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Des femmes de l’ombre…mises en lumière

Par nicolas@zoomdici.com , Mise à jour le 19/10/2022 à 15:30

ATSEM. 5 lettres qui veulent dire Agent territorial spécialisé des écoles maternelles. 5 lettres d’une importance capitale dans l’alphabet d’une école. Une profession discrète, inconsidérée, ignorée. Des professionnelles sans qui rien ne pourrait pourtant vraiment fonctionner.

Si les écoles maternelles et élémentaires sont surtout représentées par les « instits », il est tout de même rare de les rencontrer. Un peu en début d’année lors de la réunion de rentrée. Durant la fête de l’école pour montrer ce que les enfants ont appris, fait, confectionné. Parfois, par ci ou par là, de façon ponctuelle, demandée, organisée.

Celles qu’on appelle les Atsem, c’est tous les jours que les parents les voient. Le matin pour confier les enfants. Le soir pour les récupérer. « Alors comment ça s’est passé ? », leur demande-t-on d’entrée. « Il a bien dormi ? ». « Il s’est bien amusé ? ». « Elle est restée avec quel camarade ? ». « Quoi ! Il a griffé Albane ? ». « Elle a fait caca dans sa culotte. Vous l’avez changée ? »…

La voix qui apaise, la voix pour prévenir

Les Atsem, elles connaissent sur le bout des doigts tous les enfants de leur classe. Leur attitude, leurs craintes, leur doudou, leurs peurs, leurs copains et leurs copines, leurs histoires et jeux préférés, leurs signes de fatigue, les moments pour un câlin, les moments pour sévir, la voix qui apaise, la voix pour prévenir.

Messager des lieux

Les Atsem, ce sont des passerelles entre les parents et les professeurs. « Il s’est réveillé 6 fois cette nuit. Il est très fatigué », va dire un papa des valises sous les yeux. « C’est compliqué en ce moment à la maison avec la séparation », confie une maman le regard las. « En ce moment, je sais pas ce qu’elle a mais elle ne veut pas aller à l’école », expliquent des parents le timbre fort au-dessus des pleurs de leur « petit ange ».

Emmanuel Macron a qualifié les Atsem de « trésors dont nous ne saurions nous passer » lors d’un discours au Conservatoire des arts et métiers le 27 mars 2018

10 minutes de pause le matin et l’après-midi...en théorie

« Nous attaquons à 7h30 et terminons 11 heures après, précise Frédérique Vidal, Atsem dans une école de Guitard. Les premières choses que l’on fait une fois les parents partis, c’est le passage au vestiaire pour enlever les vestes, mettre les pantoufles, faire le pipi ou caca et lavage de mains. Ensuite, il y a les histoires, les jeux ou les chansons tout en accueillant un à un les élèves de l’école ».

Comme Frédérique, Pascale Voisin s’occupe d’environ 24 enfants à l’école Michelet au Puy. « Durant le temps scolaire, nous sommes là pour seconder le maître ou la maîtresse, préparer les ateliers, accompagner les petits qui ont des difficultés sur les activités, passer de l’un à l’autre, sans arrêt et sans relâche », détaille-t-elle.

« C’est le bruit ambiant le plus gênant ! »

Quand les instits partent alors vers 11h45 se restaurer au calme s’ils le souhaitent, les Atsem installent les élèves pour la cantine. « Nous mangeons avec eux, livre Viviane Farigoule, Atsem à Taulhac. Nous sommes un peu obligées d’ingurgiter notre repas en 5 minutes pour s’occuper des enfants. Entre ceux qui n’aiment pas, ceux qui s’en sont mis partout, couper la viande, ouvrir les yaourts, mettre le sucre... »
Elle ajoute : « Mais je pense que c’est le bruit ambiant le plus gênant ! »

Anecdote qui fait mal. « Un soir, une maman arrive en retard pour chercher son enfant. Je le lui fais remarquer et lui rappelle l'heure limite. Elle me répond alors excédée : "Oui, je sais ! Mais moi je travaille, moi !" » Frédérique Vidal

« Nous avons à ce moment-là environ 30 minutes pour faire le nettoyage des classes »

L’après-midi, ce sont de nouveau les activités scolaires, siestes pour les plus petits, re-pipi, re-caca, goûter, changement de couches pour certains, lavage de vomi pour d’autres. Et...16h30. La journée est terminée. Pour certains. Pas pour d’autres.

« Nous avons à ce moment-là environ 30 minutes pour faire le nettoyage des classes, lance Frédérique. Ça passe par vider les poubelles, nettoyer le sol, le tableau, parfois les objets et les jouets, toutes les chaises et les bureaux. Pendant ce temps-là, une autre Atsem surveille les élèves qui sont soit dans la cour, soit dans la salle d’activités ».

« Totalement épuisée ! Physiquement et mentalement »

Les parents arrivent au compte goutte. « Alors, c’était chouette p’tit bonhomme ? Ça s’est bien passé ? ». « Elle est tombée et s’est fait mal à une dent ? On est bon pour le dentiste alors ! ». « Des cas de gastro ? Super ! Comment je vais faire moi ! ».

Pascale partage : « Une fois le dernier enfant parti, je suis littéralement sur les rotules. Totalement épuisée ! Physiquement et mentalement ».

« Moi aussi je ne changerais pas. (…) Mais je ne conseille à personne ce métier »

Malgré tout, les trois Atsem qui représentent peut-être le porte-voix de la majorité de leur consœurs adorent leur travail. « Je l’aime énormément », affirme Pascale. Même son de cloche de la part de Viviane mais à une nuance près. « Moi aussi je ne changerais pas. Cela fait 30 ans que je suis Atsem à présent. Mais je ne conseille à personne ce métier aujourd'hui ».

« Nous sommes rémunérées 30 euros de plus que le Smic »

Outre l’épuisement, le manque de considération mine ces femmes de l’ombre. Un manque de considération administratif, humain et financier. « Pour être Atsem, il faut d’abord réussir le CAP Petite enfance et le concours de la fonction publique, détaille Pascale. Malgré ça, sans les primes, nous sommes rémunérées 30 euros de plus que le Smic. Et les primes ne comptent pas pour la retraite qui avoisine les 1 000 euros pour nous »

« Et ça, ça vaut tout l'or du monde »

Le passage en catégorie B sans concours, une Atsem par classe, la reconnaissance sur la pénibilité du métier, la revalorisation du point...Telles sont quelques-unes des revendications qu’elles tentent de faire entendre à ce Président qui ne tarissait pas d'éloges à leur égard, il y a 4 ans.

« Nous nous sentons invisibles, avoueront d'une même voix les professionnelles. Imaginer une classe de 25 élèves sans Atsem ? C'est impensable. Les instits sont là pour enseigner, nous pour les épauler. On se complète en quelques sortes. »

Frédérique termine en ces mots. « Certaines institutrices ou instituteurs verront notre travail. D'autres non. Pareil pour certains parents. C'est très triste pour nous. Mais ce qui est chouette par contre, c'est que les enfants sans exception nous considèrent pleinement, sans condition, nature, avec leurs mots. Et ça, ça vaut tout l'or du monde ».