Je signale une erreur

Précisez éventuellement la nature de l'erreur

Pour que le lait de montagne et ses producteurs ne disparaissent pas

Par nicolas@zoomdici.com , Mise à jour le 24/07/2021 à 06:30

Le député de Haute-Loire, Jean-Pierre Vigier, a dévoilé 13 propositions pour que le lait élaboré dans les montagnes de France et ses acteurs soient reconnus à leurs justes valeurs. Structurées autour de trois axes forts, les 13 chapitres seront ensuite présentés au Ministre de l’agriculture en octobre 2021.

« Là, c’est la vie sociale, la vie patrimoine et même environnementale qui se joue. C’est l’âme de nos montagnes que l’on pourrait perdre prochainement si nous n’agissons pas très vite ». Tels sont les mots de Jean-Pierre Vigier, député de la Haute-Loire, lors d’une conférence de presse vendredi 23 juillet au Puy-en-Velay.

« Que les éleveurs en question soient davantage rémunérés »

Avec Pascale Boyer, Secrétaire générale de l’Association Nationale des Élus de la Montagne (Anem), ils ont constitué un rapport sur la situation du lait élaboré dans les zones de montagne en France et celle de leurs producteurs. « Le lait de montagne est confronté aux mêmes difficultés que le lait issu des zones de plaine concernant les prix de vente, explique le député et Vice-président de l’Anem. Pourtant, il est de meilleur qualité (Un fait reconnu par l’Institut National de la Recherche Agronomique, Ndlr) et ses coûts de production sont bien plus importants ».

Il ajoute : « Il est donc nécessaire pour toute cette filière, que ce soit en Haute-Loire et dans tous les massifs du pays, que ce lait soit mis en avant et que les éleveurs en question soient davantage rémunérés ».

Jean-Pierre Vigier, député et Vice-président de l'Anem. Photo par Nicolas Defay
  • 65 000 emplois directs et indirects
  • 20 % de la collecte de lait sur le territoire national
  • 5 milliards de litres de lait toutes filières confondues

La filière lait de vache reste prédominante

  • 4,66 milliards de litre de lait de vache (19,5 % de la collecte nationale)
  • 257 millions de litres de lait de brebis (87 % de la collecte nationale)
  • 70 millions de litres de lait de chèvre (10,5 % du total)

Une déprise engagée

  • À la sortie des quotas laitiers (entre 2014 et 2020) : - 5 % en lait de vache, +16 % en lait de brebis et + 19 % en lait de chèvre
  • 14 000 exploitations de lait de vache, 28 % des exploitations au niveau national (- 21 % depuis 2014)
  • 18 % de la surface agricole utilisée (SAU) des exploitations laitières et 4 % de la SAU nationale par les exploitations produisant du lait de vache en zone de montagne en 2014

Une marque de reconnaissance à l’échelle du pays

Pour cela, il propose 13 propositions empilées sur trois grands axes. L’idée finale serait d’établir une STP, autrement dit une Spécialité Traditionnelle Garantie, destinée à valoriser les produits laitiers issus des zones de montagne. Cette STP s’apparenterait à une sorte d’AOP (Appellation d’Origine Contrôlée) mais non restreint à un produit ou un lieu précis à l’instar de la lentille verte du Puy ou le fromage de Savoie le Beaufort. La STP engloberait alors l’ensemble des producteurs de lait de montagne quelque soit son lieu d’élevage en France.

« Sociétalement parlant, les gens ont de plus en plus envie de produits de qualité. Et je pense sincèrement qu’ils mettront le prix pour bénéficier de ce lait de montagne ». Jean-Pierre Vigier

5,9 % de lait bio en Haute-Loire

La filière lait de montagne a connu, en 2016, une vague sans précédent de conversions à la production biologique.
Dans le Massif central, la part de lait bio dépassait en 2018 les 5 % dans tous les départements : 7,6 % dans la Loire ; 5,9 % dans la Haute-Loire ; 5,3 % dans le Cantal ; 5,4 % dans le Puy-de-Dôme ; 5,8 % dans le Rhône et 17,5 % en Ardèche.

« Si l’Europe adhère à l’idée, c’est gagné »

« Pour moi, le plus important d’entre les trois axes est la structuration de la filière et la valorisation des produits, insiste Jean-Pierre Vigier. C’est partant de là que serait créée cette STP du lait de montagne. Mais pour cela, il faut au préalable constituer un collectif d’agriculteurs afin d’établir un cahier des charges qui définirait le protocole à suivre. Ce dossier serait ensuite envoyé à l’INAO (Institut National de l'Origine et de la Qualité, Ndlr). Une fois validé, le rapport monterait aux instances européennes ».

Il souligne alors : « Si l’Europe adhère à l’idée, c’est gagné. Et les zones de montagne auront ainsi cette reconnaissance qu’elles auraient dû avoir il y a bien longtemps ». D’après lui, il faudra environ 2 ans avant que le dossier ne fasse le tour des administrations et connaisse son aboutissement.

1. Structurer la filière et valoriser les produits laitiers de montagne

Proposition n° 1 : Accélérer et amplifier la démarche initiée en Auvergne-Rhône-Alpes pour la mise en place d’une marque ombrelle destinée à valoriser les produits laitiers issus des zones de montagne. Le cahier des charges devra garantir aux consommateurs une qualité spécifique du produit, un haut degré de respect de l’environnement et du bien-être animal. L’expérience de la marque « Mont Lait » pourrait également être invoquée afin de garantir la juste rémunération des producteurs et le maintien en montagne des entreprises de collecte, via une répartition adaptée de la valeur ajoutée.

Proposition n° 2 : Inclure les produits bénéficiant de la mention valorisante « produits de montagne » dans la liste des 50 % de produits durables et de qualité devant être servis dans la restauration collective à compter du 1er janvier 2022 aux termes de l’article L. 230-5-1 du code rural et de la pêche maritime issu de l’article 24 de la loi dite « EGALIM » ou favoriser la création d’une spécialité traditionnelle garantie (STG) « lait de montagne », cette dernière catégorie figurant déjà au sein de la liste des produits durables et de qualité.

2. Adopter un cadre réglementaire et fiscal adapté et renforcer les aides publiques à l’investissement agricole et industriel dans la filière laitière en zone de montagne

Proposition n° 3 : Maintenir, voire élever le montant de l’ICHN, qui doit demeurer centrée sur l’élevage.

Proposition n° 4 : Plaider, dans le cadre des négociations sur la politique agricole commune (PAC) 2023-2027 pour une rémunération des services écosystémiques rendus par l’élevage de montagne.

Proposition n° 5 : Publier rapidement le décret permettant la mise en œuvre de l’article 61 de la loi dite « Montagne II » relatif à l’exonération de TICPE pour les véhicules utilisés pour la collecte de lait en montagne ou, à défaut, mettre en œuvre un dispositif équivalent d’aide à la collecte, éventuellement inspiré de celui existant dans le Sud-Tyrol.

Proposition n° 6 : Mettre en œuvre, sur le modèle des dispositions d’exonérations fiscales et sociales existant dans les zones de revitalisation rurale (ZRR), un cadre fiscal et règlementaire spécifique à la filière laitière en zone de montagne. Compléter ce dispositif par des aides publiques à l’investissement agricole et industriel dans la filière laitière en zone de montagne.

Proposition n° 7 : Envisager, dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne, une évolution des règles relatives aux aides dites « de minimis » afin de permettre la territorialisation de celles-ci et d’exclure de ce régime les aides destinées au soutien de la filière laitière en zone de montagne.

3. Renforcer l’attractivité des métiers de la filière laitière de montagne

Proposition n° 8 : Accélérer le déploiement de la couverture numérique des territoires de montagne, en accroissant les moyens octroyés dans le cadre du Plan France Très Haut Débit afin de garantir la couverture intégrale en fibre optique d’ici 2025 et en renforçant la pression exercée sur les opérateurs pour respecter les engagements relatifs à la résorption des zones blanches dans le cadre du New Deal.

Proposition n° 9 : Favoriser l’installation et la transmission par le rétablissement d’un observatoire national de l’installation et de la transmission (ONIT) et la création d’un guichet unique, le « point accueil formation installation transmission » (PAFIT) qui permettrait une meilleure coordination des porteurs de projets en réunissant les parties prenantes à l’installation et à la transmission.

Proposition n° 10 : Déployer une campagne nationale de communication sur les métiers de la filière laitière, de l’amont à l’aval, et les formations qui y conduisent, en valorisant notamment les formations dispensées dans le cadre des écoles nationales d’industries laitières (ENIL).

Proposition n° 11 : Accroître le nombre de places disponibles au sein des formations proposées dans les ENIL, pour répondre à la demande croissante des entreprises et à l’afflux de candidatures.

Proposition n° 12 : Mobiliser tous les leviers à la disposition des pouvoirs publics pour garantir la préservation du foncier agricole et exclure les agriculteurs pouvant prétendre à une retraite à taux plein du dispositif de l’ICHN, afin de mettre fin à un phénomène de rétention du foncier.

Proposition n° 13 : Renforcer les moyens de la recherche scientifique en matière agricole, notamment ceux relatifs à l’élevage pastoral, aux services agro-environnementaux qui y sont afférant et aux propriétés spécifiques des produits issus de ce type d’élevage.

« Il est (...) vital même de compenser les surcoûts liés aux handicaps naturels »

La deuxième voie d’escalade que Jean-Pierre Vigier a présenté porte sur le cadre fiscal du projet. « Il est bien entendu indispensable, vital même, de compenser les surcoûts liés aux handicaps naturels d’une production en secteur montagneux, ceci sur le même modèle des dispositions d’exonérations fiscales et sociales dans les Zones de Revitalisation Rurale (ZRR). » À noter que 80% des exploitations agricoles en Haute-Loire sont implantées dans des ZRR

Il continue en ce sens : « Il faut des aides à l’investissement, à l’installation, élever le montant de l’ICHN (Indemnité Compensatoire de Handicaps Naturels, Ndlr) ou encore l’exonération de la TICPE (Taxe Intérieure de Consommation sur les Produits Énergétiques, Ndlr) pour les transports de laits dans les montagnes ».

Délimitation des zones soumises à des contraintes naturelles (2019). Photo par DR

La nécessité d’une grand campagne de communication à destination des consommateurs

Le troisième axe tend à booster l’attractivité des métiers du secteurs. « Il ne faut plus que les jeunes agriculteurs se sentent seuls pendant leur installation, martèle Jean-Pierre Vigier. Nous devons rétablir l’Observatoire National de l’Installation et de la Transmission (ONIT) comme le souhaiteraient les JA (Jeunes Agriculteurs, Ndlr). L’augmentation du nombre de places dans les établissements de formation est également primordiale ».

Le dernier point soulevé est celui de la communication. « Si une idée, aussi efficace et merveilleuse soit-elle, n’est pas mise à la lumière, alors elle restera dans l’ombre. Donc, déployer une campagne nationale de communication sur les métiers de la filière laitière est nécessaire. Ceci, non seulement pour montrer au public le travail de ces agriculteurs en question mais aussi pour justifier le prix du lait de montagne qui serait valorisé par la Spécialité Traditionnelle Garantie alors créée ».