nous nourrir. Se pose d'emblée une question qui reviendra tout au long de la soirée : peut-on imposer des contraintes ? Ne vaut-il pas mieux faire comprendre aux gens les tenants et les aboutissants de la situation afin qu'ils s'abstiennent d'eux-mêmes de construire du neuf ? Sauf que voilà, « faire construire », c'est un choix financier… et un marqueur social.

En Haute-Loire, il y a ceux qui ont "fait construire"… et ceux qui habitent encore la maison de mémé. Une participante rappelle tout de même que nous subissons déjà des contraintes : nous avons par exemple l'obligation de boucler notre ceinture en voiture… et l'interdiction de rouler à 130 km/h devant une école, et tout le monde s'y soumet sans broncher. La contrainte est donc (théoriquement) possible. À l'heure où toutes les communes ne jurent que par le « développement » (synonyme d'étalement), quelqu'un cite également l'exemple de Saint-Péray, en Ardèche, dont le maire a donné la priorité à l'installation de nouveaux agriculteurs, et non à la construction de nouveaux logements, faisant grincer des dents au passage. La sécurité alimentaire avant tout ! Le problème, conclut un informaticien du Puy, c'est que tout le monde veut sa maison et son petit lopin… car, sans le savoir, nous vivons tous comme des nababs !

Faut-il imposer des travaux de rénovation énergétique ?

Oui, selon certains citoyens présents, si cette obligation est corrélée au patrimoine du propriétaire. « Le levier le plus efficace sera toujours le levier financier », observe un participant. Il faudrait donc mettre en place des incitations financières plus efficaces que celles existant actuellement. Reste à savoir si, une fois ces logements rénovés, on observera des gains d'efficacité énergétique mesurables. Les gens chaufferont-ils vraiment moins ? Rien n'est moins sûr. Quand on élargit une route pour fluidifier le trafic, par exemple, on constate toujours… une augmentation du trafic !

De manière générale, les gains d'efficacité sont bien souvent une vue de l'esprit, puisqu'ils sont aussitôt annulés par une augmentation en flèche de l'usage. La priorité, glisse une participante à la soirée, n'est peut-être pas la rénovation thermique des logements, mais de stopper l'artificialisation des terres afin de préserver le foncier nourricier. La vérité, résume un contributeur, c'est qu'on vit dans le luxe, « on est tous des veaux gras », incapables de réduire notre consommation de ressources et d'énergie. Une voiture sur deux vendue en France est par exemple un SUV, soit 1,7 tonne en moyenne pour transporter un être humain de 70 kg ! « Le standard, c'est les stars qu'on nous montre », pointe une enseignante. Si les « stars » en question vivaient sobrement, achetaient peu et uniquement des objets solides et durables, le reste de la société suivrait.

Faut-il limiter l'essor des technologies ?

Si la plupart des secteurs accusent plutôt un fléchissement de leur croissance, ce n'est pas le cas du numérique, qui explose littéralement. Le numérique émet aujourd'hui autant de gaz à effet de serre que la flotte mondiale de camions réunie ! Dans notre usage du numérique, la pollution intervient essentiellement lors de la fabrication des appareils et lors du visionnage de vidéos en ligne. Pour rentabiliser un ordinateur (c'est-à-dire les matières premières nécessaires à sa fabrication), il faudrait l'utiliser pendant… 50 ans, rappelle une participante.

La question qui se pose, c'est celle du marketing, pointe un autre, les fabricants misant sur l' « obsolescence psychologique » : quand un objet n'est plus à la mode, plus personne n'en veut. Mais alors, où placer le curseur ? « L'ordinateur oui, la 5G non », tranche un informaticien. « Le numérique, c'est magique, c'est l'équivalent de la découverte de l'imprimerie. Mais là, ça va beaucoup trop loin. » Va-t-on voir un fossé se creuser dans la société entre les accros à la tech et une minorité de gens conscients des limites planétaires qui préfèrent lever le pied et miser plutôt sur les low-techs (des technologies réparables par l'usager et qui n'ont besoin ni de pétrole, ni d'électricité pour fonctionner).

L'enseignante présente regrette que les copies des élèves soient aujourd'hui systématiquement scannées pour être corrigées : cela induit une double dépense d'énergie… en plus d'un sacré casse-tête en cas de coupure de courant ! Le débat va parfois très loin, notre activité sur les réseaux sociaux posant la question de nos besoins. Car nous avons tous un besoin fondamental d'appartenance à une communauté : si les autres sont hyperconnectés les uns aux autres, nous n'avons pas d'autre option que de l'être aussi !

Est-il souhaitable d'interdire en amont certaines technologies ?

Cette question a le mérite de mettre tout le monde d'accord : la réponse est oui… même si c'est sans doute irréalisable en l'état actuel des choses, d'autant qu'il ne faut pas trop compter sur l'État pour le faire, précise un fin connaisseur des rouages du système. « L'État n'est qu'une construction mentale », rappelle-t-il.

Faut-il imposer une garantie de 10 ans sur les appareils numériques ? Et interdire leur remplacement avant la date de fin de cette garantie ?

À la première question, la réponse du panel est un « oui » unanime. À la seconde, ce serait en effet souhaitable… mais totalement irréaliste. « Il faut ensemencer les esprits avec des rêves raisonnables », dit joliment un apiculteur présent. « Rendre glamour ce qui est solide et durable », renchérit une enseignante. Toutes ces questions précises conduisent inévitablement à des réflexions de fond et la discussion se met à dériver vers des questions existentielles et brûlantes : ne serions-nous pas trop nombreux sur Terre ? Et l'Afrique n'est pas ici en cause, puisque les Africains ont une empreinte carbone ridicule par rapport à la nôtre. Le mode de vie d'un Français, en revanche, c'est 12 tonnes de CO2 par an. « Sans compter que le gros de notre pollution est externalisé en Asie, où l'essentiel de ce que nous consommons est produit », rappelle une contributrice. Et quand bien même la France n'émettrait que 1 % des gaz à effet de serre, ce n'est pas une raison pour ne pas agir. D'autant que, contrairement à ce que l'on pourrait penser, la France jouit encore d'une aura à l'international due à son histoire… « Beaucoup de pays nous regardent ! »

Les citoyens qui souhaitent s'impliquer dans ce Plan de transformation de l'économie française ont la possibilité de répondre au questionnaire du Shift Project sur son site Internet. Parallèlement, il reste toujours les petits gestes, qui se résument bien souvent à un mot : « réduire » (moins de voiture, moins d'achats, moins de viande, moins de vidéos, etc.). Sans oublier la préparation matérielle aux soubresauts du climat de plus en plus fréquents : installer des réservoirs à eau de pluie, restaurer les pompes manuelles et les puits, s'équiper d'un filtre de potabilisation de l'eau, créer un potager, étoffer son réseau d'entraide, se constituer un stock alimentaire. « Le réel, c'est quand on en prend plein la gueule », disait Lacan. Au vu des records de températures enregistrés dans le monde, certains jugent judicieux de se préparer une poire pour la soif…

JBb

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Vos commentaires

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2 commentaires

cl

mer 07/07/2021 - 09:25

Quand aura lieu la prochaine discussion au Puy ? Et comment y participer ?

mi

lun 05/07/2021 - 11:32

en France il faudrait retourner en arrière, dans les pays arabes les avions de chasse volent toute la journée. Il décolle un satellite tous les 3 jours et nous on devrait vivre dans une grotte.