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Obligation vaccinale pour les soignants : sanctions et très grosse inquiétude

Par nicolas@zoomdici.com , Mise à jour le 15/09/2021 à 06:30

Que ce soit entre les murs de l’hôpital Émile-Roux, de Sainte-Marie ou parmi les équipes de l’action sociale, le climat est loin d’être serein. En cause, la mise en application des sanctions à l'encontre des professionnels soumis à l'obligation vaccinale qui débute ce mercredi 15 septembre.

Mercredi 15 septembre. Cette date signifie l’obligation aux personnels soignants (et bien d’autres secteurs d’activités annexes) de présenter un schéma vaccinal complet ou en cours. Dans le cas d’une première injection seulement effectuée avant le 15 septembre, les employés devront tout de même réitérer un test PCR toutes les 72 heures pour qu’ils soient autorisés à rejoindre leur poste de travail. Ces derniers auront jusqu’au 15 octobre pour terminer leur schéma complet. Sinon ? C’est la suspension d’emploi sans aucune rémunération.

« Le refus de se vacciner ne donnera lieu à aucun arrêt maladie. Je promets l’application de contrôles systématiques ». Olivier Véran

2,7 millions de français concernés

Le nombre de Français concernés par l'obligation vaccinale avant le 15 septembre est de 2,7 millions. D'après les derniers chiffres de Santé Publique France, 84% des soignants travaillant dans les hôpitaux et les Ehpad ont un parcours vaccinal complet et 88% une 1ere dose.
90% parmi les libéraux avec un schéma complet, 94% avec une 1ere dose.

« Contre son obligation et les sanctions qui découlent de son refus »

Amandine Rabeyrin, secrétaire adjointe à l’Union Départementale Santé Action Sociale, Sandrine Maleysson de la CGT de l’hôpital Sainte-Marie et une représentante de l’action sociale (qui souhaite l’anonymat) mettent en exergue les dérives et les abus que pourraient générer une telle directive. « Bien entendu, nous ne sommes pas opposées à la vaccination qui est l’une des réponses à la crise sanitaire, partagent-elle ensemble. Nous sommes, néanmoins, totalement contre son obligation et les sanctions qui découlent de son refus ».

Amandine Rabeyrin et Sandrine Maleysson. Photo par Nicolas Defay

Sanction pour l’un, charge de travail accrue pour l’autre

« À l’hôpital Sainte-Marie, ce sont une centaine de salariés sur un contingent total de mille employés qui sont concernés, précise Sandrine Maleysson. Vous rendez-vous compte des dommages collatéraux provoqués par 100 personnes en moins dans les services ? Outre les sanctions pécuniaires pour les absents, c’est une charge de travail qui deviendra ingérable pour le personnel vacciné ». Elle ajoute : « Le risque est la suppression de lits et l’augmentation en parallèle des arrêts maladies pour dépression, burnout et assimilés ! »

1) Que risquent les salariés qui n'auront pas présenté leur 1ère injection au 15 septembre ?
« La présentation est obligatoire le 14 car au 15, ils doivent être vaccinés. Sans cette attestation vaccinale le 14 au soir, ils seront suspendus ».

2) Combien, actuellement, de salariés sont concernés (c'est-à-dire ceux qui n'ont pas encore commencé leur schéma vaccinal) sur combien de personnel au total ?
« 27 salariés sur près de 2000 soit 1,3% et le chiffre baisse de minute en minute à l’heure où j’écris ».

« Pour les arrêts maladie de courte durée actuellement en cours, nous ne suspendrons ces agents qu’après le 15 septembre et que s’ils prolongent leur arrêt de travail sans avoir donné au préalable leur attestation vaccinale. » Jean-Marie Bolliet

3) Selon les syndicats, même les personnes en arrêt ou absentes (maladie, congés annuels...) doivent obligatoirement présenter la preuve de la 1ère injection avant le 15 septembre au risque de se faire suspendre (et donc ne plus recevoir de salaire).
« Elles doivent présenter leur attestation avant de reprendre le travail, ce qui n’est pas la même chose. Les arrêts pour motifs longs ne seront pas questionnés, y compris les mères en maternité que nous conseillons toutefois fortement de se faire vacciner. Pour les arrêts maladie de courte durée actuellement en cours, nous ne suspendrons ces agents qu’après le 15 septembre et que s’ils prolongent leur arrêt de travail sans avoir donné au préalable leur attestation vaccinale ».

4) Environ 10% (selon les syndicats) sont dans ce cas. Si ces 10% sont suspendus, les services seront donc très déséquilibrés, avec moins de main d'œuvre. Comment pallier cette carence ?
« Le chiffre n’est pas de 10 % comme indiqué ci-dessus. Les services ne seront pas déstabilisés pour deux raisons. La première est que les cadres ont intégré les éventuels remplacements dans les plannings prévisionnels de travail, ce qui est une très bonne chose. La deuxième raison c’est que nous avons à l’hôpital tous les jours à peu près 150 personnes absentes sur les 2 000 ce qui est d’ailleurs la fourchette basse des taux classiquement observés dans les hôpitaux en France. On voit bien que rapporté au 27 personnes censées être suspendues, il n’y a pas de sujet de déstabilisation des services ».

5) N'y aura-t-il pas carrément des fermetures de services ? Des suppressions de lits ?
« Non ».

6) Toujours d'après les syndicats, ce climat délétère a engrangé beaucoup d'arrêts (dépression, burnout...). La direction a-t-elle remarqué ce phénomène ?
« Non, aucune augmentation d’arrêts de travail n’est à déplorer ».

« Nous avons à cœur de prévenir toute suspension qui aurait pu constituer une surprise pour l’agent et chacun prend donc ses responsabilités en parfaite connaissance des conséquences. » Jean-Marie Bolliet

7) Si des gens sont suspendus, cela ne va-t-il pas durcir encore plus ce climat anxiogène en faisant supporter plus de charge de travail aux salariés présents à l'hôpital ?
« Ce sera seulement l’application de la loi et du principe d’équité et de justice envers tous les agents qui se sont fait vaccinés suite à l’entrée en vigueur de la loi, et dont je salue l’esprit de responsabilité. Il n’y aura donc pas de tension dans les équipes. Il est même intéressant de constater que la période que nous venons de traverser et au cours de laquelle les relations entre agents vaccinés et ceux qui ne voulaient pas l’être se termine aujourd’hui et qu’une forme de sérénité va donc revenir dans les services sur ce sujet ».

8) Y a-t-il eu des réunions avec les indécis pour échanger sur le problème ?
« Le service des ressources humaines hospitalier Émile Roux a particulièrement été actif et sensible depuis la mi-août à la communication et à l’information sur l’obligation faite aux agents de se faire vacciner, par de multiples courriers, notes de service ou même entretiens. Près de 270 appels téléphoniques ont été enregistrés sur la journée d’hier (lundi 13 septembre, Ndlr) auprès de ceux qui n’avaient pas produit leur attestation. Nous avons à cœur de prévenir toute suspension qui aurait pu constituer une surprise pour l’agent et chacun prend donc ses responsabilités en parfaite connaissance des conséquences ».

« Est-ce qu’on ne met pas plus les patients en danger avec moins de personnel dans les services plutôt qu’avec des soignants non vaccinés mais qui respectent à 100 % les gestes barrières? » Amandine Rabeyrin

« Du personnel déjà à bout de souffle »

Même crainte du côté du Centre Hospitalier Émile-Roux. « D’après les données qui datent de vendredi 10 septembre, 130 employés sur les 1 749 présents ce jour-là ne pourront pas présenter leur schéma vaccinal complet d’ici le 15 septembre, indique Amandine Rabeyrin. Sur les 130, 13 sont formellement opposés au vaccin. Que va-t-il se passer dans un hôpital où il manque déjà 200 équivalents temps plein ? Ces sanctions qui sont non seulement la suspension et la privation des rémunérations vont priver les services de professionnels et de leurs compétences ».

Comme Sandrine Maleysson, elle dénonce alors la charge de travail qui devra être transférée sur ceux qui restent, « du personnel déjà à bout de souffle et dont la motivation s’étiole tout comme la confiance envers leur direction ».

Ils sont entre 110 et 130 et proviennent de l'hôpital privé Sainte-Marie, public d'Emile-Roux et de la sphère libérale. "Nous avons tous le point commun de n'avoir commencé aucune étape du schéma vaccinal, explique l'un des membres. Depuis que ce collectif existe, seuls 5 ou 6 éléments en sont partis." D'après lui, cette entité est composée d'ASL (Agents des Services Logistiques), d'aides soignants, d'infirmiers mais aussi de professions comme des kinésithérapeutes. "Nous avons également le soutien de plusieurs médecins dans notre refus de se soumettre à cette obligation de vaccination", assure-t-il.

"Rien n'est fait pour nous rassurer notamment en ce qui concerne l'AMM "

Pourquoi un tel collectif ? "Pour se retrouver au sein d'un groupe qui s'insurge contre la méthode clairement répressive du Gouvernement et qui s'inquiète du vaccin en lui-même, résume-t-il. Car il est clair que rien n'est fait pour nous rassurer notamment en ce qui concerne l'AMM (Autorisation de Mise sur le Marché, Ndlr)."

Du Doliprane à la Morphine en passant par l'Augmentin ou l'Amoxicilline, tout médicament en France doit subir les quatre phases de cette AMM pour que soit validé sa vente. Or, selon le membre du collectif, les vaccins anti-covid en cours n'ont toujours pas terminé leur phase 3, "chose qui aurait dû être faite en juillet/août de cette année", ajoute-t-il.

"Si des effets secondaires apparaissent demain pour les vaccinés, quels recours pourront-ils avoir ? Aucun ! Car l'accord de se faire vacciner est acquis du moment où l'on y va de son plein gré. Personne ainsi ne pourra se retourner contre qui que ce soit en cas de problème."

La réponse de J.M. Bolliet sur l'argument "AMM" du collectif

"Contrairement à ce que dit le collectif, tous les médicaments , y compris les vaccins, sont mis en usage en population générale à la fin de la phase trois puisque la phase quatre consiste précisément à évaluer les effets secondaires en population générale…
Ce type d’argument d’autorité, de surcroit erroné, laisse planer un doute insupportable sur la conformité de la mise sur le marché des vaccins".

"Soit tu te fais vacciner, soit tu perds ton salaire !"

Pour le collectif, cette obligation s'apparente à un chantage clair et précis. "C'est une vraie répression odieuse !, se désole-t-il. Tout le monde a besoin de travailler pour s'alimenter, se chauffer, se déplacer. Il n'y a donc aucune alternative. Soit tu te fais vacciner, soit tu perds ton salaire !"

L'autre point de tension soulevé est la division qu'alimente ce "non-choix" au sein des équipes soignantes. "Nous savons très bien que les gens suspendus donneront malgré eux plus de charge de travail à ceux qui sont vaccinés. D'autant plus que le personnel soignant dans sa globalité est vraiment à bout." Il confirme d'ailleurs une augmentation des burnouts, des dépressions et des suivis psychologiques et psychiatriques parmi les rangs des soignants.

"D'autres pensent à se reconvertir ailleurs (...) afin de vivre leur vie tout simplement"

Jusqu'où peuvent-ils aller pour respecter leurs convictions et leurs choix ? "On ne sait pas car vivre sans rémunération est impossible, déplore le membre du collectif. Certains craquent petit à petit et parlent en pleurant de s'y soumettre. D'autres pensent à se reconvertir ailleurs, dans une activité totalement différente, une activité qui ne nécessiterait pas l'obligation d'être vacciné afin de vivre sa vie tout simplement".

« À force de diviser les gens, de les ignorer ou de les mépriser, alors il est certain que nous nous dirigeons directement vers une crise sociale sans précédent » Représentante de l’Action sociale

"Nous nous dirigeons plutôt vers des ouvertures de services"

Corinne Chervin, Directrice Générale de l'ADPEP 43, contredit les arguments de son employée. "Il n'y a pas 6 suspensions de contrats mais seulement 3. Il n'y a donc rien à craindre concernant des restructurations de service ! Au contraire, nous nous dirigeons plutôt vers des ouvertures !"
Elle ajoute : "Le climat n'est délétère en rien. Car nous avons beaucoup sensibilisé les équipes sur le sujet à travers des entretiens individuels".

Une crainte : la suppression de services à cause du manque de main d’œuvre

Sur les 120 salariés de l’ADPEP 43 (Association Départementale des Pupilles de l'Enseignement Public), six sont dans cette situation. « Quotidiennement, le climat devient de plus en plus lourd et délétère, affirme la représente de l’action sociale. Il y a une sorte de division qui s’est créée entre les vaccinés et les non-vaccinés, division appuyée par notre direction et plus généralement par le Gouvernement ». Ensemble, elles redoutent « l’après ». « Si nombre de personnes ne reviennent pas, il est à craindre des restructurations au sein de nos établissements sous prétexte d’un manque de main d’œuvre, des restructurations qui ressembleraient par exemple à des suppressions de service entier ».

« Notre problème dépasse les murs de l’hôpital. Car c’est tout le monde qui a besoin de ses services hospitaliers et de leurs soignants. Tout le monde ! » Sandrine Maleysson

La réponse de la direction Sainte-Marie sur le sujet

« Vu que ce sont des consignes gouvernementales, nous ne pouvons pas nous permettre de nous exprimer sur le sujet »

Une minorité d'importance capitale

Selon les trois syndicalistes, les employés dans la cible des contrôles des vaccins représentent tous les types de profils. « Cela va de l’ASH (agent des services hospitaliers, Ndlr) au médecin en passant par l’aide soignante et l’infirmière, livre Sandrine Maleysson. Tous expriment à divers degrés une certaine défiance pour le vaccin anti-covid. Peu sont totalement contre la vaccination. La plupart demande seulement un peu plus de temps pour réfléchir. »

Sandrine Maleysson rappelle également les enjeux pour toute la population. « Cette minorité que la direction et l’État vont sanctionner en les privant de salaires, de cotisations pour la retraite et le chômage, cette minorité là protège pourtant les patients tous les jours, les soigne, leur donne à manger, les écoute, nettoie leur chambre et leur sauve parfois la vie. Nous avons tous besoin d’eux ! Et bien plus encore aujourd’hui à l’heure où nous subissons une carence du personnel soignant sans précédent ».

La CGT Santé Action Sociale 43 participera à la journée d'action nationale interprofessionnelle prévue le mardi 5 octobre 2021.