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Des travailleurs venus de loin pour installer la fibre en Haute-Loire

Par . . , Mise à jour le 21/08/2021 à 18:50

Le mois d’août est traditionnellement un mois creux pour les ouvriers du bâtiment et des travaux publics, pourtant de nombreux techniciens du téléphone sont au travail sur le bord de nos routes départementales.

A Monistrol d'Allier l’application illiwap envoie début août cette information sur le téléphone de ses abonnés “ les travaux de déploiement de la fibre ont débuté depuis le second semestre 2021 et s’étendront jusqu'à la fin du premier semestre 2022 …
Sur sa page web, le site Auvergne numérique promet que la région sera presque intégralement "fibrée" en 2022.

Nous avons pu constater, de visu, que les travaux ont effectivement déjà commencé et que des travailleurs sont présents même au mois d’Août. Depuis quelques semaines, en effet, des camionnettes non siglées se déploient tout autour du Puy, comme du coté de Chaspuzac, Vergezac, Saint-Privat d’Allier et sur les hauteurs du Puy en direction de Bains. 

Curieusement ce déploiement de la technologie qu'on pensait souterraine s’accompagne en fait d’une surcharge de fils sur les anciens poteaux de téléphone en bois. Nous sommes allés interroger quelques uns des techniciens qui travaillent en plein soleil et mangent sur le pouce, en bord de route pour vérifier si ce sont bien des fibres qui sont ainsi posées en aérien.
Nous avons aussi été surpris par l'amplitude horaire de ces travailleurs du mois d'août très sympathiques et ouverts à la discussion et aussi par leur nationalité.

Des fibres optiques installées sur les anciens poteaux de téléphones

"Le déploiement de ces fibres se fait en souterrain quand c’est possible et qu’il y a des chambres qui le permettent mais pour alimenter les villages, c’est en aérien que se déploient ces fibres” nous confirme l'un d'eux que nous avons croisé alors qu’il terminait son sandwich à l’ombre d'une camionnette.

A côté de lui, trois autres jeunes hommes ont tartiné sommairement une tranche de pain avec de la vache qui rit. Ils sont groupés autour de  la bobine du câble qu'ils sont en train de dérouler entre Vergezac et Le Thiolent.

Il n’y a pas de restaurant dans le village” déplore t’il. “et, oui, on est en train de tirer un câble entre ce village et le prochain, c’est un câble qui contient 48 fibres car il n’y a pas beaucoup de maisons à desservir par là, mais il y a d’autres câbles plus gros. Par contre dans le village, les fibres sont tirées en souterrain parce qu’il y a des fourreaux qui ont été prévus”.

Des câbles peu tendus Photo par TC

Donc, pour résumer” nous confirme le même employé, “les fibres suivent le même parcours que l’adsl, c’est à dire les anciens poteaux électriques et ce sera vraisemblablement pareil au moment du raccordement des logements individuels”.

Une fibre, ce n'est pas aussi facile qu'un câble de téléphone à réparer.

Cela interroge quand même sur la résistance de ces câbles aux intempéries et aux aléas de la vie de ces poteaux en bois. Du côté de Pratclaux, par exemple, le câble téléphonique (qui sert aussi bien au transport de la voix que de l’adsl) a été rompu trois ou quatre fois en 3 ans, en général, accroché par un camion.
Les gens du coin sont débrouillards et n'ont jamais attendu que le service dédié viennent faire la réparation. Ils ont souvent raccordé eux-mêmes le câble en attendant une réparation plus académique qui intervient dans un délai de plusieurs semaines. On perd un peu de la qualité du débit pendant un moment mais au moins on a un téléphone et internet. C’est indispensable dorénavant même en campagne.

Qu'en sera t’il de la fibre aérienne si elle est rompue par un accident ou un aléa climatique?

Une fibre optique ne doit pas être rompue. Si elle l’est, elle doit être raccordée par un procédé spécial qui s’apparente à une sorte de soudure par fusion (l'épissurage par fusion) faite avec un appareil spécifique.

Exemple d'un câblage aérien vers souterrain Photo par TC

Or, il y a dans les câbles que nous avons vu entre Vergezac et Le Thiolent 48 fibres qui, elles-mêmes, sont constitués de 3 ou 4 mini fibres. Un câble rompu imposera de faire 48 soudures avec un raccordement spécial comme ceux que l’on peut voir au long des fils quand il faut raccorder deux bobines.

Raccordement entre deux bobines Photo par TC

D'ailleurs, le technicien qui vient installer la fibre chez vous utilise généralement un câble pré-branché qu'il n'a plus qu'à raccorder au boîtier qui a été installé préalablement.

Qui sont ces travailleurs du mois d'août ?

La quasi totalité des installations ou du déploiement de la fibre sont des sous-traitants des opérateurs. C'était le cas ici ou un des salariés précise qu'il travaille en sous-traitance pour Orange, pour la société Sogetrel. Eux-mêmes sont employés par un sous-traitant de Sogetrel. Difficile de s'en assurer car les véhicules ne sont pas floqués.

Les véhicules des ouvriers ne sont pas identifiés Photo par TC

Nous avons discuté avec plusieurs de ces équipes. Les problèmes se règlent par téléphone sans doute avec un chef d’équipe distant qui s’occupe de plusieurs groupes.

Dans une des équipes que nous avons interrogées, un seul des travailleurs parle le français. Celui-ci nous dit qu’il est au Puy depuis plusieurs semaines avec son équipe. Il a travaillé auparavant dans d'autres régions de France, à Angers, Orléans ou à Blois. Notre surprise est grande quand nous leur posons la question de leur origine. Ils viennent du Brésil. L’un des employés est de Rio de janeiro, l’autre de Saõ-Paulo.

Travailleurs venus du Brésil

Ils se disent tout à fait heureux de leur travail ici et sont fiers d’expliquer leur mission. Ils se montrent aussi curieux de savoir comment est le temps ici, en hiver, car leur mission devrait durer jusqu’en janvier ou peut-être plus encore. Celui qui s'exprime le mieux explique “qu’ils aiment bien notre région, car le paysage y est très beau et surtout il n’y a ici aucun problème d’insécurité . Ils déplorent d’ailleurs de ne pas mieux parler le français mais disent-ils, on a que peu l’occasion d’échanger avec les gens”.

Dans le sud-ouest, en janvier 2021, le journal éponyme révélait que SFR aurait employé des ouvriers brésiliens pour le déploiement de la fibre sur son chantier des Pyrénées Atlantique. Une enquête préliminaire a été ouverte en Pays Basque. La société avait alors indiqué que leurs employés étaient des travailleurs européens venus du Portugal jouant sur l'ambiguïté du fait que les brésiliens parlent portugais. SFR  est dans ce cas, soupçonné de contourner la législation sur les travailleurs détachés européens (Loi de 2017)

Selon France Bleu Bayonne, ces travailleurs vivaient à 6 par chambre et étaient payés 800 euros par mois.

En Haute-Loire, aucun élément ne permet de dire qu’il en de même pour ceux que nous avons rencontrés. Leur employeur disent-ils est une société brésilienne spécialisée dans la pose de fibre : “Fiberbrasil”.

L'autre équipe que nous avons interviewé vient de Paris. "On travaille pour un sous-traitant de Sogetrel qui est le sous-traitant d'Orange en matière d'installation de la fibre" détaille un des protagonistes.

Travaillant à moins de 5 km l’une de l'autre les deux équipes sont équipées du même type de véhicule non floqué et ils ne se connaissent pas.

La fibre avance et des ouvriers s’y consacrent au plus fort de l’été et même tard en soirée.