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Les Harkis, un passé toujours douloureux

Par olivier@zoomdici.com , Mise à jour le 25/09/2021 à 06:00

Près de 200 000 supplétifs ont servi sur les différents théâtres d'opération d'Afrique du Nord. Un souvenir toujours vivace et une plaie parfois encore ouverte pour certains.

Ce samedi a lieu la Journée nationale d'hommage aux Harkis et autres membres des formations supplétives. Elle commémore ceux qui sont morts pour la France lors de la guerre d'Algérie. Cette journée sert aussi à reconnaître les sacrifices de tous ceux qui ont pris part à cette guerre.

Rencontre avec Mohamed Abdaoui qui fut l'un d'eux.

Une "harka" dans les pays arabes et berbères du Maghreb désigne une expédition militaire. Par extension le mot désigne une milice, une bande d'insurgés levée par une autorité politique ou religieuse. Un "harki", tel que nous utilisons le mot, est donc en l'occurrence un soldat, un supplétif indigène, levé par la France en Algérie.

"Beaucoup des nôtres dont un de mes frères ont été égorgés par le FLN"

« Quand la révolte de l’Aurès a éclaté, ce sont les fils d’Aïcha qui ont pris les armes contre la France, aidés de la complicité, ouverte ou tacite, des éléments disparates de la vallée de l’oued Abidi. Il n’était donc pas difficile de demander aux fils de Touba de venir prendre les armes aux côtés de la France : eux-mêmes s’y sont offerts spontanément. [...] Lorsque, dans la cour du bordj d’Arris, mes goumiers riaient en voyant la mine déconfite des rebelles prisonniers ou des vieux chefs de village venus demander l’amman, ils réglaient en sarcasmes une vieille dette de famille... » Voilà ce qu'écrit Jean Servier dans son célèbre "Dans l'Aurès sur les pas des Rebelles", livre qui contribua à forger la légende des Harkis.

 "Macron a parlé mais c'est trop tard. C'est avant qu'il fallait nous soutenir. Ses déclarations sont trop intéressées " 

Mohamed Abdaoui est né en 1933. Il s'est engagé comme harki en 1950 avant de rejoindre les troupes des Spahis. "Je n'avais que 17 ans lorsque je me suis engagé", raconte-t-il. "J'ai choisi la France parce je me sentais Français;  c'était et c'est toujours mon pays." Mais très vite l'amertume affleure. "Il me serait très difficile de retourner en Algérie." explique-t-il "Eux n'ont pas oublié." Et il revient sur l'actualité et les récentes déclarations de Macron: "Le président a parlé mais c'est trop tard. C'est avant qu'il fallait nous soutenir. Ses déclarations sont trop intéressées " .

De ses années algériennes, il retient surtout la fin, celle qui a marqué d'un voile sombre l'épopée des Harkis. " Ce qu'a fait la France est honteux. Elle nous a laissé là-bas désarmés, sans possibilités de nous défendre. On nous a même tiré dessus. On a été encerclés par les fellaghas. La répression après notre lâchage a été féroce. Beaucoup des nôtres dont un de mes frères ont été égorgés par le FLN "

" Ce qu'a fait la France est honteux. Elle nous a laissé là-bas désarmés, sans possibilités de nous défendre."

Puis ce fut la fuite. "Nous étions de Bône, Annaba actuellement. Nous avons du fuir. Il en allait de notre vie et de celle des nôtres. Les militaires français ne comprenaient pas la lâcheté de la politique de Paris. Les paras, parmi lesquels figurait au début de la guerre Jean-Marie Le Pen (engagé volontaire au 1er REP) que j'ai rencontré en 1957, ne voulaient pas que nous soyons désarmés. Il en allait de notre vie mais aussi de notre honneur de combattants. L'armée a beaucoup fait pour nous aider. Les politiques ont été dégueulasses avec nous. "

"Peu de harkis savaient écrire. Nous étions crédules."

Et il décrit l'exode. Marseille d'abord au camp de St Maurice puis à Avignon pendant six mois. "Nous avons embarqué sur un bateau surchargé. A bord il y avait des harkis mais aussi beaucoup de familles françaises, des pieds-noirs qui ont vécu un drame eux aussi. Nous couchions entassés sur l'entrepont. Anxieux, parfois malades, souvent perdus. Hommes, femmes, enfants, vieillards partaient pour l'inconnu. Arrivés dans le camp de Marseille puis dans celui d'Avignon, nous avons été parqués comme des animaux dans des bâtiments en préfabriqué. Nous ne pouvions pas sortir du camp. D'ailleurs les Français avaient peur de nous. Ils avaient des réactions hostiles envers nous mais aussi envers les pieds-noirs à qui ils reprochaient de ne pas être restés en Algérie."

"Nous avons été parqués comme des animaux dans des bâtiments en préfabriqué."

C'est encore une fois l'armée française qui vient à son aide. " Les civils ne voulaient pas nous donner de travail, ils ne voulaient pas non plus nous loger. A une époque j'ai même dû vendre les bijoux de ma femme pour nourrir ma famille. Alors c'est l'armée qui nous a encore aidé. Certains curés aussi. Ils nous ont soutenus pour nous loger, pour que l'on puisse trouver un travail, signer des contrats, se débrouiller pour les choses courantes de la vie, envoyer nos enfants à l'école. C'est comme ça qu'en 1963 je suis arrivé au Puy-en-Velay. Nous étions considérés comme des Français de deuxième zone. Certains ont profité de nous. Peu de harkis savaient écrire. Nous étions crédules. "

"C'est l'armée qui nous a aidé"

Et l'amertume, voire la colère, perce à nouveau: " Lors des combats nous étions en première ligne. Certaines familles avaient servi la France depuis plusieurs générations, en 1914, au Maroc, en 1940, en Indochine. Nous n'avons jamais tourné notre veste. J'ai toujours suivi la France. Aucun politique n'a eu de reconnaissance pour ce que nous avions fait. A l'exception peut-être de Jacques Chirac, qui a aussi servi en Algérie."

"Aucun politique n'a eu de reconnaissance pour ce que nous avons fait"

Et il conclut: "Il faut continuer à raconter cette histoire, à la transmettre pour que les jeunes sachent ce qui s'est passé. Les témoignages font vivre l'Histoire."

La cérémonie de commémoration aura lieu ce samedi à 11h au jardin Vinay au Puy-en-Velay.