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Congrès de la filière ovine : « Un paradoxe insoutenable ! »

Par nicolas@zoomdici.com , Mise à jour le 12/09/2022 à 15:00

Mercredi 7 et jeudi 8 septembre au Conseil départemental s’est tenu un rendez-vous d’ampleur pour tous les éleveurs de moutons de la Région. La Loi Egalim 2 a été longuement évoquée. Censée soutenir la filière, elle est sévèrement mise à mal par une directive de Bruxelles autorisant l’importation massive de viandes en provenance de l’Australie et de la Nouvelle Zélande.

Éleveurs, marchands, distributeurs…nombreux issus de la filière ovine étaient présents entre les baies vitrées du Conseil départemental au Puy-en-Velay mercredi 7 et jeudi 8 septembre. Il faut dire que la Haute-Loire est loin d’être pauvre en matière de races de moutons et d’élevage.

D’après les chiffres partagés par les professionnels du secteur, le dernier recensement fait état de 111 467 brebis pour 1 020 détenteurs enregistrés. Une brebis pour deux habitants altiligériens. 408 éleveurs possèdent un cheptel de plus de 50 têtes. Côté race, la Blanche du Massif Central représente les deux tiers des ovins, suivie de la Noire du Velay et des brebis Bizets.

Géographiquement, l’Ouest du département est plus fourni en élevage ovin, en particulier le canton de Saugues. À lui seul, il totalise 19 % du cheptel en Haute-Loire. 21 000 agneaux sont échangés par an dans les marchés de la « Bête », plaçant la commune au 4ème rang national sur le domaine.

« La très attendue Loi Egalim 2 »

Michèle Boudoin, éleveuse de brebis dans le Puy-de-Dôme, est la Présidente de la Fédération Nationale Ovine. Elle revient sur ce Congrès qui ne se tient qu’une fois tous les deux ans et qui permet aux acteurs concernés de faire un état de lieux du secteur. « À chaque édition, un thème est défini pour animer un débat autour du sujet, explique-t-elle. Cette année, c’était la très attendue Loi Egalim 2 ».

Michèle Boudoin, Présidente de la Fédération Nationale Ovine. Photo par Nicolas Defay

« Les coûts de production seront enfin pris en compte dans la construction du prix »

Selon Michèle Boudoin, la Loi Egalim 2 pour le secteur ovin sera effective le 1er octobre 2022 en ce qui concerne le lait et le 1er janvier 2023 pour la viande. « Pour nous, cette loi rend à César ce qui appartient à César, insiste-t-elle. Elle va mettre en avant la transparence des marges et permettre aux éleveurs de percevoir un revenu décent. Les coûts de production seront enfin pris en compte dans la construction du prix de l’agneau et du lait ».

Elle continue en ce sens : « Si on a une stabilité des revenus grâce à cette nouvelle loi, alors les jeunes seront de nouveau attirés par la profession. Il faut savoir que 50 % des éleveurs partiront à la retraite dans 5 ans. Il est plus que temps de trouver de nouvelles forces vives ! »

« L’agneau est œcuménique, il est consommé lors de la Pâques juive, catholique, orthodoxe et musulmane au mois de mars ». Michel Boudoin

« C’est une vraie incohérence ! »

Mais aux côtés de cette loi, un autre texte en total opposition est sorti des bureaux de Bruxelles...sous la présidence française. « Des accords de libres échanges ont été formulés entre l’Europe et l’Australie/Nouvelle Zélande, déplore Michèle Boudoin. Alors que nous sommes soumis à des contraintes de qualité, de bien être animal, environnementales et sociétales, les accords conclus à Bruxelles autorisent l’importation de viandes issues de pays éloignés de 22 000 km et sans contrainte pour ces éleveurs là ! »

Elle grince : « C’est une vraie incohérence ! Un paradoxe insoutenable ! Toutes les avancées grappillées au fil des années, tous les espoirs résidents dans la Loi Egalim 2 seront clairement mis en difficulté ».

La salle est comble au Conseil départemental du Puy-en-Velay.
La salle est comble au Conseil départemental du Puy-en-Velay. Photo par Nicolas Defay

« Nous allons recevoir plus de 38 000 tonnes de viandes néo-zélandaises »

Avec ces accords inter-continents, les éleveurs ont peur de la concurrence déloyale qui risque de s’imposer. « Nous allons recevoir plus de 38 000 tonnes de viandes néo-zélandaises dispensées des normes que nous, nous devons respecter ! », lance la Présidente de la Fédération Nationale Ovine.

Elle demande alors : « Dans ce contexte d’inflation et de pouvoir d’achat en berne pour tous, que va choisir le consommateur ? La qualité d’une viande élevée à quelques kilomètres mais affichant tel prix ou une viande dont on ne sait pas grand-chose mais avec un prix d’achat bien plus bas ? »

"En novembre-décembre, les agneaux sont abattus en Nouvelle Zélande. Ils arrivent aux rayons frais des grandes surfaces européennes en février-mars, juste avant les fêtes. Pour cela, ils utilisent une méthode de réfrigération appelée "chilled" qui permet de conserver la viande plusieurs mois durant dans des sacs d’azote liquide". Michèle Boudoin

Manque de courage des acteurs politiques français

Elle termine ainsi : « Nous demandons aux pouvoirs publics de repositionner le monde de l’élevage ruminant dans le concert politique. Je pense que nos dirigeant témoignent d’un manque de courage évident. Pourtant, il n’y a pas de paysage sans paysan. Tout comme il n’y a pas de produits de qualité sans un élevage debout et cohérent ».