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L’église de Monedeyres : la seule où l’on dit amène plutôt qu’Amen

Par nicolas@zoomdici.com ven 27/08/2021 - 07:00 , Mise à jour le 27/08/2021 à 07:00

Elle a la couleur d’une église, elle ressemble à une église, mais...ce n’est pas vraiment une église. En tous cas, aucune messe n’y a été célébrée. Pourquoi ? Car elle n’a jamais été consacrée.

Consacrée ? Selon plusieurs définitions trouvées sur la toile 2.0, « la dédicace est un acte et une cérémonie de consécration d'un édifice religieux ou de son autel servant aux célébrations liturgiques ». Il est ajouté : « Le véritable acte de naissance de ce sanctuaire n’est pas la pose de la première pierre, mais ce rituel de consécration ». Or, si l’église de Monedeyres a sûrement bien célébré le scellement de sa premier pierre en 1887, elle ne sera jamais consacrée par un homme d’Église au cours de son histoire.

Des églises transformées en dance floor

Cette particularité en fait un cas unique en Haute-Loire. C’est vrai qu’à travers l’Hexagone, pléthore d’édifices religieux traversent une tourmente de « désaffection ». Ce terme employé dans ce contexte là signifie qu’un église autrefois affectée au culte perd sa fonction cultuelle. Elle peut alors changer diamétralement de fonction. La chapelle Notre-Dame-de-Charité à Cormelles-le-Royal dans le Calvados (14) s’est transformée...en salle de sports. L’église Saint Nicaise à Rouen (76) est devenue une brasserie. Celle d’Angers (49), carrément une boite de nuit. Ou encore l’ancienne église Saint-Christophe de Meaux (77) muée en cave à vin.

Mais dans ces cas là, des myriades de fidèles avaient déjà bu le Sang du Christ et mangé son Corps avant de siroter dans ce même lieu un chardonnay bien fruité devant un coupelle de chips. Alors que celle de Monedeyres n’a jamais passé ce cap là.

La pose de première pierre date de 1887. Photo par Nicolas Defay

Quand une église devient une mosquée

L'église Saint-Jean-de-la-Rive de Graulhet (81) est devenue une mosquée en 1981. Ce qui est extrêmement rare.
Les musulmans cherchaient un lieu de culte et les catholiques en avaient trop. L'opération s'est ainsi déroulée le plus simplement du monde.

1862, Monedeyres est retiré de Saint-Julien-Chapteuil

À l’époque, il y a plus de 150 ans, Monedeyres ne ressemblaient pas au petit hameau d’aujourd’hui avec sa poignée d’habitants. Jadis, ce sont près de 600 personnes qui sillonnent ses rues et ruelles. Et avant cette date importante de 1862, ils sont encore sous la coupe de la grande cité voisine, Saint-Julien-Chapteuil.

Or, durant l’an 1862, la commune de Queyrières voit le jour et annexe entre autres le village de Monedeyres. En ces âges lointains où la religion catholique est très influente, les paroissiens ont le soucis de se rendre dans l’église de leur propre commune. Mais pour rallier le centre de Queyrières, il n’y a pas de route comme pour aller à Saint-Julien-Chapteuil. Des chemins plus ou moins tracés sont les seules voies possibles pour rejoindre le Seigneur.

Selon la Conférence des Evêques de France, une vingtaine d'église paroissiale sont désacralisées chaque année avant d'être vendues puis reconverties.

« Les habitants pensaient obtenir la création d'une paroisse indépendante de Queyrières »

Las de traverser des murs de neiges à travers champs, les habitants de Monedeyres se prennent alors en main. Ils mettent leurs bourses en commun pour acheter le terrain destiné à sa construction. Pour le bois, les forêts attenantes s’avèrent une source inépuisable. Et pour le reste, des litres d’huile de coudes sont usés pendant presque 30 ans, de 1887 à 1914. Mais une église sans curé, c’est comme un bénitier sans eau bénite. Il leur faut quelqu’un pour annoncer la Sainte Parole.

Les paroissiens choisissent en la personne de Jacques Barriol l’élu qui deviendra leur prêtre. Malgré lui, Jacques Barriol est confié au séminaire. Quatre années plus tard, il tire un trait sur son cursus et quitte ses études de théologie. Au grand dam des habitants de Monedeyres. Car ses quatre ans ne suffisent pas pour investir corps et âme une église au regard de l’Église. « Les habitants pensaient obtenir la création d'une paroisse indépendante de Queyrières, livre Asia Gallien du Diocèse. Ce ne fut jamais le cas »

À la place, le lieu est utilisé comme une salle des fêtes où les gens s’y retrouvent trois fois dans l’année autour d’un repas. Une occasion pour déguster de bons jésus à l’ancienne, suivi peut-être d’une bénédictine à la sauce cardinal et terminer...par un pets-de-Nonne.