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La rue du Puy qui porte le nom d'un antisémite

Par nicolas@zoomdici.com dim 10/07/2022 - 15:00 , Mise à jour le 10/07/2022 à 15:00

Jean-Williams Semeraro, élu minoritaire au sein du conseil municipal du Puy, a interpellé le maire sur le fait que la rue Maurice Barrès portait le nom d’un homme politique antisémite actif au début du XXème siècle. « Serait-il possible de renommer la rue Maurice Barrès du nom de Gisèle Halimi ? », demande-t-il lors du dernier Conseil municipal.

Avant la réponse négative et assumée du Maire de la cité ponote, l’élu minoritaire inscrit sous la bannière des Démocrates pour la planète a expliqué en préambule les motivations de sa demande : « La Haute-Loire et le Puy en Velay sont depuis des décennies des terres démocrates et certaines communes reconnues Justes parmi les Nations, en accueillant et protégeant des populations souffrant des affres de la guerre. L’accueil des réfugiés ukrainiens étant un nouvel exemple de cette tradition d’accueil », commence-t-il.

Il poursuit : « Dans un contexte international troublé par la guerre en Ukraine et national qui a vu monter les extrêmes dans notre pays, il est important de donner des signes qui ancrent notre démocratie, à commencer par le nom des rues de notre ville ».

Il demande alors : « À cet effet, serait-il possible de renommer la rue Maurice Barrès, antisémite notoire, porteur d’une culture identitaire avec Drumont et Maurras, du nom de Gisèle Halimi avocate, militante féministe et députée, conseillère régionale de Rhône-Alpes ? »

Maurice Barrès est né le 17 août 1862 à Charmes (Vosges) et mort le 4 décembre 1923 à Neuilly-sur-Seine. C'est un écrivain et homme politique français, figure de proue du nationalisme français.

Il est l'un des maîtres à penser de la droite nationaliste durant l'entre-deux-guerres. La famille paternelle de Maurice Barrès est originaire d'Auvergne (sud-ouest de Saint-Flour). À la fin du XVI siècle, une des branches de la famille s'installa plus au nord, à Blesle, dont Jean-Francis Barrès (arrière-grand-père de Maurice Barrès) fut maire et conseiller général.

« Les moyens pratiques d'arriver à l'anéantissement de la puissance juive en France »

En 1896, il a accepté de faire partie d'une commission chargée de départager les candidats à un concours organisé par La Libre Parole d'Édouard Drumont « sur les moyens pratiques d'arriver à l'anéantissement de la puissance juive en France ».

« Que Dreyfus est capable de trahir, je le conclus de sa race »

Alors que le jeune Léon Blum vient lui rendre visite en espérant le rallier au combat pour la réhabilitation de Dreyfus, il refuse et écrit un certain nombre d'articles antisémites, affirmant notamment dans Ce que j'ai vu à Rennes : « Que Dreyfus est capable de trahir, je le conclus de sa race »

Le 8 juillet 1908, il défend la peine de mort. Le 19 mars 1908, un vif duel oratoire l'oppose à Jean Jaurès au Parlement, Barrès refusant la panthéonisation d'Émile Zola défendue par Jaurès.

« Le rossignol des carnages »

Pendant la Grande Guerre, Barrès est un acteur important de la propagande de guerre qui lui valut d’être élu par Le Canard enchaîné, chef « de la tribu des bourreurs de crâne ». L'écrivain se fait le champion du « jusqu'auboutisme » dans les articles qu'il écrit chaque jour pendant quatre ans à l’Écho de Paris. Il exalte les combats en cours et se voit décerner par Romain Rolland le surnom de « rossignol des carnages ».

« Réécrire l’histoire un siècle plus tard (…) n’est pas la bonne solution pour se souvenir »

« Non », répond Michel Chapuis à la sollicitation de Jean-Williams Semeraro au Conseil municipal (très) houleux qui s’est déroulé le vendredi 8 juillet. Il s’explique : « Je ne peux pas vous dire si c’est bien ou mal d’avoir baptisé une rue au nom de Maurice Barrès. Mais ce que je pense est que réécrire l’histoire un siècle plus tard, donner des bons points par ci et des mauvais par là, n’est pas la bonne solution pour se souvenir de notre histoire commune. »

« L’Histoire, c’est comme ça. Il y a eu des périodes et des personnages qui n’ont pas été très glorieux. Mais c’est comme ça et il faut que nous les assumions ». Michel Chapuis

Gisèle Halimi, née le 27 juillet 1927 à La Goulette en Tunisie et morte le 28 juillet 2020 à Paris, est une avocate, militante féministe et femme politique franco-tunisienne.

Elle défend à partir des années 1950 des militants de l'indépendance de l'Algérie, alors colonie française, dont notamment des membres du Front de libération nationale (FLN). À partir de l'année 1960, elle assure la défense de l'activiste et militante Djamila Boupacha, accusée de tentative d'assassinat puis torturée et violée, en détention, par des soldats français.

Figure du féminisme en France, elle est la seule avocate signataire du manifeste des 343 de 1971 réunissant des femmes qui déclarent avoir déjà avorté et réclament le libre accès à l'avortement, alors réprimé en France.

Simone Veil et Gisèle Halimi, même combat

En 1972, lors du procès de Bobigny, son action en tant qu'avocate de femmes accusées d'avortement illégal permet l'acquittement de trois des accusées ainsi qu'un sursis pour la quatrième, et contribue à l'évolution vers la loi Veil sur l'interruption volontaire de grossesse, en 1975.

En 1985, elle est nommée ambassadrice de la France auprès de l'UNESCO, une fonction qu'elle occupe d'avril 1985 à septembre 1986. En 1989, elle devint conseillère spéciale de la délégation française à l'Assemblée générale des Nations unies, avant d'être rapporteuse pour la parité entre hommes et femmes dans la vie politique.

Gisèle Halimi meurt le 28 juillet 2020 à Paris, au lendemain de son 93e anniversaire. Ses obsèques ont lieu à Paris, au crématorium du cimetière du Père-Lachaise, le 6 août 2020, lors d'une cérémonie laïque en présence de plusieurs centaines de personnes.

« Changer le nom d’une voie est complexe »

Michel Chapuis soulève également l’aspect technique d’une telle modification. « Changer l’adressage, changer le nom d’une voie est complexe pour les services de la Ville et déstabilisant pour les habitants concernés. Or, beaucoup de ponots habitent la rue Maurice Barrès ». Cet axe se situe au-dessus du boulevard Bertrand de Doue où trois grandes résidences collectives sont implantées.

Photo par capture écran

« Je ne suis pas du tout hostile à ce genre de réflexion »

Le maire du Puy-en-Velay termine en ces termes. « À propos de l’idée de baptiser une place, un bâtiment ou autres, au nom de Gisèle Halimi, pourquoi pas ? Comme vous, le CIDFF (Centre d'Information sur le Droit des Femmes et des Familles, Ndlr) et le Planning familial avaient également évoqué cette idée ». Il conclut alors : « Sur le sujet, je ne suis pas du tout hostile à ce genre de réflexion ».