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Des chiliens au Puy pour offrir un peu de France au Chili

Par nicolas@zoomdici.com lun 01/02/2021 - 06:00 , Mise à jour le 01/02/2021 à 06:00

Ils sont 17. Seize filles et un garçon. Tous proviennent du long Etat chilien et tous y sont enseignants. Arrivés aux pays des Lumières le 10 janvier, ils repartiront le 8 février un diplôme en poche et des morceaux de France en tête.

Les piments du Chili. La Terre de Feu. Augusto Pinochet. Salvador Allende. Pablo Neruda...Si cette langue de terre toute en longueur se situe à 12 000 kilomètres de nous, il y a toujours un mot, une image ou un fait qui évoque ce pays du bout du Monde. Mais concernant le système éducatif, nous ne savons rien. « Nada », comme on dirait là-bas. Ni le nombre effarant d’heure de cours des enseignants en face des élèves, ni le nombre des élèves par classe dans les établissements publics, ni le coût hors de prix des inscriptions dans les écoles privées.

« Ce que nous voyons chez vous en France, c’est le scénario idéal qu’on aimerait voir appliqué au Chili ». Ces mots sont prononcés par l’un des 17 enseignants chiliens arrivés au Puy-en-Velay pour décrocher un DU EEFE (Enseigner dans un Établissement Français à l’Étranger) au sein de l’INSPE (Institut National Supérieur du Professorat et de l’Education).

Michelle, Camila et Sarah. Toutes les 3 enseignantes au Chili. Photo par Nicolas Defay

Pour appliquer les méthodes françaises dans leur pays d'existence

Certains s’expriment sans peur, d’autres restent discrets. Les 16 filles et le seul garçon du groupe chilien expliquent leur présence ici, entre les murs de l’INSPE, situé dans le quartier du Pensio au Puy-en-Velay. Mise à part une candidate qui travaille dans une école chilienne, toutes et tous enseignent différentes matières dans une école française au Chili. « Nous sommes venus en France pour passer un diplôme universitaire, explique Camila, enseignante en histoire et géographie dans le seconde degré. C’est une sorte de spécialisation d’une certaine façon. Cela va me permettre d’améliorer mes techniques d’enseignement, de réfléchir sur ma façon de travailler, sur mon rapport avec mes élèves. Ce sera d’une très grande aide dans mon quotidien professionnel ! ».

« Parce que la culture française est très prononcée dans notre pays »

Deuxième promotion au sein de l’INSPE depuis 2019, le Chili fait désormais parti des pays qui ont tissé des liens particuliers avec la France en matière d’éducation scolaire. Pourquoi ? « Parce que la culture française est très prononcée dans notre pays, explique Michelle, professeure des écoles en CM1 dans une école française au Chili. D’ailleurs le français est obligatoire jusqu’en classe de 4ème. » Elle ajoute : « Il y a un temps, l’élite du Chili passait systématiquement par une école française. Pablo Neruda ou Violetta Parra en sont quelques exemples. »

« Les 17 chiliens sont inscrits dans un diplôme qui les prépare à l’enseignement à la française puisque ce sont 17 personnes qui sont enseignants en langue française soit dans un établissement français au Chili, soit dans un établissement chilien qui propose un parcours d’enseignement en français. Il sont là pour parfaire leur complément de formation avec une acculturation à l’enseignement français. C’est pour cette raison qu’ils vont fréquenter des écoles primaires, des collèges et des lycées sur le bassin ponot. Ils vont également suivre des enseignements qui sont propres à la formation ici, à l’INSPE. Et découvrir des pans de notre culture à travers ce qu’offre la ville du Puy-en-Velay.

Au niveau du Chili, c’est la deuxième promotion. L’an dernier, 12 professeurs sont venus chez nous à la même période, période qui correspond aux grandes vacances scolaire au Chili. Cela permet de faire ce stage de 4 semaines sans empiéter sur leur travail scolaire au sein de leurs propres établissements. 

Les partenariats de ce type très relationnels avec L’INSPE englobent 13 pays, de l’Asie du Sud-est comme Singapour ou le Cambodge, à l’Europe et le continent américain. Cette année, un peu plus de 120 candidats issus de 45 pays différents se sont inscrits à distance pour passer ce diplôme de l’EEFE. Cela nous donne un spectre de connaissance des différentes zones géographiques très important et très intéressant. Ce diplôme EEFE est reconnu par certains pays comme les Emirats-Arabes-Unis ou le Liban. Nous œuvrons fortement pour le faire reconnaître dans une majorité mais il faut admettre la complexité en jeu. Cela demande une entente particulière avec les autorités de chaque pays ce qui est parfois loin d’être aisé ».

« Ce que vous avez en plus chez vous, c’est l’esprit critique »

Concrètement, les candidats sont là pour améliorer la maîtrise de la langue française, et découvrir et assimiler des spécificités du pays. Pour cela, en plus des cours à l’INSPE du Puy-en-Velay, ils se sont rendus dans des établissements comme au Monastier-sur-Gazeille au collège Laurent Eynac, celui de Saint-Régis dans la cité ponote, le lycée public Simone Weil, les écoles de Sanssac L’Église et de Vals-Près-Le Puy.

« Ce que vous avez en plus chez vous, c’est l’esprit critique, confie Sarah, professeur de SVT au Chili. Vos professeurs font en sorte que les élèves doivent toujours réfléchir sur ce qu’ils font, sur ce qu’ils apprennent. Ils peuvent remettre en question toutes les choses qu’on leur présente. Au Chili, c’est plutôt un enseignement d’automatisation. Je dois apprendre par cœur et je dois répondre ce que le professeur attende que je réponde. »
Pour illustrer son témoignage, elle indique que le PTU (Prueba de Transición Universitaria) qui est le baccalauréat chilien est un examen constitué exclusivement par des QCM (Questionnaire à Choix Multiples) comme tous les examens de passage dans les cursus chiliens.

Au Chili, trois types d’écoles

Ecole publique, école subventionnée, école privée. L’école publique ne dépend pas de l’État mais des municipalités. Les mairies prennent alors en charge l’éducation de l’élève ce qui génère une différence d’apprentissage très importante entre elles.
Les écoles subventionnées sont privées. Ce sont des entreprises qui reçoivent des apports de l’État.
Enfin, les écoles purement privées sont de véritables corporations éducationnelles qui ne dépendent que des mensualités des parents d’élèves.

35 heures de présence devant les élèves chaque semaine

Ensemble, ils expliquent le fossé abyssal qui existe entre l’éducation scolaire pratiquée en France et celle dispensée au Chili. « Dans les écoles privées, un parent doit débourser 535 000 pesos chiliens (environ 600 euros) ou plus par mois et par élève, assure Michelle. Sachant que le Smic au Chili est de 355 000 pesos chiliens (environ 400 euros), il est impossible pour une famille de mettre plus d’un enfant dans une école privée. »

Pour les heures de cours en classe, là aussi les différences sont déroutantes. « En France, les enseignants doivent assurer 18 heures de cours par semaine en face des élèves. Au Chili, en second degré, les profs peuvent être amenés à faire 35 heures de classe en présentiel devant les élèves chaque semaine. Il faut alors ajouter, comme en France, tout ce qui est à planifier et à corriger en dehors de la classe. Cela représente 45 heures, 50 heures voir bien plus de travail au total toutes les semaines. D’autant plus qu’il est courant que les professeurs fassent des heures supplémentaires dans des écoles différentes en plus de leurs 35 heures dans leur établissement principal pour gagner un peu plus d’argent ».

« Les classes de nos écoles publiques peuvent accueillir 50 élèves »

Autre contraste saisissant, celui du nombre d’élève. « Les classes de nos écoles publiques peuvent accueillir 50 élèves, précise l’une des candidates. Dans les écoles privées, c’est environ 35. » Michelle, la professeure des écoles ajoute : « J’ai déjà fait la classe devant 7 niveaux de CM1 différents en même temps ».
Problème de matériel, d’équipement, d’outils numériques...les écueils sont nombreux notamment dans les établissements publics. « La qualité que votre Etat peut offrir à vos enseignants et vos élèves n’a rien à voir avec ce que l’on peut vivre dans les écoles au Chili », livre Camila.

« Chez nous, pendant le Covid, on a ouvert les bars, les restaurants et les cafés en premier mais les écoles sont restées fermées. Sur ce point, on voit vraiment bien une approche différente des priorités par rapport à celles en France ». Camila, enseignante en histoire et géographie au Chili

« Vous avez eu une quarantaine de 3 mois. Nous, elle a duré toute l’année scolaire »

Et coté Covid, quelles sont les nouvelles dans ce pays de 19 millions d’habitants ? « Pour ses conséquences sur le système éducatif, encore une fois sa gestion est très différente qu’en France », partage Sarah. Elle précise : « Chez nous, l’année académique commence de mars à décembre. Les dirigeants ont décidé de fermer les écoles à la mi-mars. Mais elles n’ont pu ouvrir qu’aux mois de novembre et décembre. Ce qui veut dire que les élèves et les professeurs ont passé toute l’année scolaire à distance avec des moyens technologiques très inégalitaires. Vous avez eu une quarantaine de 3 mois. Nous, elle a duré toute l’année scolaire. Pour reprendre l’école au mois de novembre, c’était sur la base du volontariat. Et il est certain que très peu l’ont fait ».