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Adrien Dupuy, cet illustre inconnu

, Mise à jour le 23/04/2021 à 00:00

Moins connu que Charles Dupuy, Adrien Dupuy est né au Puy en 1854. Il a laissé à la postérité un nom et un buste qui trône encore dans son lycée d’origine.

Charles & Adrien Dupuy, ces noms évoquent forcement quelque chose pour un ponot. Le lycée de Roche-Arnaud au Puy-en-Velay porte le nom de ces deux frères nés au Puy au milieu du XIXème siècle.  Nous n’évoquerons ici qu’Adrien, frère de Charles, dont le nom est attribué à plusieurs voies de circulation et qui fera l’objet d’une autre chronique

Pierre-Adrien Dupuy est né rue des Farges, au Puy le 13 août 1854.

Agrégé de lettres à 26 ans, il fait une carrière fulgurante : Du lycée du Puy au Lycée Lakanal

Il fait ses études au lycée du Puy où il devient aspirant répétiteur le lendemain de son admission au baccalauréat ès lettres en 1871. L’année suivante, en 1872, licencié ès lettres de la faculté de Lyon, il est en charge de la classe de 8° au lycée du Puy.

Le lycée du Puy en 1926, identique en 1974 quand le lycée fut déplacé à Roche Arnaud

En mai 1874, il doit quitter le lycée du Puy pour le collège de Tulle où il est professeur de seconde. Il ne tarde cependant guère à retrouver « son cher lycée ».  Dès la rentrée 1876, il y est chargé de cours de 6°, puis de 3° Il se voit confié la classe de seconde à la rentrée en 1879.

Devenu agrégé des lettres en 1880, il reste sur place au titre de professeur de rhétorique. Mais l’année suivante, il occupe deux chaires à Chambéry, celle de rhétorique au lycée et celle de littérature à l’Ecole supérieure des sciences et des lettres.

Le 7 août 1883 il mute pour Nîmes, toujours en rhétorique. Rapidement, le voilà dans un des plus importants lycées du pays. En 1886, il arrive à Paris où il enseignera successivement au lycée Charlemagne, puis à Henri IV, avant d’exercer (excusez du peu) au lycée Lakanal, à celui de Saint-Cloud et à l’école aux méthodes expérimentales Monge dans le 17ème arrondissement de Paris.

Il devient presque logiquement inspecteur de l’académie de Paris le 24 avril 1895 à 41 ans puis Inspecteur général de l’Instruction Publique quatre ans plus tard.

Le 4 mars 1901, un arrêté ministériel lui confie la Présidence du jury de l’agrégation de grammaire, dont il était membre depuis 1897, et qu’il exerce jusqu’à sa mort.

Une carrière politique en même temps dans l’ombre de son frère Charles

Chef de cabinet du Président de la Chambre des Députés entre le 5 décembre 1893 au 30 mai 1894, il est ensuite nommé chef de cabinet du Président du Conseil entre mai 1894 à janvier 1895. Trois ans plus tard, alors que Charles revient aux affaires publiques, il est nommé cette fois directeur de cabinet du Président du Conseil entre novembre 1898 à juin 1899.

Directeur de cabinet, chef de cabinet, simple question de vocabulaire . . . en tout cas l’esprit de famille prévaut. En effet, dans ces trois fonctions, le président qu’il assiste n’est autre que son frère Charles Dupuy, homme politique de premier plan.

Des décorations à la pelle

En tant qu’inspecteur général, Adrien Dupuy, avait été fait officier d’Académie le 9 juillet 1884 puis officier de l’Instruction Publique le 24 février 1890.

Il est fait Chevalier de la Légion d’Honneur à la promotion du 17 octobre 1894 puis Officier à celle du 9 décembre 1903.

Il fut aussi titulaire de l’ordre de Saint-Stanislas de Russie, de 2° classe, avec plaque. C’était l’époque de l’alliance franco-russe.

Adrien Dupuy dont il existe peu de photos

Il décède le 15 janvier 1906 alors que l’affaire Dreyfus connaîtra bientôt son épilogue. Son frère, Charles Dupuy, qui fut un des dirigeants politiques importants pendant « l’affaire » avait été un antidreyfusard acharné et Adrien, de par ses missions à ses côtés, sans doute aussi.

C’est au Puy qu’il sera enterré.

Un enterrement en grande pompe à 51 ans

Ses obsèques seront célébrées en l’église Saint-Pierre des Carmes du Puy, le vendredi 19 janvier 1906, il y a tout juste 115 ans. Le grand homme n’avait alors qu’un peu plus de 51 ans. Il était resté célibataire.

Toute La ville accompagne « un de ces fils au champ du repos ». L’Université, le monde politique, les administrations départementales, l’armée, la magistrature et le barreau et les sociétés de la ville sont représentés.

L’office funèbre est célébré par le Chanoine Boudignon, aumônier du lycée, assisté des clergés de Notre Dame, et de Saint-Laurent.  Une absoute est donnée par le Chanoine Mounier, vicaire général. Les honneurs militaires lui sont rendus par le 86° R.I. du Puy.

Le texte de la nécrologie

La nécrologie complète

Symboles de son importance et de la pompe de la cérémonie d’obsèques, plusieurs poêles funéraires (draps funéraires) suivent le cortège. On relève celui de la ferme-école de Nolhac, celui de la Société de Secours Mutuels, celui de l’usine A. Canard, celui de l’association des anciens élèves du lycée, celui des officiers de l’Instruction publique, celui des légionnaires, celui enfin des universitaires.

Les cordons du char funèbre sur lequel avait été placé la tige du défunt, sont quant à eux, tenus par des hommes importants tels que M. Poincaré, Inspecteur général de l’Instruction Publique, M. Coville, recteur de l’Université de Clermont, le docteur Coiffier, Maire du Puy, M. Bonhoure, préfet de Haute Loire, et enfin le Colonel Buey, commandant d’armes.

Charles, frère du défunt, conduisait ce deuil entouré de quelques parents.

Au cimetière, devant le tombeau de la famille on prononça plusieurs discours dans lesquels on a relevé ses « qualités de fermeté et de vigueur ».

L’Inspecteur général de l’Instruction Publique Poincaré énonçait ainsi « Les jugements qu'il portait, appuyés ainsi sur une base solide, étaient d'une rare sûreté ; il comprenait admirablement les hommes parce qu'il savait faire le grand effort nécessaire pour les comprendre et aussi parce qu'il les aimait profondément. »  On retient aussi « une légère brusquerie qui ne manquait pas de charme ».

M. Bonhoure, préfet de la Haute Loire soulignait pour sa part « qu’il était le fils passionnément dévoué d’une mère qu’il ne quitta jamais et à laquelle nul n’osait, hier encore, annoncer le deuil qui la frappait, à 80 ans » ;

M. Coiffier, maire du Puy, a conclu son propos par ces mots : « Dormez en paix, Monsieur Adrien Dupuy, sur ce délicieux coteau où sont déjà les vôtres et où repose, depuis longtemps, celui dont vous avez illustré le nom. Dormez en paix dans cette vieille terre du Velay aux horizons magiques que vous avez aimée. ».

Une postérité en demi-teinte

Un comité du Buste d’Adrien Dupuy avait été constitué rapidement après cet enterrement. Présidé par M. H. Cuoq, ce comité choisit un emplacement qui allait être décrié lors de l’inauguration du buste le 21 octobre 1907.  L’emplacement choisi fut le parloir du lycée du Puy où il avait étudié puis enseigné au début de sa prestigieuse carrière.

Le buste d'Adrien Dupuy par Marcellin Sabatier Photo par H.C.

L’auteur du buste, Marcellin Sabatier, est alors un tout jeune sculpteur, déjà lauréat du prix Crozatier.

De nombreux discours furent prononcés à cette occasion qui décrivent l’homme et la cérémonie dans ses fastes et ses défauts.

Ce que l'inspecteur Bompard a dit de lui

« Messieurs, professeur ou écrivain, inspecteur général ou président du Jury de l'agrégation, Adrien Dupuy montrait au plus haut degré ce don essentiel, et qui a quelquefois manqué aux intelligences les plus brillantes, l'autorité ».

M. Vachey, proviseur, y déclamait alors : « Adrien Dupuy était une nature avant tout forte et sa force apparaissait en tout, jusque dans sa franchise bien connue qui prenait parfois un air de rudesse ; Mais cette rudesse n’était qu’apparente, on ne s’en offensait pas quand on connaissait le fonds de générosité qui était derrière ».

Le Docteur Coiffier, maire du Puy, ne manquait alors pas de déplorer l’emplacement choisi dans une envolée lyrique dont il était coutumier : « n’aurait-elle pas été, en effet, dans une cadre plus en rapport et en harmonie avec son mérite sur une de nos grandes places (…) au milieu, par exemple, de notre beau jardin public, près du Musée ? »

L’inspecteur Bompard a été chargé de rédiger le discours de la carrière d’Adrien Dupuy. Ce discours a été reproduit dans la revue pédagogique de 1907 et nous permet de connaître par le détail la carrière d’enseignant d’Adrien Dupuy.

Pour finir, Charles Dupuy, l’ancien président, son frère, remerciait l’assistance saisi d'une émotion qu’il ne peut maîtriser « j’aurai voulu que notre mère vénérée pût entendre ce qui a été dit ce matin. Son grand âge l’a retenue loin de nous, mais elle est présente de cœur et d’âme dans ce lycée ».

On rapporte que cette émotion non feinte saisit toute l’assistance « les yeux se voilent de pleurs et on entend des sanglots étouffés ».

H.C.