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Un partenariat unique entre La Chartreuse et la prison du Puy

Par nicolas@zoomdici.com , Mise à jour le 06/02/2021 à 15:00

C’est une première. Mercredi 3 février, l’établissement scolaire privé et la Maison d’arrêt ponote ont signé une convention inédite. Elle permettra aux élèves en CAP agent de sécurité de s’immerger un temps entre les murs de l’administration pénitentiaire.

Cette année, ils sont dix. Neuf garçons et une fille. Tous sont scolarisés au Pôle La Chartreuse à Brives-Charensac pour suivre un CAP agent de sécurité. « C’est un cursus qui existe depuis quatre ans, maintenant, explique Christophe Avignon, enseignant en CAP et BP agent de sécurité et formateur en sécurité incendie et assistance à la personne. Cette année, c’est vrai que c’est une promotion pauvre en filles. Pourtant, c’est un métier qui se diversifie beaucoup et se féminise tout autant. » 

Photo par Nicolas Defay

Vers la case prison

À l’issue de ce CAP, ces jeunes demanderont d’abord une carte professionnelle délivrée par l’État afin d’exercer ce métier d’agent de sécurité. « Il pourront travailler dans les entreprises à risque environnemental, dans les hôpitaux, dans l’événementiel, ou encore les grosses structures comme Michelin à Blavozy ou Fareva à Saint-Germain Laprade », décrit Christophe Avignon. Outre la pluridisciplinarité que le CAP offre, il est également une sorte de tremplin pour se diriger vers la case prison et devenir agent pénitentiaire dans l’un des 198 établissements qui existent en France.

« Ils seront extrêmement encadrés et suivis durant cette immersion très éducative »

Pour que les élèves se fassent une idée parfaite du travail derrière les murs blindés, une convention a été signée entre le Pôle La Chartreuse et la Maison d’arrêt du Puy-en-Velay. Ainsi, Michel Paulet, directeur de l’école brivoise et Philippe Maître, directeur de l’administration pénitentiaire ponote, ont apposé ensemble leur signature. « Elle va permettre d’accueillir des élèves chez nous pour des stages de courte durée, livre le maître des clés de la prison. Ils seront bien entendu extrêmement encadrés et suivis durant cette immersion très éducative ».

M.L. Antunez, M.Paulet, P.Maître et C.Avignon.

Un tremplin pour les plus motivés

Cette convention a deux objectifs. La découverte des métiers au sein de l’administration pénitentiaire assurée par la venue de formateurs de la région et l’intégration donc des élèves dans les maisons d’arrêt par le biais d’une convention de stage. « En finalité, pour les élèves les plus motivés, il s'agit de les préparer à terme au concours d’agent pénitentiaire », précise Christophe Avignon.

« L’agent pénitentiaire n’est pas quelqu’un qui se réduit à ouvrir et fermer des portes, C’est aussi être à l’écoute du détenu, l’observer, l’accompagner. Le plus important, c’est le respecter au quotidien pour qu’il se sente simplement humain » Christophe Avignon

Une profession couteau-suisse

Pour le côté découverte, c’est Marie-Laure Antunez, agent pénitentiaire et formatrice à Saint-Etienne et Le Puy-en-Velay, qui présente la chair de cette profession particulière et les postures à adopter pour remplir les missions. « On ne doit jamais juger, insiste-elle. Ce sont aux magistrats de le faire. Nous, nous sommes là pour faire appliquer les peines et que tout se passe bien ; et pour les prisonniers et pour les équipes d’agents pénitentiaires. ». Elle continue : «  Il faut savoir aussi que les missions d’un agent sont très nombreuses. Bien sûr, il y a la surveillance des condamnés mais nous pouvons aussi établir les mains courantes, faire de la vidéo surveillance, pratiquer du secours à la personne et bien d’autres ».

Photo par Nicolas Defay

« Nous sommes en fait une grande famille »

Philippe Maître appuie l’argument sur la cohésion de groupe qui s’avère indispensable derrière les murs. « C’est comme si nous étions tous sur un même bateau, image-t-il. Quand la mer est calme, tout le monde en profite. Quand elle est démontée, nous la subissons tous. Les agents veillent les uns sur les autres. » Marie-Laure Antunez complète ses propos : « Nous sommes en fait une grande famille. Tout seul, on ne fait jamais rien. Même si nous avons des soucis dans nos vies personnelles, nous en parlons entre nous ou avec des psychologues formés. Très souvent, les préoccupations dans nos vies se reflètent sur notre activité professionnelle et peut faire flancher le bateau en totalité ».

« Les agents femmes apaisent naturellement les prisonniers car elles sont plus dans le dialogue »

Concernant la féminisation de cette profession, Marie-Laure Antunez assure qu’elle se développe mais que que la parité ne sera jamais effective. « En France, il y a environ 2 500 femmes condamnées pour 66 000 hommes. Or, ce ne sera jamais une femme qui fera par exemple la fouille corporelle d’un condamné masculin. »
Malgré cette réalité, Philippe Maître souligne l’importance des femmes dans le métier. « Elles ont un comportement différent des hommes. Elles apaisent naturellement les prisonniers car elles sont plus dans le dialogue que la force. » Il ajoute : « Un phénomène se forme très souvent quand c’est une femme agent pénitentiaire qui est en charge d’ouvrir les cellules. Le condamné va prendre plus soin de lui. Il va se peigner, se parfumer. Il y a une sorte de retenue tacite. »
Marie-Laure Antunez mentionne : « Il y a très peu d’agressions envers les agents féminins et très rarement des insultes. Pourquoi ? Car le condamné qui procède ainsi sera très mal vue de la part de ses codétenus et ceci pour le reste de sa peine ». 

La signature de la convention. Photo par Nicolas Defay