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Un théâtre gallo-romain découvert à Saint-Paulien

Par maceo.cartal.3… , Mise à jour le 30/05/2021 à 00:00

Le Ponot Jean-René Mestre et son fils Bruno, férus d’histoire locale, ont découvert ce qui semble être l’emplacement d’un théâtre gallo-romain en plein cœur de Saint-Paulien. Une hypothèse plus que plausible au vu de l’emplacement ou encore de la topographie des lieux.

Jean-René Mestre a parcouru la Haute-Loire par monts et par vaux en quête de découvertes archéologiques et historiques, avec pour objectif de révéler les secrets d’histoire enfouis depuis des siècles. Ses connaissances ne sont plus à prouver, auteurs de différents ouvrages régionaux et d’articles d’histoires locales, il est également ancien président fondateur de la Société des Amis du Musée Crozatier et à l’origine de la découverte, en 2019, d’un oppidum gaulois sur la commune de Jax (cf. Les Cahiers de la Haute-Loire 2019). C’est cette fois-ci accompagné de son fils Bruno, passionné par l’histoire du Velay et qui prépare un ouvrage sur le thème des survivances païennes du Velay, que l’érudit ponot présente cette découverte.

Le hasard : symbole des plus grandes découvertes

Initialement, les deux passionnés cherchaient à dresser un inventaire des mottes féodales du département et ont donc été tout naturellement travailler sur celle de Saint-Paulien, qui a été cité dans des textes anciens pour avoir abrité cette fameuse motte castrale sur la butte du Haut-Solier (emplacement actuel de la place du même nom), qui s’avère même être un château de la famille de Polignac.

C’est justement ce château, qui date vraisemblablement de l’an mille, qui a dévié les archéologues et les chercheurs du véritable trésor, caché sous le nez des Ruessiens. En effet, tout le monde s’est focalisé sur cet édifice que l’on croyait en partie détruit par l’aménagement de la route de Craponne.

Une forme bien particulière

Personne ne s’est alors posé la question de savoir pourquoi l’implantation du Haut-Solier avait cette forme bien particulière d’un demi-arc de cercle, clairement visible sur les vieux plans cadastraux. Le père et le fils se sont appuyés sur une multitude de textes anciens et notamment sur le manuscrit de Gaspard Chabron paru en 1625. Cet ouvrage raconte l’histoire de la famille de Polignac depuis ses origines. Il est notamment question de Saint-Paulien et des propriétés que les Polignac y possédaient. De nombreuses trouvailles archéologiques sont ici décrites par Chabron.

Un passage a particulièrement retenu l’attention de Jean-René Mestre. En effet, Chabron parle de « lieux souterrains […], fondements desdites forteresses admirables pour le grand nombre et grandeur des cartiers de pierre blanche desquels ils étoint bâtis, que nous avons veu tirer de nos jours et être liés ensemble à la façon de celles que l’on voit aux arènes de Nîmes ».

Tout concorde

Au 18e et au 19e siècle, des fouilles sont réalisées à Saint-Paulien. Auguste Aymard, archéologue ponot de renom, a fouillé les tunnels décrits par Chabron. Il s’agit en réalité de voûtes concrètes (voûtes romaines à l’intérieur du théâtre) et les pierres décrites comme « pyramidales » seraient en fait les gradins de l’amphithéâtre.

Tous ces éléments semblent confirmer la présence d’un théâtre en lieu et place du Haut-Sollier. De plus, en comparant la topographie des parcelles cadastrales de 1811, en demi-arc de cercle à des photos aériennes des théâtres de Fourvière à Lyon, ou encore ceux de Moingt (Loire) et Javol (Lozère), Bruno et Jean-René Mestre peuvent alors affirmer que nous avons à faire au « Colisée Vellave » comme ils l’ont affectueusement surnommé.

Photo par Géoportail

Une présence pas si étonnante

La cité de Ruessium (Saint-Paulien) a été pendant longtemps le chef-lieu du Velay et son importance a beaucoup été minimisée par nombre d’historiens et d’érudits du 19e siècle au profit d’Anicium (Le Puy-en-Velay). « Pour des considérations politiques désuètes, ils préféraient parler du Puy comme capitale », précise Jean-René Mestre

Roger Maurin, historien amateur et ancien maire de Saint-Paulien, affirme qu’à l’époque gallo-romaine, toutes les villes d’importance (chef-lieu, capitales, etc.) étaient structurées de la même façon avec un forum, des termes et un théâtre. Il ne manquait plus que ce dernier à Saint-Paulien pour compléter le tout.

« Il y a 30 ou 40 ans, avant la découverte du théâtre de Javol en Lozère, on ne pouvait pas se douter de la présence d’un théâtre ici » J.R. Mestre

Le fils cette fois, Bruno Mestre, indique qu’ « il ne faut pas croire qu’à l’époque gallo-romaine notre région était déserte ou isolée des grandes voies de circulation […] le théâtre devait avoir une vraie fonction sociale, pas seulement culturelle. C’était le lieu privilégié des réunions publiques d’importance et vers lequel convergeait toute l’activité administrative d’alors, au centre de la région, le long d’une grande voie reliant Lyon, la capitale des Gaules, à l’Aquitaine. » La présence de ce genre d’édifices sur les autres capitales traversées par cette grande voie romaine justifie également l'existence d’un théâtre à Saint-Paulien, alors première ville du Velay.

Rendre à César ce qui est à César

Cette découverte a des répercussions profondes sur Polignac également. En effet, il semble évident pour Bruno Mestre que les blocs monumentaux du théâtre romain servirent à édifier puis fortifier le château de la Mote des Polignac. Ces blocs servirent ensuite à l’aménagement de nombreux châteaux et notamment la bien connue forteresse de Polignac et son donjon ainsi que d’autres « belles maisons », comme le confirme Chabron dans ses écrits.

De plus, au 19e siècle, les historiens et érudits croyaient en la présence d’un temple dédié à Apollon sur la plateforme de Polignac avec pour preuve la présence d’une pierre antique représentant les traits d’un homme : le « masque d’Apollon ». Cette histoire fut en fait une légende inventée de toute pièce pour glorifier l’ascendance de la famille de Polignac. Une inscription à ce même endroit concernant l’empereur romain Claude, datée d’environ 50 ans après J.C., serait selon la légende un cadeau de l’empereur à son passage à Polignac. En réalité, avec la découverte du théâtre de Saint-Paulien, cette inscription prend une toute autre signification et serait en réalité une pierre dédicatoire commémorant la construction de l’amphithéâtre par l’empereur Claude. Le masque d’Apollon, quant à lui, trouverait sa place en guise de décoration du fameux théâtre. C’est ce que confirme l’historien Camille Jullian (1859-1933) qui, dans son immense ouvrage « Histoire de la Gaule », indique que « De Saint-Paulien proviennent toutes les inscriptions et sculptures qu'on a découvertes au Puy ; et aussi les antiquités de Polignac comme l'inscription de Claude (XIII, 1610) et le fameux masque colossal. »

Des mesures à confirmer

Sur le Haut-Sollier, Jean-René Mestre pense sincèrement que le théâtre de Saint-Paulien est d'une taille similaire à celui découvert à Javol en Lozère. Il serait capable d'accueillir en 6000 et 8000 personnes en adéquation avec ce qui se faisait à l'époque. Enfin, la pente visible sur place correspond aux valeurs d'un tel édifice. Mais tout ceci devra faire l'objet d'études plus approfondies.