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Gros coup dur pour les boutiques de CBD

Par nicolas@zoomdici.com mer 05/01/2022 - 06:30 , Mise à jour le 05/01/2022 à 06:30

Durant le dernier jour de l’année 2021, un arrêté a été publié au Journal Officiel interdisant la vente (et la consommation) des fleurs chargées en cannabidiol (CBD). Cette directive du gouvernement français s’oppose ainsi à la Cour de Justice de l’Union Européenne. Au milieu de ce flou juridique, ce sont des centaines de boutiques spécialisées menacées de mort.

Le 31 décembre 2021, le gouvernement français a tranché au risque de se positionner en total désaccord avec les instances européennes : « La vente aux consommateurs de fleurs ou de feuilles brutes sous toutes leurs formes, seules ou en mélange avec d’autres ingrédients, leur détention par les consommateurs et leur consommation sont interdites ». Autrement dit, la majorité des produits que vendent les commerçants concernés sont à présent illégale, selon l’arrêté.

« Le CBD n’est pas une drogue ! Il n’est pas psychoactif et ne génère aucune dépendance »

« C’est la douche froide, confie David Serein, gérant du magasin CB D’eau, située 1, place Michelet au Puy-en-Velay, ouvert depuis le 20 novembre 2020. On ne s’attendait pas à ce genre de décision avant l'élection présidentielle. D’autant plus que la Cour de Justice de l’Union Européenne avait statué en faveur de la vente des fleurs CBD en 2019. Nous pensions être tranquilles pendant un moment ».

Il insiste : « Le CBD n’est pas une drogue ! Il n’est pas psychoactif et ne génère aucune dépendance ! Ce n’est pas moi qui le dit mais la Mildeca (Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives), une entité gouvernementale placée sous l’autorité du Premier ministre lui-même ! » En creusant dans les documents de la Mildeca, il est bien mentionné que le cannabidiol n’est pas un stupéfiant. En outre, il n’est indiqué nulle part un risque de dépendance.

Néanmoins, la Mildeca rapporte : « Le CBD reste tout de même une substance à effet psychoactif, qui peut avoir des interactions avec d'autres molécules, notamment des médicaments ». Des effets que possèdent également l'alcool, le café, le lait, le pamplemousse, les boissons énergétiques...articles que l'on trouve partout et en toute légalité.

David Serein en train de conseiller deux de ses nombreux clients pour l'achat de CBD
David Serein en train de conseiller deux de ses nombreux clients. Photo par Nicolas Defay

Le 19 novembre 2020, suite à une affaire de justice concernant deux commerçants de CBD à Marseille, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a jugé illégale l’interdiction de la vente de CBD en France au nom de la libre circulation des marchandises.

« Ce que les gens en font chez eux, cela ne me regarde pas »

En France, il existe environ 2 000 boutiques spécialisées dans la vente de produits que propose David Serein. « Je vends des huiles sublinguales pour des gens qui ont des douleurs, des gens en proie à l’anxiété, à l’insomnie ou à de légères dépressions, décrit le patron de CB D’eau ponot. Il y a des tisanes, des crèmes et des cosmétiques avec la molécule du cannabidiol (CBD). Et aussi des fleurs et des résines. »

Il précise : « Ce sont des fleurs vendues sous le terme Fleurs à infuser. Ce que les gens en font chez eux, cela ne me regarde pas. On sait très bien que certaines personnes les fument. Mais quoi qu’il en soit, ce n’est pas psychotrope, il n’y a pas la molécule du THC (tétrahydrocannabinol) à l’intérieur. Du coup, la plupart des gens l’utilisent ainsi soit pour fortement diminuer leur consommation de THC, soit pour se sevrer totalement ».

« Je suis ouvert depuis maintenant un an et j’ai de nombreux fidèles clients. Il faudra que je pense à diminuer mes stocks de fleurs pour ne pas avoir de perte sèche mais je vais, quoi qu’il en soit, continuer à en vendre ». David Serein

Les tisanes avec des fleurs CBD à infuser sont proscrites selon l'arrêté.
Les tisanes avec des fleurs CBD à infuser sont proscrites selon l'arrêté. Photo par Nicolas Defay

Près des deux tiers du chiffre d’affaires menacés

Dans le magasin de David Serein et comme dans la plupart des boutiques similaires, la vente de fleurs et de résines « bien être » représente une part très importante du chiffre d’affaires. « Entre 60 et 70 % en ce qui me concerne, partage-t-il. Non seulement cet arrêté n’a aucun sens mais en plus il va mettre à mal d’innombrables commerces. Sans parler des conséquences sur le mode de consommation des clients ».

D’après lui, les consommateurs utiliseront Internet pour se fournir de toute façon. « Je pense que la Suisse sera prise d’assaut car elle vend des fleurs dosées à 1 % de THC, ce qui est interdit en France avec un maximum autorisé de 0,2 %, souligne David Serein. On a surtout peur que les personnes se tournent vers le marché noir. Les conséquences seront de tomber sur des fleurs avec des molécules synthétiques qui viennent de Chine ou d’ailleurs, mettant en danger les consommateurs. Et ça, c’est sans parler du marché parallèle où des personnes qui s’étaient mises au CBD reviendront... au THC ».

« Sur les 174 boutiques de la franchise CB D’eau, seulement trois ont été sujettes à des perquisitions avec fermeture administrative pour certaines. Les trois ont été relaxées au tribunal car la décision française est contraire à la cour européenne et à la libre circulation des produits en Europe ». David Serein

Impossible de faire la différence entre des fleurs CBD et THC ? Une intox du Gouvernement ?

Mais pourquoi le gouvernement tricolore s’acharne à s’opposer aux instances européennes alors que tout indique la non dangerosité des produits CBD en France ? Parce que, d’après les autorités françaises, il est impossible pour les forces de l’ordre de distinguer des feuilles chargées en molécule CBD de celles contenant du cannabis stupéfiant dosé en THC. « C’est un argument complètement faux !, s’indigne David Serein en montrant du doigt un sachet en plastique punaisé au mur. Nous, ça fait déjà deux mois qu’on est équipé de tests qui permet justement de différencier les deux produits ».

Il explique alors : « À l’intérieur du sachet, il y a deux ampoules qui contiennent du liquide. On met les fleurs ou les feuilles dedans. Si la solution se colorie en bleu, c’est du THC. Si c’est en rose, c’est du CBD. Tout simplement ! Toutes les forces de l’ordre dans les autres pays européens possèdent ces dispositifs. Pourquoi pas la France ? On a les moyens de détecter ça, sauf que nos dirigeants ne veulent pas équiper leurs propres forces de l’ordre ».

Les tests pour différencier THC et CBD existent depuis un certain temps.
Les tests pour différencier THC et CBD existent depuis un certain temps. Photo par Nicolas Defay

« On pense que le Gouvernement veut en faire un produit d’État taxé au même titre que le tabac à 82 % »

Le patron de CB D’eau de la cité ponote a rejoint tout récemment le syndicat de l’UPCBD (Union des Professionnels du CBD). Ensemble, ils réfléchissent aux véritables desseins du Gouvernement. « On pense que le Gouvernement veut en faire un produit d’État taxé au même titre que le tabac à 82 %, craint-il. Du coup, peut-être confiront-ils le marché aux buralistes. Ou aux pharmacies. »

David Serein ajoute encore : « Des bruits courent également sur le fait que l’État souhaiterait mettre en place une licence payante qui octroierait l’autorisation de la vente en question. Pourquoi pas ? Notre franchise serait prête à l’acheter. Mais nous avons peur que le prix de ce sésame soit très important ».

Seuls les produits totalement transformés CBD seraient autorisés à la vente.
Seuls les produits totalement transformés seraient autorisés à la vente. Photo par Nicolas Defay