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Libération du Puy : « Ils voulaient simplement ne plus vivre à genoux »

Par nicolas@zoomdici.com , Mise à jour le 19/08/2022 à 17:00

C’était il y a 78 ans. Le 19 août 1944. Le Puy-en-Velay retrouve sa liberté. Le sang des héros macule les pavés de ses rues et le sable de ses places, marquant à jamais l’histoire de notre ville et notre mémoire à tous.

Beaucoup de photos en fin d'article

Des militaires, des pompiers, des civils. Des femmes et des hommes. Des jeunes et des vieux. Des discours et des silences. Des curieux qui s’arrêtent sur le pont pour voir ce qui se passe en bas, devant la stèle de mémoire, Place de la Libération. Des « garde à vous » et des « repos ». Le crépitement des appareils photos devant les portes drapeaux et les gerbes de fleurs déposées aux pieds du marbre noir.

Aimeline Huard, lauréate au Concours de la Résistance et de la Déportation 2022, élève du lycée Charles et Adrien Dupuy, a lu ce poème de Robert Desnos durant la célébration :

Ce cœur qui haïssait la guerre voilà qu’il bat pour le combat et la bataille !
Ce cœur qui ne battait qu’au rythme des marées, à celui des saisons, à celui des heures du jour et de la nuit,
Voilà qu’il se gonfle et qu’il envoie dans les veines un sang brûlant de salpêtre et de haine.
Et qu’il mène un tel bruit dans la cervelle que les oreilles en sifflent,
Et qu’il n’est pas possible que ce bruit ne se répande pas dans la ville et la campagne,
Comme le son d’une cloche appelant à l’émeute et au combat.
Écoutez, je l’entends qui me revient renvoyé par les échos.
Mais non, c’est le bruit d’autres cœurs, de millions d’autres cœurs battant comme le mien à travers la France.
Ils battent au même rythme pour la même besogne tous ces cœurs,
Leur bruit est celui de la mer à l’assaut des falaises
Et tout ce sang porte dans des millions de cervelles un même mot d’ordre :
Révolte contre Hitler et mort à ses partisans !
Pourtant ce cœur haïssait la guerre et battait au rythme des saisons,
Mais un seul mot : Liberté a suffi à réveiller les vieilles colères
Et des millions de Français se préparent dans l’ombre à la besogne que l’aube proche leur imposera.
Car ces cœurs qui haïssaient la guerre battaient pour la liberté au rythme même des saisons et des marées, du jour et de la nuit.

Robert Desnos, 1943 (paru dans L’Honneur des poètes)

« Pour cela, il ne faut jamais, jamais oublier »

« Chaque année, le 19 août, nous nous rassemblons en ce lieu pour nous rappeler de ce 19 août 1944, la date anniversaire de la libération de la ville du Puy », parle Stéphane Clabeaux, conseiller municipal et délégué à la sécurité et aux cérémonies. Il continue devant l’assemblée réunie : « Il est bien difficile, 80 ans après cette période sombre de l’Histoire, de s’imaginer les privations, les mois de lutte, les années de combats, les atrocités endurées que nos combattants de jadis ont vécu au péril de leur existence ».

Dans un silence seulement perturbé par les sons de la vie, il ajoute : « Pour cela, il ne faut jamais, jamais oublier. C’est notre devoir de nous rappeler et de rappeler aux autres le sang qui a coulé dans nos rues et nos foyers ».

« Fraternité et solidarité sont les valeurs de la Résistance. Les héros dont nous nous souvenons aujourd’hui en sont le véritable symbole ainsi que l’ensemble des maquisards ». Renée Vaggiani

Aimeline Huard et Mella Vole (résistante en Autriche). Pour que la mémoire continue. Photo par Nicolas Defay

« Ce que demandent les Résistants, ce n’est pas de les plaindre, c’est de les continuer ». Pierre Brossolette, journaliste et résistant français, mort le 22 mars 1944

Des yeux bleus, délavés, fatigués. Des regards qui ont vu des choses que personne ne voudrait voir. Des mains ridées qui tremblent un peu. Des êtres plus précieux que jamais pour transmettre ce qu’il s’est passé dans notre ville, dans nos ruelles. Ces bibliothèques de chair et d’os pour nous rappeler les morts et les vivants, les pleurs et les victoires, et surtout les noms de celles et ceux qui sont tombés ici, pour nous.

Clément Beau, gardien de la paix à Espaly, mort dans le carrefour d’Espaly/Saugues
Gabin Savanier, gardien de la paix à Espaly, mort dans le carrefour d’Espaly/Saugues
Robert Solvignon, du groupe Lafayette, mort le 19 août dans le carrefour d’Espaly/Saugues
Louis Gamon, civil ponot qui s’est joint aux attaquants, mort place de la Libération
Henri Chambon, résistant, mort Rue Du Guesclin
François Raymond, réfractaire au STO (Service de Travail Obligatoire). Blessé par la milice allemande le 31 mai à la place du Breuil. Mort le 2 juin 1944.
Edmond Chomet, agent de liaison de la Résistance, abattu par les miliciens Rue Porte Aiguière le 11 août. Il décède une semaine après.
Jean-Marie Chabannes, résistance en mission pour exécuter le procureur collaborateur. Il est abattu rue de la Ronzade le 3 juillet.
Marie-Louise Damon, abattue par la milice Rue des Mourgues le 8 janvier 1944
Henri Chas, lieutenant colonel FFI (Forces françaises de l'intérieur). Commandant de l’Armée Secrète de Haute-Loire. Arrêté, il est déporté en 1944. Lors de son transfert vers Bergen-Belsen, il meurt en avril 1945.

Renée Garnier, vice pr de l'Union dép des combattants volontaires de la Résistance.
Renée Garnier, vice pr de l'Union dép des combattants volontaires de la Résistance. Photo par Nicolas Defay

« Cette liberté que nous vivons aujourd’hui »

« Qui étaient ces jeunes ? », demande Renée Vagianni. « Comme disait Jean Ferrat, ils voulaient simplement ne plus vivre à genoux. Ils refusaient la haine, l’antisémitisme, le nazisme en s’engageant dans les mouvements de résistance. Ils voulaient retrouver la France Républicaine ».

La Présidente de l’Association Nationale des Anciens Combattants et amis de la Résistance de la Haute-Loire poursuit ainsi son discours. « Il y a 78 ans, le Puy est libéré. Les groupes maquis de Théo Vial-Massat et ceux de la Loire ont harcelé la colonne allemande sur le chemin détourné de Craponne via Saint-Etienne. En même temps, les groupes Chabrier, Perre et Volle ont étendu leurs contingents en direction de la ville du Puy pour encercler la caserne. D’autres groupes de maquis se sont joints aux combats ainsi que des forces de police dirigée par le commissaire Brie ».

Elle termine alors en ces mots. « Les chefs résistants ont su abandonner leurs différences pour ne former qu’un seul poing fermé contre l’ennemi à la croix gammée. Pour le terrasser. Et rendre à nos aïeux, rendre à leurs enfants, nous rendre à nous tous, cette liberté que nous vivons aujourd’hui ».

Le souvenir gravé dans le marbre.
Le souvenir gravé dans le marbre. Photo par Nicolas Defay