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Après trois ans de recherches, la vie de Joseph Nonnenmacher retracée dans un film

Par . . , Mise à jour le 13/05/2022 à 06:00

Cela fera bientôt un an que Joseph Nonnenmacher est décédé. Cet ancien résistant et déporté n’a eu de cesse de témoigner auprès des élèves altiligériens pour que l’horreur et la haine ne se reproduisent pas. Le fondateur de "Fantômes du Velay" a reconstitué son parcours dans un film qui sera projeté ce vendredi à la Maison pour tous de Brives-Charensac. 

Joseph Nonnenmacher est né en Alsace en 1924. Lors de l'invasion allemande en 1940, il s'enfuit avec sa famille en Limousin. Il rejoint un groupe de résistance de l’armée secrète en 1943, sous le pseudonyme Jo. Quelques mois plus tard, en novembre 1943, le jeune homme de 19 ans est arrêté par la Gestapo et les SS. Après plusieurs jours de prison, il est transféré au camp de transit de Compiègne. Là, il est convoqué par un SS qui, lui rappelant ses origines alsaciennes, l'enjoint d'accepter la nationalité allemande puisque l'Alsace est alors annexée au « grand Reich ». Joseph Nonnenmacher, refusant le déshonneur, affirme qu'il est Français et qu'il le restera. Cela lui vaudra 18 mois d'enfer dans les camps de Buchenwald et Dora.

La mort opère son premier tri

Devant les élèves de 3ème, le témoignage de l'ancien déporté devient poignant : les wagons bondés dans lesquels la mort opère déjà son premier tri, l'arrivée au camp de Buchenwald sous l'inscription qui est elle-même une promesse de châtiment « Jedem das Seine » (« À chacun son dû »), les amoncellements de cadavres nus auxquels on finit par ne plus prêter attention, la faim, la soif, le travail, les fours crématoires, les appels interminables…

Exécutions sommaires

Le désormais matricule 38.730 est envoyé en 1945 dans le camp de Dora où il travaille dans les usines souterraines chargées de construire les V1, bombes volantes destinées à détruire les villes anglaises. Puis à l'approche des Alliés, il connaît les marches de la mort et leur cortège d'horreurs, d'exécutions sommaires... jusqu'à la libération du camp en mai 1945 par les soldats américains. Dix-mois d'un véritable enfer s'étaient écoulés depuis son arrestation par la Gestapo.

Aucun regret

L'ancien déporté avait l'habitude de témoigner auprès de publics scolaires pour transmettre le devoir de mémoire. Le 29 avril 2016, les élèves de 3ème du collège Lafayette et leurs professeurs avaient reçu Joseph Nonnenmacher, alors âgé de 92 ans, venu partager avec eux son expérience de la déportation. Les élèves ponots ont ainsi eu le privilège de rencontrer un témoin ayant su, à un moment donné de son existence, dire « non » à la barbarie, au péril de sa vie. A la question posée par un élève : « Et s'il fallait, dans le même contexte, à nouveau refuser de devenir Allemand, sachant ce qu'il vous est arrivé par la suite ? », Joseph Nommenmacher répond sans ciller : « Je le referais sans hésiter ». Qui plus est, il pardonne :  « Je n’ai pas de haine. Je pense qu’il faut pardonner. La haine ne sert à rien ».

Après sa libération, Joseph Nommenmacher a vécu au Luxembourg et en Allemagne. Son métier : tanneur. C'est un confrère du Puy-en-Velay qui l'a convaincu de s'installer avec sa famille à Brives-Charensac dans les années 1950.

Chevalier de la Légion d’Honneur à 91 ans

En mai 2015, à 91 ans, Joseph Nonnenmacher a été fait chevalier de la Légion d’Honneur aux côtés de deux autres anciens résistants, Télémaque Mercy et Simone Baudino. Si la cérémonie au Puy-en-Velay s’est déroulée dans le plus grand des respects, certains participants, par la suite, nous ont fait part de leur regret sur une décoration jugée trop tardive : « Il est dommage qu’il faille attendre que ces hommes et ces femmes aient 90 ans pour les décorer quand aujourd’hui être chanteur ou acteur suffit à obtenir la Légion d’honneur. »

Télémaque Mercy est un engagé volontaire des Forces Françaises de l’Intérieur (FFI). En 1943, il opère au maquis de Villelonge en commune d’Yssingeaux, sous le pseudonyme Marcel. Ses principaux faits d’armes sont le sabotage d’une laiterie occupée par les forces allemandes à Saint-Agrève, le maintien de liaison entre différents maquis et la distribution de journaux clandestins. Il sera interné politique en 1944 avant d’être libéré par les FFI. Il servira au sein d’une nouvelle compagnie jusqu’à la Libération.

Simone Baudino, elle, a servi dans l’un des plus importants réseaux de résistance de la seconde guerre, le réseau Mithridate. Elle s’occupait notamment de fournir de nombreux lieux d’asile aux nécessiteux et a également servi d’agent de liaison pendant plus d’un an.

Joseph Nonnenmacher est décédé en juin 2021. Le petit-fils d'un couple de grands amis a décidé de lui dédier un film documentaire. Ce n'est autre qu'Adrien Gayte, le fondateur des comptes Instagram et Facebook "Fantômes du Velay" où il juxtapose des anciennes photo du bassin du Puy avec des clichés récents et entretien le devoir de mémoire. Ces trois dernières années, il a collecté des archives, en France et en Allemagne, sur l'histoire de l'ami de ses grands-parents.

Ce vendredi 13 mai 2021, le film "Les Triangles Rouges" sera diffusé pour la première fois à 19h30 à la Maison pour tous de Brives-Charensac. Entrée ouverte à tous, sans réservation, au prix de 5 € par personne.