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Éducation nationale : La goutte d’eau de trop

Par nicolas@zoomdici.com jeu 13/01/2022 - 17:00 , Mise à jour le 13/01/2022 à 17:00

Inédit ! C’est le terme employé par les manifestants pour qualifier la grève de ce jeudi 13 janvier en Haute-Loire et dans tout l’Hexagone. Inédit par son nombre de grévistes, par sa pluralité de fonctions présentes et surtout par cette colère « dont le gouvernement ne semble pas vouloir considérer la gravité ».

Ils sont des centaines à s’être regroupés devant l’Inspection Académique de Haute-Loire dans la matinée du jeudi 13 janvier 2022. Aux côtés des drapeaux des syndicats FO, FSU, CGT, UNSA et SUD, ce sont des enseignants du premier et second degré, des directeurs d’écoles, des chefs d’établissements, mais aussi des parents avec leurs enfants, tous réunis pour ne former qu’une masse de colère, fatiguée mais tendue, blessée mais décidée, prête à mettre toujours plus de poids dans ce bras de fer engagé avec le gouvernement.

« C’est une grève historique dans l’Éducation nationale avec des taux de grévistes rarement atteints tant dans le 1er que le second degré partout en Haute-Loire, assure Guy Thonnat, secrétaire du syndicat de l’enseignement FO . Nous sommes aux alentours de 75 % de grévistes. » Il résume en une phrase l’ambiance qui règne derrière les murs des écoles actuellement : « La goutte d’eau est en train de déborder et de se transformer en raz de marée ».

Le cortège a rejoint la Préfecture après les discours des syndicats.
Le cortège a rejoint la Préfecture après les discours des syndicats. Photo par Nicolas Defay

Vous voulez des chiffres ?

Nous avons sollicité le rectorat de Clermont-Ferrand pour avoir les chiffres du taux de grévistes en Haute-Loire mais les services compétents n’avaient encore aucune donnée départementale ce vendredi matin contrairement à d'habitude.
En Auvergne, selon le rectorat, les taux de grévistes consolidés ce jeudi après-midi se déclinent ainsi :
38 % dans le 1er degré
33 % dans les collèges
24 % dans les lycées généraux et technologiques
19 % dans les lycées professionnels

« Les ordres et les contre-ordres qui tombent tous les jours, nous n’en pouvons plus »

Des ordres. Des contre-ordres. Des directives le jour 1. Leurs contraires le jour suivant. Depuis le début de la rentrée scolaire, 51 protocoles sanitaires ont été imaginés par le gouvernement et envoyés à tous les établissements de France et à leur directeur.

« Les ordres et les contre-ordres qui tombent tous les jours, nous n’en pouvons plus, se désole Anne-Carine Guillaud, directrice de l’école Albert Jacquard à Monistrol-sur-Loire. Quotidiennement, j’ai des enfants positifs au Covid et les autres cas contact. Nous passons notre temps à prévenir les parents pour leurs expliquer ce qu’il se passe, que faire en fonction de telle situation, les délais, etc. Le lendemain, on les informe qu’il faut finalement pratiquer de cette façon et pas comme deux jours auparavant. C’est infernal ! C’est extrêmement lourd pour tout le monde ! »

« La formule de Blanquer qui nous est destinée à savoir « qu’on ne fait pas grève contre un virus » m’inspire un mépris total de sa part. On est pas là contre le virus mais contre toute la mise en place qui est faite autour et qui nous empêche de faire notre métier d’enseignant ». Anne-Carine Guillaud

Sur les marches de l'Inspection académique au Puy-en-Velay
Sur les marches de l'Inspection académique. Photo par Nicolas Defay

« La sourde oreille du gouvernement devient de plus en plus problématique »

« 51 protocoles ! C’est absurde !, martèle Anne-Carine Guillaud. Cela n’a ni queue ni tête ! Heureusement que nous avons des parents vraiment extraordinaires et qui comprennent. Ils sont en colère mais jamais contre nous. Ils nous soutiennent totalement ! » Elle déplore tout de même : « À chaque fois, je me sens quand-même obligée de m’excuser à cause de cette position aberrante qu’on nous fait vivre actuellement. »

Elle rajoute enfin : « La sourde oreille du gouvernement devient de plus en plus problématique et méprisable et la communication plus que jamais difficile entre le terrain et l’administration. Mais je pense que ce ne doit pas être simple aussi pour l’Inspection académique. Eux sont pris entre le marteau et l’enclume, obligés de faire appliquer les injonctions impopulaires qui viennent d’en haut ».

« Nous avons décidé de continuer à réunir les collègues pour préciser les revendications et les mobilisations à tenir. En tous cas, nous serons tous présents et en grand nombre le jeudi 27 janvier pour le mouvement de grève interprofessionnelle » Guy Thonnat

« Le premier des gestes barrières est en fait la création de postes »

Après le passage des discours sur les marches d’escalier de l’Inspection académique, l’attroupement se met en mouvement en direction de la Préfecture, autre importante ambassade de l’État. Le cortège descend alors la rue de l’École normale, remonte l’avenue de Vals et continue sur le cours Victor Hugo. « Quand on a 30 ou 35 élèves dans une classe ou même moins, on se demande comment faire pour faire respecter les gestes barrières, confie Guy Thonnat. En toute transparence, c’est impossible. Mais le fond du problème ne réside pas là. Car le premier des gestes barrières est en fait la création de postes d'enseignants, d'infirmiers, de remplaçants ou d'AESH (accompagnants d'élèves en situation de handicap, Ndlr). Il y a un défaut de tout et on se prépare encore à supprimer des postes en Haute-Loire. »

Il nous révèle alors : « L’inspectrice d’académie convoque un comité technique pour le 1er février. On sait déjà qu’aucun poste ne sera attribué dans le premier degré et qu’il y aura des reprises dans le secondaire. À l’image de ce que fait Olivier Véran dans l’hôpital public avec des milliers de lits supprimés, Jean-Michel Blanquer procède exactement de la même façon avec nous ».

Les manifestants ont remonté le Breuil pour se positionner devant la Préfecture.
Les manifestants ont remonté le Breuil pour se positionner devant la Préfecture. Photo par Nicolas Defay

« Il n’a donc pas saisi ce véritable ras-le-bol général qui s’étend dans tout le pays ? »

Au fil de la marche, la mobilisation s’étiole sensiblement. Et devant la Préfecture, ils seront environ 250 d’après les chiffres des fonctionnaires d’État (500 selon les syndicats). « Avoir une grève aussi suivie et dense à trois mois des élections présidentielles, c’est inédit !, livre Guy Thonnat. Et quand on entend Jean-Michel Blanquer nous culpabiliser en disant qu’on ne fait pas grève contre un virus, il nous montre là une absence de considération absolue. »

Il conclut : « Notre ministre de l’Éducation assure que nous faisons une grève à caractère politique. Mais c’est faux ! Il n’a donc rien compris ? Il n’a donc pas saisi ce véritable ras-le-bol général qui s’étend dans tout le pays ? » Le syndicaliste indique que d’autres actions se répéteront sous des formes qui restent encore à définir.

La formule de JM Blanquer a du mal à passer pour les enseignants.
La formule de JM Blanquer a du mal à passer pour les enseignants. Photo par Nicolas Defay