Je signale une erreur

Précisez éventuellement la nature de l'erreur

Des mots, des maux et une profonde indignation à l'école de Chadrac

Par nicolas@zoomdici.com , Mise à jour le 18/08/2021 à 07:30

Catherine Bernard, institutrice à l'école Henri Gallien de Chadrac, des collègues et des parents d'élèves ont écrit une lettre à plusieurs mains. Un courrier empli de souffrance, de honte et de désespoir devant l'expulsion d'un père de famille kosovar. Burim Gashi a dû quitter la France en laissant derrière lui son épouse et ses quatre enfants.

"Suite à l'expulsion de Burim Gashi le 1er août au Kosovo, sa femme et ses quatre filles se retrouvent dans un désespoir total. Trois enfants sont scolarisés à l'école de Chadrac et la plus grande à Jules Vallès. Nous, collègues et parents d'élèves sommes indignés et révoltés face au désarroi des filles et de leur maman, premières victimes de cette situation. Depuis trois ans qu'elles sont scolarisées à Chadrac, on a tous apprécié leur gentillesse, leurs sourires, leur mérite, leur volonté de réussir à l'école et de s'intégrer". Les mots sont de Catherine Bernard, institutrice à l'école de Chadrac.

"Aussi faibles que sont quelques mots face à la machine de l'Etat et de ses directives, ils peuvent déplacer des montagnes. Pas celles constituées de lois, de services administratifs à n'en plus finir ou de documents illisibles, saturés de contradictions et de paradoxes. Mais celles des émotions, de l'éthique et de l'humanité". Catherine Bernard, ses confères et consœurs et les parents des camarades de Donika, Anxhela, Elona et Soela partagent ensemble cette poignée de lettre où chaque caractère apparait plus lourd que le Monde :

"Lettre de leurs enseignants (es) à Donika, Anxhela, Elona et Soela.

Un matin comme les autres, un article dans le journal relatait l’expulsion d’un père de famille de migrants illégaux. Mais ce matin-là, derrière l’encre des mots il y avait des visages. Les vôtres.

Ces dernières années, nous avons appris ensemble car la maîtresse, le maître ne sont rien sans l’élève. Petites filles discrètes, si sages, si appliquées. On nous parle de mérite, on distribue même des palmes. Mais le mérite n’est pas pour nous, il vous appartient.

Vous n’avez jamais connu le pays de vos parents. Toute votre vie, vous l’avez faite ici. Vos parents ont fui un milieu hostile pour vous permettre un avenir. Avec pour toute richesse la solidarité de quelques-uns. Votre papa voulait travailler mais, sans papiers, pas de travail et sans travail, pas de papiers…

Durant toutes ces années, vous avez travaillé avec acharnement. Vous vouliez réussir, montrer que vous alliez tout faire pour être comme les autres. Vous intégrer ! En bonnes élèves, en bonnes camarades.

Pourtant, parfois face aux petits échecs, aux petites erreurs, vous pleuriez. On comprend aujourd’hui que vous viviez dans la peur, la peur que vos faux-pas ne compromettent les chances de toute votre famille de rester parmi nous. Croyez-nous ; la faute, ce n’est pas vous !

Quoi qu’il arrive, vous avez la vie en vous. Il faut que vous résistiez, que vous ne cédiez pas à la haine et au désespoir. Il faut que vous existiez.

Mais nous nous sentons si petits, si impuissants à vous donner espoir. Si honteux…

Saurez-vous trouver l’humanité que nous avons perdue ?

Donika, Anxhela, Elona, Soela, nous sommes là pour vous".