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Migrants : « Quel sens a aujourd’hui l'expulsion d'enfants qui ont grandi en France ? »

Par nicolas@zoomdici.com , Mise à jour le 24/11/2021 à 06:30

Samedi 20 novembre était la journée internationale des droits de l’enfant. À cette occasion, le Resf 43 a envoyé un cadeau tout en mots et en maux au Président des français, Emmanuel Macron.

1 000 cartes postales. C’est ce qu’à réussi à faire signer le Réseau éducation sans frontière (Resf) de la Haute-Loire par des sympathisants à la cause des migrants. Toutes ces missives ont ensuite été envoyées à la plus haute instance de l’État pour rappeler les exigences fondamentales inscrites dans la Déclaration universelle des Droits de l'Homme (dont la France a été à l’origine avec 6 autres nations en 1948) et, par extension, dans la convention relative aux droits de l’enfant.

Pour rappel, la France a apposé sa signature sur cette convention le 26 janvier 1990, aux côtés de celles de tous les pays du monde en place à l’ONU (Organisation des Nations Unis). Un seul refuse d’y mettre sa griffe : Les États-Unis d’Amérique.

La carte postale du Resf adressée à Emmanuel Macron.
La carte postale du Resf adressée de milliers de fois à Emmanuel Macron. Photo par Resf

La fabrique à clandestin

En Haute-Loire, selon le Resf :
15 jeunes ont obtenu un titre de séjour durant les mois précédents.
Mais 15 jeunes restent sous OQTF (Obligation de Quitter le Territoire Français).
3 ont une mesure MDPH (Reconnue handicapée), donc normalement protégés au titre des droits de l'enfant.
Les jeunes en attente de titre de séjour sont au nombre de 12.
8 (chiffre probable) sont partis en clandestinité.

« Menacés d’expulsion, réduits à vivre dans la peur, l’errance et la clandestinité »

« Il s'agissait d'une campagne nationale pour demander que chaque jeune mineur étranger devenu majeur bénéficie d’un toit, du droit à la formation, d’un apprentissage et d’un titre de séjour », explique l’équipe du Resf 43.

À travers un courrier adressé en parallèle à Eric Étienne, préfet de la Haute-Loire, le collectif soulève : « L’actualité a mis au grand jour la situation de jeunes étrangers présents depuis plusieurs années dans le département de Haute-Loire. Après un passé difficile et douloureux, ces jeunes ont accompli un parcours scolaire et professionnalisant. Certains sont maintenant embauchés durablement dans les entreprises qui les ont d'abord recrutés en apprentissage dans des secteurs où la main-d’œuvre est souvent difficile à trouver. »

Le réseau martèle alors : « Sans réponse à leur demande d’autorisation de travail ou de titre de séjour, ils sont ainsi nombreux à être menacés d’expulsion, réduits à vivre dans la peur, l’errance et la clandestinité, alors que la France est devenue leur pays ».

« Les refus sans appel anéantissent l’investissement des jeunes mais aussi l’investissement de la société et du travail des conseils départementaux, des associations, des éducateurs, des enseignants et des chefs d’entreprise ». Resf 43

Copie à Madame la Présidente du Conseil Départemental, Députés et Sénateurs de la Haute Loire, Monsieur le Maire du Puy en Velay

"A l’occasion de la journée internationale des Droits de l’Enfant du 20 novembre 2021, RESF appelle à garantir, par un titre de séjour, l’avenir des jeunes étrangers qui vivent dans notre département".

Monsieur le Président de la République, Monsieur le Préfet de Haute Loire,

Nous, membres du Réseau Education Sans Frontières de Haute Loire, vous demandons, à l’occasion de la journée internationale des Droits de l’Enfant, de garantir, par un titre de séjour, l’avenir des jeunes étrangers qui vivent aujourd’hui dans notre département. Le 20 novembre 2021, jour du 32 ème anniversaire de la signature de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant, des initiatives pour faire progresser le respect des droits des enfants seront prises sur tous les continents et en France également. Droit à l’éducation, à un toit, à des papiers, droit à une identité propre, à s’exprimer, à la différence, à la santé, droit à être protégé de l’exploitation, de la guerre et de la violence, droit à la vie de famille… Le 20 novembre 1989, avec 195 pays signataires de la CIDE, la France s’est engagée à respecter et à faire respecter ces droits fondamentaux.

Ainsi, le RESF43 demande que, dans la Haute Loire:

  • Les jeunes étrangers isolés accèdent pleinement à ces droits. Ces jeunes sont arrivés en France après un parcours souvent très long, périlleux, ils suivent des parcours scolaires avec assiduité, font des formations, apprentissage, et sont généralement très appréciés par leurs patrons lors des stages. A 18 ans, une « Obligation à quitter le territoire », reçue des services préfectoraux, barre leur avenir, les jette dans l'errance, la clandestinité.
  • RESF43 demande que les jeunes de familles déboutées de l'asile, vivant en France depuis plus de 5 ans, puissent comme tout enfant choisir sa formation sans craindre un refus de droit au travail, ou une obligation de quitter le territoire.

Par ces demandes, nous ne faisons que renchérir sur la tribune initiée par la LDH le 8 février 2021 et cosignée par plus de soixante associations : « Jeunes majeurs étrangers, sortir de l'impasse ». Notre expérience sur le terrain auprès des jeunes et familles « sans papiers » nous montre chaque jour un terrible gâchis humain, social, et financier. Vous trouverez en pj cette tribune, ainsi que la déclinaison locale que nous en avons faite au printemps 2021.

C’est pourquoi, le RESF au plan national, comme au niveau de la Haute Loire, a pris la décision d’adresser à Monsieur le Président de la République, une carte postale (ci-jointe) signée par de nombreux citoyens réclamant pour les jeunes étrangers, l'accès à l'école, à l'apprentissage, à la formation, à un toit, à un titre de séjour pérenne. Nous vous prions de croire, Monsieur le Président de la République, Monsieur le Préfet, en notre attachement aux valeurs d’humanité, de solidarité et de fraternité qui fondent notre République.

RESF43"

« Quel sens a aujourd’hui l'expulsion d'enfants qui ont grandi en France ? »

S’appuyant sur des mots aussi durs que la réalité des jeunes en question, le Resf continue sa lettre incendiaire. « Ce monde de refus et de déni engendre des dégâts psychologiques majeurs, appuie-t-il. Ne serait-il pas plus utile et constructif de les laisser travailler, de devenir autonome et qu’ils retrouvent leur dignité ? Quel sens a aujourd’hui l'expulsion d'enfants qui ont grandi en France ? »

Les Droits de l'Homme sont...

..."les droits que nous avons tout simplement car nous existons en tant qu'êtres humains, est-il mentionné dans le site du Haut-Commissariat des Nations Unies aux Droits de l'Homme. Ils ne sont conférés par aucun État. Ces droits universels sont inhérents à nous tous, indépendamment de notre nationalité, sexe, origine nationale ou ethnique, couleur, religion, langue ou toute autre situation. Ils vont des plus fondamentaux, comme le droit à la vie, à ceux qui rendent notre vie digne d'être vécue, comme les droits à l'alimentation, à l'éducation, au travail, à la santé et à la liberté".

Des vérifications de papiers pourtant déjà officialisés par les pays de départ

Anticipant les critiques systématiques de dénonciation sans proposition, le Réseau adjoigne à leur courrier cinq solutions à autant de problèmes rencontrés. Sur la suspicion de l’authenticité des papiers des migrants qui sont majoritairement refusés par la PAF (Police Aux Frontières), le collectif souhaite la reconnaissance des légalisations faites à la base par le pays d’origine.

« Il faut cesser de redemander des vérifications à la PAF de documents déjà visés dans les ambassades, insiste le Resf. Depuis bientôt un an, la préfecture de la Haute-Loire fait revérifier par la PAF les documents d'identité des mineurs non-accompagnés. Elle exige des légalisations par les autorités consulaires des pays avec lesquels la France a pourtant passé des accords bilatéraux qui les rendent inutiles ».

« Qu’aucune OQTF ne soit prononcée en plein milieu d’une formation ! »

Toujours sur les papiers d’identité des migrants, le collectif pointe du doigt la difficulté d’obtention des documents d’origine. « Les services de l’État ne tiennent aucunement compte du chaos administratif présent notamment dans certains pays africains. Notre proposition pour résoudre cet écueil est tout simplement que soit respecté la liste du Ministère de l’Intérieur renseignée sur leur propre site. »

Le Resf souligne aussi l’importante d’une scolarisation adaptée avec d’intenses remises à niveau en français pour que les jeunes puissent suivre pleinement un apprentissage. « Et surtout qu’aucune OQTF (Obligation de Quitter le Territoire Français) ne soit prononcée en plein milieu d’une formation ! », ajoute-t-il.

Une affiche lors d'une manifestation pro Madama Diawara.
Une affiche lors d'une manifestation en soutien à Madama Diawara. Photo par Nicolas Defay

En attente d’une décision depuis plus d’une décennie

Selon les données du collectif, la Haute-Loire accueille 25 familles de migrants. Toutes sont en situation de grande précarité, usant des associations humanitaires à disposition afin de vivre ou juste survivre. Parmi ces cellules familiales, une est dans le département depuis 2010, deux familles entrent dans leur neuvième année, deux sont là depuis 2014 et encore quatre depuis 2015. « Il est indispensable de régulariser de façon large et durable les personnes étrangères en place depuis des années sur notre territoire », vitupère-t-il.

Les familles de migrants en Haute-Loire constituent 0,025 % des ménages altiligériens

Le Réseau Éducation Sans Frontière met en exergue « le manque de cohérence et de transparence dans les réponses de la préfecture de la Haute-Loire avec le recours systématique aux récépissés en lieu et place de titre de séjour ». En réponse à cette analyse, le collectif exige que soit appliqué les recommandations de la Charte Marianne par le service des étrangers. « Toutes les mesures que nous présentons sont possibles et réalisables, conclue le Resf 43. Et ceci, d’autant plus dans un département aussi peu peuplé que la Haute-Loire ! »

Les terres altiligériennes abritent environ 227 000 personnes, se classe 81ème sur 96 en France pour son nombre d’habitants et affiche une densité de population de 46 hab/km². Selon le site ville-data.com, la Haute-Loire comptent 101 218 foyers en 2020. 25 familles de migrants représentent alors 0,025 % de cet ensemble, un constat bien loin du tsunami de migrants craché à profusion sur les réseaux sociaux.