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Covid et handicap : '''l’humain est un remède en soi'''

, Mise à jour le 27/11/2020 à 09:08

L'Association Saint-Nicolas, basée à Langogne, gère des foyers destinés à des personnes vieillissantes en situation de handicap ayant des déficiences intellectuelles ou mentales, motrices et/ou sensorielles, ne travaillant plus ou n’ayant jamais travaillé et devenant dépendantes. Sur les 137 résidents des foyers de Pradelles, Rosières et Montfaucon, 40 sont positifs à la date de ce vendredi 13 novembre (soit 29%) et autant de professionnels (les courbent se suivent). Deux clusters (à partir de trois cas positifs) sont en cours ; l’un à Rosières et l’autre à Pradelles.
D’entrée de jeu de cluster, l’association a entrepris des tests massifs des résidents et des salariés avec l’Agence régionale de santé et le laboratoire AltiLabo (qu’elle salue pour son travail). Tous les sept jours depuis le démarrage du cluster, les négatifs sont testés. Au dernier test à Pradelles, il n’y avait plus qu’un seul résident positif. « Sur Pradelles comme sur Rosières, on a très peu de nouvelles contaminations, on estime que le virus est contenu », confie Daniel Chaze, le directeur général de l’association.

----L’unité Covid est composée de personnels soignants infirmier(e), aide soignant(e), accompagnant(e) éducatif et social et maîtresse de maison.-----En mars dernier, une unité Covid avait été montée à Langogne quand l’association avait eu quatre cas pour huit places. Pour cette deuxième vague, le premier résident symptomatique a été détecté à Langogne le 13 octobre. L’unité a rouvert le 17 octobre. Vu l’ampleur de cet épisode, l’association a compris qu’il lui faudrait plus que huit places. Elle a donc reconverti le foyer d’accueil médicalisé de Langogne Val d’Allier où il y avait 20 lits.

« Les asymptomatiques on arrive à les gérer. Ils sont très peu contaminants ; on les isole, indique Daniel Chaze, en revanche, les symptomatiques entraînent des contaminations rapides ». Dès que des symptômes sont avérés, les résidents sont transférés à l’unité Covid à Langogne. Ainsi, 10 résidents de Rosières et trois de Pradelles y sont partis, « ou bien on les a extraits des foyers pour éviter la contamination ». Ces patients ont besoin d’une surveillance 24h/24. « Ils peuvent très bien aller et puis deux heures plus tard, leur saturation en oxygène baisse et il faut que les infirmières apportent l’oxygène et tous les soins nécessaires », relate le directeur. Jusqu’ici aucun résident de Haute-Loire n’a eu besoin d’être hospitalisé. Or, tous les résidents présentent des co-morbidités ; ce sont toutes des personnes à risque. En plus de la difficulté du soin, ils présentent des troubles du comportement incompatibles avec l’ensemble des règles sanitaires comme le port du masque.

Aucun résident de l’association n’est décédé du Covid à ce jour
L’unité Covid présente alors un double intérêt : celui de la surveillance 24h/24 mais aussi de l’accompagnement avec des éducateurs qui prennent le temps de rassurer les patients pour qu’ils ne soient pas tout seuls dans leur chambre. Une différence avec l’hôpital. Parmi les résidents transférés à l’unité Covid, cinq patients lozériens ont dû être hospitalisés pour des détresses violentes. Ils ont pu rentrer après trois ou quatre jours. Aucun résident de l’association n’est décédé du Covid à ce jour. Celle-ci compte plus de 130 résidents positifs (dont 40 en Haute-Loire) et plus de 120 professionnels positifs à travers ses trois foyers de Haute-Loire mais aussi ses foyers de Lozère et du Cantal. Soixante résidents ont été symptomatiques et sont donc passés par l’unité Covid de Langogne. Beaucoup sont repartis dans les foyers. Au plus fort, l’unité Covid est montée jusqu’à 27 patients accueillis à l’instant T. Aujourd’hui, elle en compte 15.

Toute cette organisation nécessite une grande solidarité associative. « Sans elle, ce n’était pas tenable », raconte Daniel Chaze. Quand les premiers cas sont apparus au foyer de Langogne, 30 salariés ont été testés positifs en même temps donc placés en arrêt de travail. Des salariés de tous les foyers de l’association (y compris de Pradelles, Rosières et Montfaucon) sont venus renforcer l’unité Covid de Langogne. « Certains sont venus de Montfaucon pendant trois jours et de surcroît y ont attrapé le virus, se souvient Daniel Chaze. Sept jours après, ils sont retournés au travail, très volontaires ».
L’association compte 14 infirmiers mais l’unité Covid nécessite un poste d’infirmier 24h/24, avec les jours de repos, cela fait du monde. D’autre part, dès que les clusters se sont multipliés, les salariés ont été passés sur des services de 12 heures (comme les week-ends tandis que les semaines sont faites de journées de 8 heures habituellement) afin de disposer d’une réserve de personnels. Quand un établissement est moins touché, certains de ses salariés vont renforcer les plus touchés. Ainsi un seul infirmier en intérim a été sollicité. Aujourd’hui, il n’y a pas de pénurie de personnels. Par ailleurs, l’association est en train d’essayer d’aménager des plages de repos aux salariés qui ont été touchés par le virus précédemment et souffrent encore de fatigue.

« Nos salariés sont allés au front ; sans cet état d’esprit, on aurait explosé »
Des réunions du comité d’hygiène et sécurité (CHSCT) sont organisées toutes les semaines pour traiter des séquelles psychologiques sur les salariés. « La fatigue et l’inquiétude provoquent un contre-coup dont il faut tenir compte, assure le directeur. En plus, ils n’ont pas joué la carte de se retirer, ils sont allés au front, ils sont restés debout… sans cet état d’esprit, on aurait explosé ! Je leur tire mon chapeau ! Pour certains, on est obligé de leur imposer de prendre du repos ; ils ne veulent pas lâcher l’affaire parce qu’ils sentent leur utilité – car l’humain est un remède en soi – mais sans repos ils pourraient craquer. »

Les séquelles psychologiques pour les résidents sont également lourdes. L’un d’eux a dû passer trois ou quatre jours à l’hôpital. « Aujourd’hui, sa saturation est très bonne mais il s’inquiète encore de s’étouffer, explique Daniel Chaze. Il réclame d’avoir une bouteille d’oxygène à ses côtés : la gène respiratoire qu’il a eue a provoqué un vrai traumatisme et il l’exprime très violemment, c’est aussi comme ça qu’on se rend compte de la réalité de ce virus. » De nombreux résidents présentent des troubles autistiques. Leur quotidien ritualisé est chamboulé. Ils ne comprennent pas pourquoi certains de leurs camarades partent en ambulance et demandent toutes les cinq minutes où sont leurs amis et pourquoi ils ne peuvent pas les voir.

Protéger les familles aussi
Quant aux visites, elles sont autorisées tant qu’il n’y a pas de cluster dans l’établissement en question. « On est très prudent parce que nos résidents sont vieillissants, avec une moyenne d’âge de 60 ans, et leurs familles sont encore plus vieillissantes, précise le directeur. On a une crainte énorme de transmettre le virus à leurs familles. » Pour tenir les familles informées, un bulletin leur est envoyé tous les trois jours « en toute transparence de la situation car tout le monde est inquiet, c’est terrible », remarque Daniel Chaze.

Les tests antigéniques facilitent grandement les choses
L’association vient de recevoir des tests antigéniques. Elle en avait commandé également de son côté. Désormais tout salarié ressentant des symptômes passe un teste antigénique immédiatement. S’il est positif, il sort et s’isole tout de suite plutôt que d’attendre trois ou quatre jours pour un test PCR.
Au plus fort, l’association comptait trois patients symptomatiques par jour. Aujourd’hui, ils sont trois ou quatre par semaine. Les sorties de l’unité Covid sont plus nombreuses que les entrées. Cette unité Covid sera maintenue jusqu’à fin novembre, « en espérant qu’elle soit vide », ajoute Daniel Chaze. Mais l’association sait qu’elle n’est pas à l’abri d’un autre pic de contaminations.

Annabel Walker

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