Je signale une erreur

Précisez éventuellement la nature de l'erreur

Seuls 3% des rues ou lieux publics du Puy portent le nom d'une femme

Par nicolas@zoomdici.com , Mise à jour le 08/03/2021 à 16:00

« La journée internationale des droits des femmes ne devrait plus exister. Malheureusement, elle démontre bien ce fossé qui persiste toujours dans un monde machiste ». Cette citation livrée par une participante à la mobilisation du 6 mars au Puy dépeint une réalité que la gente féminine subit encore et sur maints sujets.

« Le féminisme sera dépassé quand le machisme aura trépassé ». « Bien trop de femmes dans trop de pays parlent la même langue, le silence ». « Protégez vos filles. Éduquez vos garçons ». Tels sont quelques-uns des slogans partagés par le CIDFF (Centre d'Information sur le Droit des Femmes et des Familles) sur les réseaux sociaux et durant la manifestation qui s’est déroulée samedi 6 mars dans le centre-ville ponot. Cette dernière a regroupé une centaine de personnes, hommes et femmes, toutes drapées d’un foulard violet, couleur du ralliement.

À noter que la journée internationale des droits des femmes est célébrée officiellement le 8 mars dans de nombreux pays à travers le Monde.

« C’est un fléau où le seul vaccin est l’éducation »

« Le salaire est de 25 % en moins pour une femme comparé à celui d’un homme, pour un emploi et un horaire équivalent, partage Nathalie, cadre dans l’alimentaire. Nous effectuons la même production de travail et nous avons pourtant 1/4 de reconnaissance salariale en moins ! Pourquoi ? Quelles en sont les raisons ? »

Elle ajoute : « À ce moment-là, arrêtons de travailler à 15h30 tous les jours ! Car à partir de cette limite et en tenant de compte de cette inégalité, nous travaillons gratuitement ! » Outre cette défaillance du système qui traverse les générations sans vraiment fléchir, les participants rappellent également les violences faites aux femmes en France et ailleurs. « C’est un fléau où le seul vaccin est l’éducation, continue Nathalie. Il faut que les parents inculquent l’égalité entre les femmes et les hommes et que l’Éducation nationale intensifie la sensibilisation sur le sujet ».

Photo par Robert Lalisse.

Une femme tuée tous les deux jours et demi en France

En 2019, 173 personnes ont été tuées par leur partenaire ou leur ex-partenaire. 146 sont des femmes et 27 des hommes. Les auteurs des violences sont à 88 % des hommes. En France en 2019, une femme est morte sous les coups de son partenaire tous les deux jours et demi.

Sur ce constat désolant s’y ajoutent 25 enfants victimes en 2019 contre 21 en 2018.

« Nous avons demandé à la mairie du Puy-en-Velay de baptiser une rue d'après Gisèle Halimi »

La mobilisation du 6 mars a commencé aux alentours de 10 heures devant le Théâtre et a pris place au centre de la place du Plot une demi-heure après.

Sur les lieux, un hommage à une figure du féminisme est partagée devant la foule. « Nous voulons rendre hommage à Gisèle Halimi, avocate, écrivaine, militante féministe décédée au mois de Juillet dernier, lance Martine Pierron du Planning familial. Née en Tunisie, rebelle dès son enfance, elle s’est toujours battue pour sa liberté, celle de toutes les femmes, et pour l’égalité entre les femmes et les hommes. Une femme insoumise et courageuse ».

Autour d’elle, des personnes tiennent des plaques où le nom de Gisèle Halimi est affiché. « Nous avons demandé à la mairie du Puy-en-Velay de baptiser une rue en son nom », confie-Martine Pierron.

« Sur 450 rues, lieux ou espaces publics, seulement 14 portent le nom d’une femme, dont 10 saintes ou religieuses et seulement 4 femmes laïques ! » Martine Pierron

« Nous voulons à l’occasion du 8 mars rendre hommage à Gisèle Halimi, avocate, écrivaine, militante féministe décédée au mois de Juillet dernier. Née en Tunisie, rebelle dès son enfance, elle s’est toujours battue pour sa liberté, celle de toutes les femmes, et pour l’égalité entre les femmes et les hommes. Une femme insoumise et courageuse.

Lors de 2 procès historiques elle a contribué à faire évoluer l’opinion publique et à changer les lois. En 1972, à Bobigny, elle obtient la relaxe d’une jeune fille de 16 ans poursuivie pour avoir avorté après un viol. Au cours de sa plaidoirie, Gisèle Halimi fait éclater le scandale de l’avortement clandestin en France, encourageant d’importantes mobilisations de femmes et d’hommes, qui vont conduire le parlement à voter la loi Veil légalisant enfin l’ivg.

Un autre procès connait un retentissement considérable bien au-delà de nos frontières. Devant le tribunal d’Aix en Provence en 1978, G Halimi défend 2 jeunes filles Belges victimes de viol. Et malgré une opinion hostile et l’opposition d’hommes de pouvoir, pour la première fois les violeurs sont condamnés ….. 2 ans plus tard, le viol est reconnu comme un crime. « On a permis, dira-t-elle, de rompre le tabou et d’en finir avec le pacte du silence. »

A 93 ans, Gisèle Halimi s’insurgeait encore « oui, déplorait elle, au XXIe siècle naitre fille est encore une malédiction dans la plupart des pays du monde. Et C’est insupportable » Dans une dernière interview elle s’adressait aux femmes de la génération actuelle : « Le combat est une dynamique. Si on arrête on dégringole, si on arrête on est foutues. Car les droits des femmes sont toujours en danger. Organisez vous, mobilisez vous, soyez solidaires. Soyez dans la conquête. Gagnez de nouveaux droits sans attendre qu’on vous les concède Désunies les femmes sont vulnérables. Ensemble elles possèdent une force à soulever des montagnes et à convertir les hommes à ce mouvement profond. Le plus fascinant de toute l’humanité. »

Paraphrasant Simone de Beauvoir, elle affirmait « On ne nait pas féministe, on le devient. »

Pour une rue Gisèle Halimi ?

Pour saluer son engagement de toute une vie pour les droits des femmes, le Planning Familial a fait une démarche officielle, il y a 3 semaines, auprès de Monsieur le Maire et du conseil municipal, pour demander à l’occasion de ce 8 mars, qu’une rue ou un espace public porte le nom de Gisèle Halimi. En effet, sur 450 rues, lieux ou espaces publics, seulement 14 portent le nom d’une femme, dont 10 saintes ou religieuses et seulement 4 femmes laïques ! C’est bien peu pour représenter la moitié de l’humanité … »

Photo par Robert Lalisse.

Des milliers de féminicides

Une résistante donne son nom à une esplanade

Ce lundi 8 mars, l’esplanade du Musée Crozatier a été baptisée en l’honneur de Rose Valland, une résistante qui a notamment permis de récupérer 60 000 œuvres d’art volées par les nazis pendant la seconde Guerre mondiale. Une idée proposée par Huguette Portal, ancienne adjointe au maire chargée de la culture. (En savoir +)

Arrivée d’Argentine, Eugénia D’Angelo est la directrice de l’organisation MundoSur. Cette entité travaille sur la promotion des droits humains en Amérique latine et dans les Caraïbes. Aux côtés du CIDFF, du Planning familiale, des syndicats CGT 43, la FSU, Solidaires, du Réseau Lycéen 43 et du collectif Attac, elle décrit les avancées et les écueils encore présents dans son pays. « Je viens de l’Argentine, un pays pionnier en Amérique latine dans la revendication de droits, par exemple dans le cas de l’approbation de la loi qui autorise le mariage entre personnes du même sexe, précise Eugénia D’Angelo. Mon pays et ses luttes sont regardés par d’autres pays de la région ».

Mais elle mentionne aussi : « L’an dernier en Argentine, 329 femmes ont été tuées pour le simple fait de sa condition de genre, pour être une femme, et au Venezuela 258. En Colombie, ce sont 630 femmes victimes de féminicide. En 2020, selon une étude réalisé par MundoSur sur 10 pays de la région, au moins 400 femmes ont été victimes de féminicide pendant le confinement social en Amérique latine ».

« Aujourd’hui, comme vous le savez, c’est la journée internationale des droits des femmes et c’est précisément parce que c’est une journée internationale que je suis ici, en tant que directrice de l’organisation MundoSur qui travaille pour la promotion des droits humains en Amérique latine et dans les Caraïbes avec une perspective de genre pour parler des progrès et des défis dans notre région. Je vous parlerai des droits sexuels, de la présence des femmes en la politique et du droit à la vie.

Je viens de l’Argentine, un pays pionnier en Amérique latine dans la revendication de droits, par exemple dans le cas de l’approbation de la loi qui autorise le mariage entre personnes du même sexe. Mon pays et ses luttes sont regardés par d’autres pays de la région: c’est le cas du Chili, qui discute actuellement d’une constitution paritaire, pour la première fois de son histoire, ou de l’État de Quintana Roo au Mexique, qui se bat pour l’approbation de la loi de l’IVG, récemment approuvée en Argentine. Nos luttes ont un impact au-delà des frontières régionales: elles atteignent même la Pologne, où récemment le Tribunal Constitutionnel a invalidé un article de la loi, qu’autorisait l’interruption volontaire de grossesse (IVG) en cas de malformation grave du fœtus (c’est-à-dire, le 96% des cas).

Malgré cela, dans mon pays, l’an dernier, 329 femmes ont été tuées pour le simple fait de sa condition de genre, pour être une femme, au Venezuela 258, en Colombie 630 femmes ont été victimes de féminicide. En Amérique latine, en 2020, selon une étude réalisé par MundoSur sur 10 pays de la région, au moins 400 femmes ont été victimes de feminicide pendant le confinement social. Les chiffres sont alarmants, pendant le confinement au moins 51 456 cas de violence sexuelle et sexiste se sont produits en Amérique latine.

Avec MundoSur, nous avons enregistré 373 féminicides en Argentine, en Bolivie, au Chili, en Colombie, en Équateur, au Mexique, au Paraguay, au Pérou, à Porto Rico et au Venezuela pendant les périodes de confinement.

D’un autre côté, bien que les femmes représentent plus de la moitié de la population mondiale, nos niveaux de représentation et de participation politique restent faibles. Les femmes participent moins au pouvoir politique que les hommes. Nous sommes à peine 22% des parlements du monde, 0,5% des chefs de gouvernement et 20% des ministres.

Nous avons encore un long chemin à parcourir. Pour avancer il faut impérativement la promotion de l’éducation non sexiste de nos enfants, le développement de politiques publiques axées sur les droits humains avec une perspective de genre, et le travail en réseau des différents acteurs de la société civile.

N’oublions pas: les droits des femmes sont aussi des droits humains ».

Photo par Chloé Alibert

« Je m’adresse aussi à tous ces salauds qui frappent leurs femmes et leurs enfants »

L’attroupement au foulard violet s’est ensuite déplacé sur la place du Clauzel. C’est ici et pour cette journée en l’honneur des combats que mènent tous les jours les femmes que devait se produire la danseuse et chorégraphe Alexandra Richard. L’étoile du monde du spectacle altiligérien avait prévu de danser sur une chanson de Jeanne Chertal intitulée « Quand c’est non, c’est non ». À la plus grande tristesse de toute la profession, elle est décédée subitement à l’âge de 46 ans une semaine avant. Marie Aubert, comédienne et amie d’Alexandra Richard, a lu à la place un texte de Barbara, l’émouvante et dérangeante chanson « L’aigle noir ».

« Je m’adresse à tous les hommes qui ne comprendraient pas notre cri, témoigne Laura D’Entremont, une manifestante clermontoise. Je m’adresse aussi à tous ces salauds qui frappent leurs femmes et leurs enfants jusqu’à les traumatiser, jusqu’à les faire mourir. Imaginez l’inversion de l’ordre des choses avec une journée internationale pour les droits des hommes. Trouveriez-vous ça normal ? Non ! Nous sommes égaux en tout, avec les mêmes droits, les mêmes devoirs, les mêmes respects. Et la même considération ».