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Une chaussure gauche pour Jean Castex, la droite pour Bruno Le Maire

Par nicolas@zoomdici.com , Mise à jour le 24/04/2021 à 16:00

« On marche sur la tête ». C’est le nom de l’action qu’ont préparé les commerçants de chaussures à travers la France. Sophie Broc, patronne de la boutique Darnet Chausseur au Puy-en-Velay, participe au mouvement qui consiste à envoyer une chaussure aux deux ministres. Explication.

Après qu’Emmanuel Macron, président de la République française, ait annoncé jeudi 22 avril que certains magasins resteraient fermés jusqu’à la mi-mai minimum, les crispations ne se sont pas faites attendre. Dans son allocution, ils exigent que les boutiques « non essentielles », selon propres ses mots, n’ouvrent pas afin de combattre la contagion de la pandémie. Parmi elles, les commerces de chaussures. « Mais pourquoi !, s’indigne Sophie Broc, patronne du magasin Darnet Chausseur, boulevard Saint-Louis. Pourquoi ! Nous ne comprenons pas les décisions prises par le gouvernement sur le sujet. Tous les commerçants dit « non essentiels » ressentent une injustice totale ».

« Nous sommes non seulement en colère mais également très inquiets. On ne pourra pas tenir comme ça très longtemps ». Sophie Broc

Plus de 210 chaussures envoyées au chef du gouvernement

Alors que la date du 3 mai avait été partagée par les dirigeants politiques pour l’ouverture quasi générale des commerces divers et variés en France, le report au 15 mai et sous certaines conditions sanitaires par département a poussé les vendeurs de chaussures à s’inspirer de l’opération « culottée » des lingeries (Des boutiques de lingerie ont envoyé mardi 20 avril des sous-vêtements au premier ministre pour alerter sur leur cas, Ndlr).

« Nous sommes 1 900 inscrits sur groupe Facebook des Détaillants de chaussures en France, livre Sophie Broc. Pour l'instant, plus de 210 patrons et patronnes ont préparé des cartons avec une chaussure à l’intérieur à destination de Jean Castex et de Bruno Le Maire. La gauche pour le premier ministre, la droite pour le ministre de l’économie. »

La droite pour Bruno Le Maire, la gauche pour Jean Castex. Photo par Nicolas Defay

« En quoi nos boutiques seraient plus dangereuses que l’intérieur d’une grande surface ? »

Sophie Broc, fille de commerçant de chaussures depuis quatre générations, partage des sentiments saturés d’amertume. « L’opération intitulée On marche sur la tête porte bien son nom. Pourquoi nos commerces sont qualifiés de non essentiels alors que tout le monde porte des chaussures ? Jean Castex et Bruno Le Maire n’en portent-ils pas ? Et en quoi nos boutiques seraient plus dangereuses que l’intérieur d’une grande surface ? »

À travers des tremblements de voix, elle exprime un profond désarroi. « Nous sommes non seulement en colère mais également très inquiets. On ne pourra pas tenir comme ça très longtemps ».

« Si nous ouvrons à la mi-mai comme le souhaite le gouvernement, c’est à dire au plus tôt 45 jours avant le début des soldes d’été (prévus le 24 juin, Ndlr), on peut dire que notre saison sera fichue » Sophie Broc

« Même pendant les deux grandes guerres, mes aïeuls n’ont jamais fermé ainsi »

Depuis 1885, sa famille reprend le flambeau génération après génération. Sophie Broc confie que c’est la première fois depuis plus de 135 ans que la situation est aussi inédite qu’alarmante. « Même pendant les deux grandes guerres, mes aïeuls n’ont jamais fermé ainsi, assure-t-elle. Nous, depuis le début de la crise sanitaire, nous comptons quatre mois de fermeture totale. Nos stocks faits des mois à l’avance attendent sans qu’ils puissent s’écouler. Pour avoir du stock, il a fallu investir des milliers d’euros ».

Elle souligne un fait d’importance : « Si nous ouvrons à la mi-mai comme le souhaite le gouvernement, voir début juin d’après certaines informations, c’est à dire au plus tôt 45 jours avant le début des soldes d’été (prévus le 24 juin, Ndlr), on peut dire que notre saison sera fichue ».

Chaque chaussure sera accompagnée de ce petit mot explicatif. Photo par Nicolas Defay

« Cette injustice et ce terme discriminatoire de « non essentiel » nous touchent profondément »

Quant aux aides délivrées par l’État, elles seraient loin de combler le manque à gagner. « Ils nous ont promis une aide sur les stocks mais on l’attend toujours, se désole Sophie Broc. D’autre part, les subventions arrivent très tardivement après que l’on en ait fait la demande. Et elles ne couvrent pas ce que nous sommes en train de perdre durant notre inactivité ».

Membre de l’Office du commerce du Puy-en-Velay, elle décrit le moral de ses consœurs et confrères ponots. « Nous sommes abasourdis. Cette injustice et ce terme discriminatoire de « non essentiel » nous touchent profondément. Des dépôts de bilan se feront probablement en France dans les mois à venir car tout le monde n’a pas la trésorerie adéquate. » Les larmes aux yeux, elle répète encore une dernière fois : « On ne pourra pas tenir comme ça longtemps, c’est certain ».