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Éducation non genrée : "On a arrêté de cocher masculin ou féminin à côté d’un prénom !"

, Mise à jour le 05/06/2023 à 06:00

Pour combattre les inégalités entre les hommes et les femmes occasionnées par les stéréotypes de genre, les enseignants de l’école La Fontaine de Vals-près-le-Puy tentent d'adopter une éducation « non-genrée » avec les élèves. Comment s'y prennent-ils ? Quelles ont été leurs approches ? Explications.

« Les petits garçons, c’est le foot, le basket et ils ne doivent pas pleurer. Les petites filles aiment les princesses, et sont jolies et gentilles. », a dépeint grossièrement Axel Cimiterra, chargé de prévention au CIDFF de Haute-Loire.

Force est de constater que les clichés sont très nombreux. Et ce, dès la petite enfance. C’est à ce moment-là que les enfants apprennent quel est le répertoire qu’il leur faut utiliser pour être reconnu comme garçon ou comme fille. Par l’éducation, sont transmises les normes qui prescrivent certains comportements, certaines attitudes et en prohibent d’autres. Ainsi, dès l’âge de 4 ans, les garçons sont encouragés à développer leurs capacités motrices et d’action quand les filles sont davantage sollicitées pour le langage et l’attention à autrui pointe une étude du CNRS.

Pour tenter de comprendre ce phénomène et de développer la capacité à agir au regard de l’égalité dans l’éducation, les enseignants de l’école La Fontaine de Vals-près-le-Puy ont pu, pour la grande majorité suivre une formation du CDIFF en collaboration avec la sociologue Joëlle Braeuner sur « les clés pour l’égalité dans la petite enfance ». Des expérimentations ont aussi été mises en place au sein de l’école. Ils ont présenté leur projet ce jeudi 1er juin.

Les acteurs de réflexion de l'éducation non genrée pour l'école La Fontaine à Vals
Les acteurs de réflexion de l'éducation non genrée pour l'école La Fontaine à Vals Photo par Martinet Enzo

Des stéréotypes ancrés dès la petite enfance

« Les garçons sont toujours sur le terrain de foot et les filles souvent assises à côté. »

Pour tenter de « développer l’entière potentialité de l’enfant », depuis 2 ans, le CDIFF et les enseignants ont coconstruit des outils d’analyses comme la grille d’observation ou la carte de la récréation pour pouvoir objectivé les différents comportements des enfants en fonction de leur genre.

« En analysant certains critères, on va se rendre compte que certains garçons sont toujours au même endroit notamment sur le terrain de foot, et les filles vont souvent être assises à côté en train de parler, en tout cas, elles ne sont pas sur le terrain de foot. Certaines filles restent en dehors de ce jeu, car elles ont fait cet apprentissage collectif que les garçons c’est le foot et les filles non. Tout cela vient limiter leur potentialité dans le jeu et dans leur construction personnelle. C’est pour cela que c’est important de questionner ce qu’est le genre, car il peut limiter si on met des barrières », a détaillé le chargé de prévention.

« À partir de la grande section et surtout à partir du CP, tout est joué ! Les garçons ont fait l’apprentissage de la virilité, et les filles sont plus dans un registre affectif. »

Au cours de cette phase d’analyse, les acteurs du projet et les enseignants ont échangé avec les enfants pour comprendre leur rapport au genre : « J’ai été étonné de la facilité qu’ils ont eu à nommer les différences qu’il y a entre les garçons et les filles en fonction des croyances qu’ils peuvent avoir, et sur les capacités et qualités que chacun possède », a poursuivi Axel Cimiterra

« Entre 0 et 3 ans, garçons ou filles ont toute la palette de comportement et donc toute leur potentialité, mais en arrivant vers l’école primaire, c’est fini. On va avoir les garçons qui ont fait l’apprentissage de la virilité, alors que les filles vont être davantage dans un registre affectif », a-t-il analysé

Enseignant porteurs de clichés malgré eux

« On s’est aperçu que dans notre approche des élèves, on pouvait être porteur de stéréotypes de genre. »

Forts de ces premières analyses, les enseignants se sont aussi rendu compte qu’ils étaient acteurs de cette différenciation : « On s’est aperçu que dans notre approche des élèves, on pouvait être porteur de stéréotypes de genre, en s’adressant différemment à un garçon ou une fille. Par exemple, les petites filles qui arrivent à l’école avec une jolie robe et des barrettes, on dit souvent qu’elle est jolie, alors qu’un garçon, on ne va pas forcément lui dire t’es beau aujourd’hui. On place souvent les garçons dans l’action, on lui demande ce qu’il a fait le week-end. », a livré Mme Masson enseignante à l’école de Vals-près-le-Puy.

Un phénomène qui se matérialise dès la petite enfance pour Anne-Sophie Grand, responsable relais petite enfance de l’agglomération du Puy : « Si on fait une activité peinture, on se rend compte que l’on va orienter inconsciemment les pots de peinture rose vers les filles et bleu plutôt vers les garçons. Sur des déguisements, on va donner la coccinelle, le papillon, la princesse aux filles et le lion le tigre, le singe aux garçons. Ces petites choses orientent l’enfant sur son comportement… »

Encourager à se bâtir une identité propre

« On a arrêté de cocher masculin ou féminin à côté d’un prénom ! »

De multiples ouvrages non genrée ont été mis à la disposition des enfants de l'école
De multiples ouvrages non genrée ont été mis à la disposition des enfants de l'école Photo par Martinet Enzo

Toutes ces réflexions ont bouleversé l’approche de certains enseignants à tels points que certaines règles et dispositifs tentent d’être mis en place au sein de l’école. Dans un premier temps, ce sont de multiples ouvrages non genrée qui ont été mis à la disposition des enfants. Les professeurs ont aussi réservé le terrain de football aux filles un jour par semaine pour qu’elles puissent s’exprimer dans cette activité. Et certaines sont ravies et d’autres un peu moins :

« On est contente, parce qu’on aime jouer au foot et que parfois les garçons ne veulent pas que l’on joue. Et quand on peut jouer, on n’est pas en attaque, on est souvent au poste de gardien ou en défense parce que les garçons nous disent qu’on n’arrivera pas à marquer un but », a exprimé une jeune élève de l’école.

« C’est pas juste ! », a en revanche réagi un autre jeune garçon de l’école.

Discussion avec des élèves de l'école de Vals sur les jeux dans la cours de récréation
Discussion avec des élèves de l'école de Vals sur les jeux dans la cours de récréation Photo par Martinet Enzo

« Toutes ces analyses ne changent pas notre pédagogie, mais plutôt le regard que l’on porte sur nos élèves. Si un garçon veut pleurer, qu’il pleure et si une fille veut jouer au foot, il ne faut pas lui dire que c’est un garçon manqué par exemple. Ce genre d’expression, c’est insupportable, et c’est blessant pour l’enfant ! On ne va pas tout révolutionner en une année, car les stéréotypes sont construits depuis notre naissance, mais ça permet de réfléchir à comment on peut faire changer les choses », a conclu Mme Masson.