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Maréchal-ferrant : un vieux métier aussi résistant que l’acier

Par nicolas@zoomdici.com , Mise à jour le 05/05/2021 à 00:00

Le 20ème et 21ème siècle sont des fossoyeurs de savoir-faire, la modernité tassant à tout-va la terre de leurs sépultures. Rémouleur, laitier, gardien de phare ou chiffonnier, ils n’existent maintenant qu’au travers des archives ou des série télé (Demoiselle du Téléphone). Mais certains se battent contre le temps et la technologie à l’instar du maréchal-ferrant.

En France, le dernier recensement (2007) rapporte le nombre de 1 600 maréchaux-ferrants. Nicolas Varnieu appartient à cette fière et discrète guilde. Installé comme maréchal-ferrant en 2007 à Retournac, il fait partie de la douzaine encore actifs dans le département de la Haute-Loire. « Je suis artisan maréchal ferrant depuis le 10 juillet 2007, précise l’homme de 39 ans. J’ai débuté dans le milieu hippique en 1997 en suivant un CAPA palefrenier soigneur (Certificat d’Aptitude Professionnel, Ndlr) puis un BEPA entraînement du cheval de compétition (Brevet d’Étude Professionnel) en 1999 ». Six ans plus tard, il reprend les rênes de ses études pour réussir un CAPA maréchal-ferrant et créer sa propre entreprise en 2007.

Photo par Georges Roche

Une pousse de corne sans fin (comme nous)

Boutoir, dégorgeoir, rogne-pied, pince à parer, à river, à sonder...Le jargon du maréchal-ferrant apparaît aussi dense et précis que le sont ses propres gestes. « Mon travail est d’entretenir les pieds des chevaux, des ânes ou encore des poneys, décrit Nicolas Varnieu. La première étape de mon activité consiste à évaluer les aplombs de l’animal afin de réaliser le parage adéquat ». Le parage ? C’est l'opération qui consiste à couper l’excédent de corne tout en respectant ou en corrigeant les aplombs de l’équidé. Comme nos ongles, la corne de l’animal pousse continuellement d’un centimètre par mois (En comparaison, nos ongles de mains grandissent environ de 3 millimètres par mois et la moitié moins pour nos pieds). « Le parage doit être effectué au minimum deux fois par an », conseille-t-il.

  • Les affiloirs et affûtoirs servent à maintenir le tranchant des outils. Certains maréchaux utilisent aussi une pierre à eau.
  • Le boutoir est un instrument destiné à parer la corne, bien qu'il ne soit plus guère utilisé aujourd'hui, remplacé par le rogne pied. 
  • Le brochoir est un marteau qui sert à brocher les clous. 
  • Le compas de pied sert à mesurer précisément les angles de la corne en ferrure orthopédique.
  • Le dégorgeoir sert à créer une logette dans la paroi du pied pour y enfouir le rivet
  • Le dérivoir est un instrument destiné à redresser les rivets des clous, afin d'enlever le fer.
  • L'enclume sert à marteler les fers et à leur donner la tournure.
  • La forge, autrefois au charbon, maintenant au gaz, sert à chauffer les fers pour les tourner c’est-à-dire les adapter à la forme du pied.
  • La mailloche est un marteau léger, souvent à tête nylon, destiné à parer le pied.
  • Le marteau à étamper sert à rajouter un trou (étampure) au fer.
  • La pince à parer est une pince aiguisée, servant à couper la corne.
  • La pince à river est une pince destinée à recourber l'extrémité des clous (river).
  • La pince à sonder sert à tester la sensibilité du pied et à détecter des hématomes (bleimes) ou des abcès.
  • La râpe sert au travail de finition du parage.
  • La rénette est un instrument à lame courbe destiné à dégager les fourchettes.
  • Le rogne pied est une lame droite aiguisée destinée à parer la corne.
  • Le tablier de peau en cuir protège les jambes du maréchal.
  • La tenaille de forge est une tenaille à bouts aplatis servant à manipuler les fers brûlants.
  • La tricoise est une sorte de tenaille destinée à couper les clous et est parfois utilisée dans l'étape du brochage.

Au fait, pourquoi ce terme de maréchal-ferrant ?

Il provient de l'ancien français Marhskalk qui provient à son tour du germanique commun markhaz, lui-même issu du celtique "markh" (cheval), et du germanique skalkaz (serviteur) : le serviteur chargé du soin des chevaux. Il y a 2 000 ans et durant des siècles, il désigne ainsi un domestique qui soigne les chevaux. Le mot a ensuite pris deux sens différents. Celui de l’artisan chargé de ferrer les chevaux, et celui de l'officier responsable des chevaux. Le mot « maréchal-ferrant » a été créé pour distinguer ces deux métiers.

Orthopédiste, forgeron, cordonnier et chausseur

Acier, aluminium, plastique...Fer en cœur, fer couverts, à la florentine ou à oignons...Pour l’opération du ferrage, là-aussi le vocabulaire est infini. « On choisit le fer adapté au cheval et en adéquation avec le travail de l’animal, explique Nicolas Varnieu. Après l’avoir chauffé à la forge, on doit l’ajuster parfaitement à la forme du pied. » Pour cela, le métal encore rouge de chaleur est posé sur la corne du sabot afin d’y établir une empreinte précise. Le fer est ensuite ajusté au millimètre sur une enclume puis directement cloué sur le pied du cheval. « Je peux aussi être amené à poser des fers orthopédiques pour différentes pathologies comme des pieds bots par exemple », ajoute le professionnel. Selon lui, l’animal ferré doit retrouver de nouvelles « chaussures » toutes les 6 à 8 semaines.

Le premier récit qui explique les origines du porte-bonheur provient du fait qu’un fer à cheval retrouvé par terre pouvait être vendu au forgeron afin qu’il puisse le réutiliser. Les fers à cheval usagés et reforgés étaient nommés lopin bourru.

La seconde histoire est teintée de religion. Les croyants voit dans la forme du fer à cheval l'initiale du Christ ou le croissant de lune, symbole de fertilité et de chance. Pour porter bonheur, le fer doit être placé les éponges vers le haut afin que la chance ne tombe pas. Il faut également qu'il soit trouvé par hasard sur la route, et de préférence encore muni de ses clous (comme le Christ)

La troisième légende provient de saint Dunstan, forgeron, qui deviendra ensuite pas moins que l’archevêque de Canterbury en 959. Le diable lui ayant amené son cheval à ferrer, Dunstan cloua le fer sur le pied fourchu du démon. Celui-ci dut promettre, afin d'être libéré, de ne jamais entrer dans une maison protégée par un fer à cheval.

Enfin un vieux mythe romain explique pourquoi un fer à cheval est forcément un porte-bonheur. Au siècle premier, pour montrer à l'ensemble de son royaume l'étendue de sa richesse, Néron ordonna à ses forgerons de forger et poser à ses chevaux des fers en or. Malheureusement pour Néron, les techniques de la pose des fers n'étant pas encore au point à cette époque, il arrivait que l'un de ses chevaux se déferre en se baladant sur ses terres. Une aubaine inestimable pour le pauvre paysan, chanceux de trouver un tel trésor.

Photo par Georges Roche

« Je me déplace partout avec une fourgonnette aménagée »

Si, en des temps révolus, les clients emmenaient leurs montures chez le maréchal-ferrant, c’est à présent le maréchal-ferrant qui vient aux domiciles des montures. Comme la plupart de ses confrères et consœurs de la corporation, Nicolas Varnieu possède un véritable atelier mobile. « Je me déplace partout avec une fourgonnette aménagée dans la Loire, la Haute-Loire et le Puy de Dôme, livre-t-il. De cette façon, je peux réaliser tous les types de ferrages un peu partout dans la région sans que le client soit obligé d’utiliser un véhicule spécialement aménagé pour transporter ses animaux ».