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Un projet de rénovation du Rocher Corneille vivement critiqué

Par nicolas@zoomdici.com , Mise à jour le 20/12/2022 à 17:00

90 000 personnes grimpent chaque année les 262 marches de l’éperon volcanique au Puy. Érodé par le temps, l'antique promontoire va bénéficier d'une réhabilitation à plusieurs millions d'euros. Mais le sujet mis au menu du conseil municipal ce lundi 19 décembre a provoqué une indigestion pour les élus de l’opposition.

Le Rocher Corneille ? Une sacrée histoire à la fois de millions d'année et d'une poignée de siècles. Millions d'années pour son dyke noir en basalte qui culmine à 757 mètres d'altitude et surplombant la cité mariale du haut de ses 132 mètres. Poignée de siècles pour la statue la plus canon du monde qui trône à son sommet. La Vierge a été constituée en 1860 avec la fonte des 213 canons pris à l'ennemi suite à la victoire du Général Pélissier à la guerre de Crimée le 8 septembre 1855.

C'est un prédicateur jésuite, le Révérend Père Xavier de Ravignan (1795-1858), qui, le premier, a l'idée d'ériger une statue de la Sainte Vierge au sommet du « rocher Corneille ». Théodore Combalot (1797-1873) est mis au courant. Ce dernier partage le projet aux prêtres du diocèse rassemblés en la cathédrale Notre-Dame-de-l'Annonciation le 26 juillet 1850. L’évêque du lieu, Mgr Auguste de Morlhon, accueille l'idée avec engouement et, après diverses études préparatoires, crée le 5 mars 1853 une commission chargée de préparer et surveiller l'exécution des travaux. Ce « comité de l’œuvre de Notre-Dame de France » lance dans le même mois un concours européen, doté de trois mille francs, destiné à choisir le modèle de la statue et une souscription.

Le concours rencontre un succès inespéré, puisque des artistes de toute l'Europe envoient leur propositions. C'est finalement pas moins de 536 maquettes qui sont présentées et exposées au public pendant une semaine dans une salle de l'hôtel de ville du Puy. Le 8 novembre 1853, le jury présidé par Mgr de Morlhon vote à bulletins secrets pour le modèle de Jean-Marie Bonnassieux.

Dès lors, les travaux peuvent commencer et, le 10 décembre 1854, la première pierre est posée. Mais, malgré le succès de la souscription — qui rapportera en tout 325 000 francs —, des difficultés financières se font sentir, menaçant tout le projet.

Le 5 septembre 1855, Mgr de Morlhon se rend alors à Paris pour plaider cette cause auprès de l'Empereur Napoléon III. En plus d'obtenir de lui un don de 10 000 francs, l'évêque le convainc d'offrir les canons qui seront capturés si le siège de Sébastopol réussit et que la paix revient. Trois jours plus tard, la ville tombe.

Le 30 mars 1856, la paix est signée, et, vingt jours après, l'Empereur livre 150 000 kg de fonte de fer provenant des canons de marine de Sébastopol.

En mars 1856, la fonte de la statue commence à Givors dans les hauts fourneaux de la Société des Hauts-Fourneaux et Fonderies de Givors E. Prénat & Cie. Les travaux du piédestal, qui n'avaient guère avancé depuis la pose de la première pierre, reprennent alors. Le 28 juillet 1859, les premiers éléments de la statue arrivent au Puy où ils sont peu à peu assemblés.
Le 12 septembre 1860, la statue, enfin achevée, est bénie solennellement par Mgr de Morlhon en présence de près de 120 000 fidèles.

La statue et son socle sont inscrits aux monuments historiques en 1997, et entièrement restaurés en 2012. Ils constituent à présent le monument le plus visité du département de la Haute-Loire. Elle mesure 16 mètres (22,70 m avec le piédestal) pour un poids total de 835 tonnes (110 tonnes pour la statue, 680 T le piédestal en pierre et 45 T son revêtement en fer).

La Vierge debout, reine (la couronne) du ciel (les étoiles) et de la terre (l’hémisphère sous ses pieds), symbolise la victoire du Bien sur le Mal (le serpent qu’elle écrase). Elle présente la ville à son fils pour qu’il la bénisse. Le statuaire Bonnassieux dut mettre l’enfant sur le bras droit de la Vierge, élément inhabituel dans la statuaire, permettant à l’Enfant de bénir la ville sans cacher le visage de sa mère.

Un projet à 2,3 millions d'euros

Avant que Notre Dame de France et ses 835 tonnes ne s'installe tout là haut, une forteresse militaire était déjà en place sur la pointe du Rocher afin de protéger la ville en des temps moyenâgeux. Pour bichonner cet accès au ciel emprunté par nombre de générations, la Ville du Puy engage en ce sens un plan de financement conséquent. 2,3 millions d'euros pour les travaux et 200 000 euros pour l'étude. À noter que près de 80 % du budget provient de financements extérieurs notamment de l’État et de la Région AuRa.

Les deniers consacrés à cette rénovation XXL vont concerner la reprise des terrasses, l'aménagement des abords, l'amélioration de la sécurité (garde corps), l'installation de mobiliers et de panneaux informatifs, un nouvel éclairage et une boutique repensée.

A Stairway to heaven for Iron Maiden*

Si l'enveloppe sonnante et trébuchante est épaisse, c'est que la Vierge n'est rien de moins que l'attraction touristique la plus importante de bassin ponot. « Le site offre une vue à 360°exceptionnelle sur la cathédrale, le Rocher Saint-Michel, la vieille ville du Puy et les environs, rappelle la municipalité ponote. Polignac, Le Devès, Le Mézenc, les gorges de la Loire…le site a été recensé parmi les belvédères majeurs de l'agglomération et figure dans le premier volet des orientations de qualité paysagères du plan de paysage approuvée au printemps 2022 par la Communauté d'Agglo ».

* : Pour celles et ceux qui n'auraient pas saisi le petit clin d'œil musical : Un Escalier au paradis (Led Zep) pour la Vierge de Fer (Iron Maiden)

Le plus haut belvédère de la cité pavée.
Le plus haut belvédère de la cité pavée. Photo par Nicolas Defay

« Ce projet de rénovation ne répond pas à une urgence pour les habitants »

Sauf que, durant le conseil municipal du Puy en date du 19 décembre, la masse des deniers engagés pour ce lifting du Rocher a consterné les élus de l’opposition. « Le site est magnifique avec une place majeure au cœur de la ville, admet Laurent Johanny. Ce fait est indéniable. Mais, notre rôle d’élu est de décider où et comment l’argent des contribuables doit être utilisé pour améliorer toujours plus leur quotidien ».

Il soulève alors : « J’entends qu’il y ait des réalisations au niveau de la sécurité. Mais l’enveloppe proposée est disproportionnée ! Ce projet de rénovation ne répond pas à une urgence pour les habitants ».

« On devrait tous se réjouir de ça et danser ensemble autour de la bûche de Noël ! »

Le Maire du Puy-en-Velay, Michel Chapuis, a répondu calmement aux remarques. « Je ne comprends pas votre attitude. Le Rocher Corneille est emblématique de la ville. C’est la Tour Eiffel du Puy et il mérite d’être valorisé au maximum. Ce site ramène des richesses en attirant des touristes par milliers ! »

Il rajoute également en s’adressant aux élus de l’opposition : « Vous dites que l’enveloppe est trop élevée. Nous sommes pourtant là sur un super financement où 80 % de l’argent vient de l’extérieur. Jamais nous n’avons eu un plan de financement aussi bien monté. On devrait tous se réjouir de ça et danser ensemble autour de la bûche de Noël ! »

Jean-Williams Semeraro, élu de l’opposition, de mentionner que, quel que soit les sources des financements, de l’État, de la Région ou du Conseil départemental, c’est de l’argent public qui provient de la même poche : celle des concitoyens.

Une flaque d'eau posée par la pluie, le Puy posé au dedans.
Une flaque d'eau posée par la pluie, le Puy posé au dedans. Photo par Nicolas Defay

« Chaque projet en rapport avec la religion vous fait grincer les dents »

Du côté de Celline Gacon, aussi élue de l’opposition, elle se désole du désintérêt fait à certaines constructions centenaires qui participent également au caractère et à la beauté de la cité pavée. « Je regrette simplement que rien n’est fait par exemple sur la tour Pannessac. Pourquoi ne met-on pas en valeur les remparts de la ville ? Mettre autant d’argent sur le site de la Vierge n’est pas normal ».

Dans ce match de point de vue, Michel Chapuis accuse les opposants d’anticléricaux et « que chaque projet en rapport avec la religion vous fait grincer les dents ». Ce à quoi Laurent Johanny lui rappelle qu’il se dresse ce soir contre un budget qui touche non pas à la rénovation de la Statue de la Vierge mais à celle du géant de pierre qui lui sert de base.