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Recticel : « La chute de Copirel a eu l’effet inverse pour l’entreprise »

Par nicolas@zoomdici.com lun 07/06/2021 - 18:25 , Mise à jour le 07/06/2021 à 18:25

Olivier Laurent, directeur de Recticel à Langeac, révèle la nouvelle stratégie industrielle de l'usine langeadoise. Outre la fabrication de tapis de judo et de terrains de foot synthétiques, elle rebondit sur de nouveaux matelas pour sortir de la récente crise sociale de son ancien partenaire Copirel.

À la vie à la mort, Copirel et Recticel... Les deux entités semblaient liées ainsi, naviguant sur des flots économiques prospères durant de longues années. Pour rappel, Copirel a fabriqué des matelas de la marque Bultex pendant près d’un demi-siècle. Les salariés et les unités de production étaient alors implantés sur le site de Recticel à Langeac, spécialiste quant à lui de la production de mousse polyuréthane.

Mais le 28 février 2019, coup de massue. Après des mois de lutte sociale suite à l’annonce de la fermeture de l’usine en novembre 2018, la décision du groupe (Cofel) est sans équivoque : Copirel à Langeac est littéralement rayée de la carte et ses 82 salariés privés d'emploi. 

« Avec Copirel, nous partagions 600 000 euros de frais »

À la vie à la mort. « Comme tout le monde, nous avons été sidérés par ce drame social, confie Olivier Laurent, directeur de Recticel. D’autant plus que cela aurait pu aussi nous entraîner par le fond. Avec Copirel, nous partagions 600 000 euros de frais liés par exemple au gardiennage, aux espaces verts, à la voirie, au goudron. Sans parler de la location de notre site. »

Il soulève alors : « Tout ça, du jour au lendemain, nous l’avons perdu. Au total, ce sont une centaine d’emplois détruits sur le bassin générant une crainte générale évidente. » Au mois de juin 2019, là où quelques mois auparavant trônaient encore les machines de Copirel, l’espace est vide de tout, de travail et surtout de vie.

Photo par DR (Photo d'illustration archives)

« Il y a un avant et un après sur la façon dont on consomme du matelas depuis la mise en place des confinements successifs ». Olivier Laurent

Les trois piliers

À la vie, à la mort ? Juste à la vie. Car, si les effectifs n’ont eu de cesse de diminuer au cours des années (près de 250 CDI en janvier 2012, 167 en 2021) et si la fin de Copirel aurait pu mettre un terme final à l’activité de Recticel, cette dernière a choisi de se relever. Blessée, certes, mais plus tenace que jamais. « Deux options se présentaient devant nous, explique Olivier Laurent. Soit on refait tous nos CV et on cherche du travail en attendant que le sort décide de nous, soit on se remobilise et on avance. Il fallait qu’on se pose les bonnes questions. Il fallait que nous détaillions nos forces et nos faiblesses afin de renforcer les premières et de contourner les secondes ». Et pour grimper à nouveau la montagne de l’emploi et de la compétitivité, l’équipe dirigeante trouve alors trois solides piliers. Tediber, le foot et le judo.

La vente de matelas en plein rebond

Tediber. C’est la marque d’un matelas conçu par une jeune start-up française. « C’est ce qu’on appelle un matelas comprimé roulé dont les délais de fabrication et d’envois sont très rapides », partage Olivier Laurent. D’après le directeur de Recticel, la vente de matelas a été boostée par le confinement.

D’autre part, plus de gens commandent désormais ce genre de produits par internet, un choix de consommation provoqué notamment par le contexte sanitaire ambiant. « Maintenant, il y a de moins en moins de monde qui passe leur après-midi à But ou à Conforama à essayer des matelas en s’asseyant dessus, assure-t-il. Je ne vois plus trop l’intérêt de procéder comme ça de nos jours ».

« Notre secrétaire générale souhaite atteindre l’objectif ultime de 200 000 matelas par an sur le site de Langeac. J’ai six personnes pour produire un seul matelas Tediber. Si j’en produis le double, il me faudra alors doubler les équipes ». Oliver Laurent

Recticel a développé les trois couches qui composent le matelas de la start-up. « On a des carnets de commandes qui frémissent toujours plus, livre Olivier Laurent. Notre unité de production est optimale avec la confection de 80 000 matelas par an. Cette année, pour produire ce nombre, il me faut environ 190 personnes constituées de 167 CDI et une grosse vingtaine d’intérimaires. Dès les premiers mois 2022, nous voulons fabriquer 100 000 matelas, soit 8 000 matelas par mois ».

Photo par DR

« Les tapis qui ont servi aux JO de Londres ont été fabriqués à Langeac »

Si la restructuration du site de production se veut être la plus compacte possible afin de fabriquer la mousse polyuréthane et sa transformation pour les matelas, rien n’est gaspillé selon Olivier Laurent. Et les chutes de mousse servent ainsi à bâtir le deuxième pilier. Les tapis de judo. « Nous utilisons toutes les surproductions de mousse pour en faire de l’agglomérée de mousse, souligne le directeur de Recticel. Avec ces blocs, nous confectionnons des tapis pour les judokas. Les tapis qui ont servi aux JO (Jeux Olympiques, Ndlr) de Londres ont été fabriqués à Langeac par exemple. »

En parallèle, l’entreprise a approfondi le procédé du non gaspillage. « Notre nouvelle façon de faire est à présent de vendre notre tapis de judo en récupérant l’ancien, précise le dirigeant. C’est de l’économie circulaire dans sa quintessence. »

Les terrains de foot synthétiques : terrain de jeu industriel pour Recticel

Concernant le troisième pilier et production phare de l’entreprise langeadoise, les salariés élaborent des blocs cylindriques de mousse polyuréthane pour équiper les terrains de football synthétiques. « Celui du stade Massot du Puy provient de notre usine, explique Olivier Laurent. Nous vendons actuellement un terrain par semaine, exporté pour la plupart du temps dans des pays du nord et ceux du sud comme Israël, le Magreb, ou encore les Émirats Arabes Unis, des pays où il y a peu d’eau pour arroser les pelouses. » Et à l’instar des tapis de judo obsolètes, Recticel récupère les sous-couches des terrains pour leur offrir des vies supplémentaires.

Photo par DR

« Les murs de Recticel appartiennent aux salariés. Ce sont eux qui font l’histoire de l’entreprise »

« Quand on regarde une photo satellite de nuit de notre pays, on peut voir qu’il n’y a presque aucune lumière d’allumée autour de Langeac, de la Haute-Loire et bien plus loin, indique Olivier Laurent. On est vraiment loin des principaux centres. Aussi, il faut faire preuve de beaucoup d’idées et d’imagination, de créativité et de solidarité pour que la lumière se pose sur nous ».

Il termine en ce sens : « Les murs de Recticel appartiennent aux salariés. Ce sont eux qui font l’histoire de l’entreprise. Et quand j’embauche quelqu’un, c’est pour aller jusqu’à la retraite. En fait, Recticel n’est pas l’établissement. Recticel, ce sont toutes ces forces vives qui l’ont faite prospérer et qu’elles espèrent bien transmettre à leurs enfants et petits enfants ».