Pour résumer le traumatisme vécu par les 420 salariés et les accueillis de l’Asea 43, une liste répertoriant les noms et les adresses de 17 familles déboutées du droit d’asile a été fournie à la préfecture de la Haute-Loire le 1er mars 2023. Ce recensement sous la responsabilité notamment du PPI (Pôle Précarité insertion) est pourtant soumis au sacro-saint secret professionnel.
Cette consigne, en totale opposition avec les valeurs de l’association fondée en 1935 par le Juste parmi les Nations Alex Brolles, a été décidée par Bertrand De Foucaud après plusieurs réunions en préfecture ponote. Aussitôt le fait connu par les salariés qu’un incendie social et humain s’embrase alors.
« Vous nous prenez pour qui ? Vous les prenez pour qui ? »
Début avril, quinze entités composées de syndicats et de collectifs signent d’une même main une satire pour dénoncer le scandale. Le 7 avril, environ 150 salariés issus des pôles Handicap adultes, Protection de l'enfance, Handicap enfants et Précarité Insertion, se regroupent devant le siège et son capitaine, Bertrand De Foucauld. Ce dernier remet un peu plus d’essence sur le brasier en affirmant avoir agi pour le bien des familles : « Nous voulons les régulariser pour qu'ils aient des droits, tout simplement ».
Un argument qui résonne comme une détonation : « Mais vous vivez sur quelle planète !, lance une salariée dans l’attroupement. Donner ces personnes à l’État pour un souci de régularisation ? Vous nous prenez pour qui ? Vous les prenez pour qui ? Régulariser signifie l'expulsion et vous le savez très bien ! »
« Il n’y a plus aucune confiance à l’égard des responsables »
Après cette guerre chaude, place à la froide. Un silence assourdissant semble régner aussi bien dans les différentes instances de l’association que dans les pages des médias locaux encore tièdes par la dernière action des salariés. Les bruits de couloirs fusent, se confirment, s’infirment, se contredisent. Des mails sont échangés entre la direction et les délégués du personnel. Et réciproquement.
Le 25 mai, une réunion à la Maison des syndicats est organisée. De manière générale, il en ressort que le vieux vaisseau d’Alex Brolles prend l’eau de toute part, « que la crédibilité de l’association est atteinte, qu’il n’y a plus aucune confiance à l’égard des responsables, qu’une lourde défiance avec le Conseil administration est installée », comme le rapportera un salarié présent à l’assemblée.
D’après lui, l’idée d’une démission de Bertrand De Foucauld fait l’unanimité. « Tous les directeurs des différents pôles tiennent aussi à ce que le Directeur général soit démis de ses fonctions », assure-t-il.
Le coup de théâtre du 30 mai 2023...
La situation fait naître des idées et des plans d’actions. Grève, manifestation, recours à nouveau aux médias locaux et nationaux (L’Humanité et Basta Mag ont formulé des articles sur l’affaire), pétition, saisie de l’IGAS (Inspection générale des affaires sociales), suite juridique…
Finalement, c’est la temporisation qui est actée. Une attitude motivée par une information de premier ordre : Les salariés apprennent que Bertrand De Foucauld est en arrêt depuis le 30 mai pour 15 jours et sera donc absent au CSE du vendredi 9 juin (Comité Social et Economique). À sa suite ? Des "on dit", des "peut-être", des imprécisions...
...et l'annonce officielle du Conseil d'Administration
Ce 22 juin, le Conseil d'Administration partage, à travers un mail envoyé à tous les salariés, sa décision irrévocable : « Le départ du directeur général, Bertrand de Foucauld, est désormais acté, est-il écrit. Après avoir soldé ses congés, il quittera définitivement les effectifs de l’association le 31 août 2023. La décision a été prise de mettre en place une direction de transition ».
« Pas l'ombre d'un mea-culpa ou de quelconques regrets de la part de ces personnes-là ! »
Si le soulagement apparaît évident pour nombre de salariés, les termes du départ laissent un goût amer. « Nous sommes très satisfaits de pouvoir dire enfin : Au revoir, Monsieur le Directeur Général !, s'exprime une employée. Mais nous ne savons rien du dernier CSE. Est-ce une rupture conventionnelle ? Si oui, quels sont les dommages financiers pour l'association ? ».
Elle continue encore : « Aucune sanction n'a apparemment été imposée pour les deux autres personnes impliquées (Le Directeur de la PPI Sylvain Brunetti et le Président de l'association Jacques Olivier, Ndlr). Aucune proposition pour les familles impactées ». Elle termine ainsi : « Et pas l'ombre d'un mea-culpa ou de quelconques regrets de la part de ces personnes-là ! ».
« La gouvernance va devoir œuvrer pour rebâtir la confiance »
Pour un autre salarié, l'Asea 43 doit tirer des leçons de l'affaire pour que les erreurs de la direction ne se reproduisent plus. « Il est maintenant arrivé le temps de la reconstruction de l'Asea 43, partage-t-il à la fois blessé et en colère par l'attitude de son Directeur général. La gouvernance va devoir œuvrer pour rebâtir la confiance. Il est temps de réfléchir aux modes de management ».
Il précise : « Je pense qu'il faut à présent bannir cette vision verticale de la direction au profit d'une vision horizontale. Il est nécessaire que les salariés soient informés en amont de chaque décision importante à prendre, de chaque démarche à engager, et qu'ils décident ensemble de la marche à suivre. Ainsi, cela évitera qu'une personne acte seule des consignes totalement irrationnelles comme l'a fait Bertrand De Foucauld dernièrement ».