Je signale une erreur

Précisez éventuellement la nature de l'erreur

Le prénom a changé (Part 2)

Par . . , Mise à jour le 03/04/2021 à 00:00

Voici la deuxième partie de notre série sur l’étude des prénoms donnés en Haute-Loire depuis 1900.
Nous avons constaté dans la première partie l'origine fondamentalement biblique des prénoms les plus usuels au long d'une très large partie du XXème siècle. Nous nous attachons ici plutôt à ceux d'après les années du boom économiques des années 60 pour terminer par une rétro (déjà) sur les 19 années du nouveau millénaire.

Les prénoms ne seraient-ils qu'une histoire de mode ? Rien n'est moins sûr, mais il existe à l'évidence des tendances.

Au siècle dernier, il était d'usage de conserver pour les aînés mâles les prénoms de la lignée avec les difficultés que nous évoquions dans la famille du petit Jean. Parfois, ceux-ci s'entremêlaient sur trois générations, le petit-fils étant affublé du nom du grand-père et ainsi de suite.

On ne prenait alors pas tant de peine pour le choix des prénoms féminins.

Dans les années 60, il est devenu d'usage de donner en deuxième, voire un troisième prénom, en manière d'hommage aux aïeux. C'est très pratique pour les généalogistes qui peuvent ainsi rattacher plus facilement un membre à une famille.

Cela permettait aussi et surtout d'éviter les erreurs liées aux homonymies. C'est forcément le cas quand on s'appelle Pascal Faure ou encore Jean-Claude Boyer (ils existent).
Les prénoms évoluent donc au gré de ces tendances comme il en est de la couleur dans la mode. Certains prénoms connaissent de surprenantes disparitions. On peut ainsi penser ainsi que si des chanteurs ont favorisé l'émergence de quelques prénoms, certaines chansons en ont fait "mourir" d'autres.

Comme Georges Brassens, en 1972, on pense à Fernande.

Fernande était très à la mode entre 1927 et 1937 quand Brassens devait être adolescent. Donné alors 338 fois, il a totalement disparu depuis.

Annie et le sucre d'orge qui lui coule dans la gorge, chanté par France Gall sur des paroles de Serge Gainsbourg en 1966 sonne le glas d'un prénom pourtant très apprécié (1194 entrées avant 1969).

On ne parlera pas d'Ingrid ( attribué 26 fois seulement en Haute-Loire au cours des années 70-80), le prénom a été remis au goût du jour par le sketch "Tournez Ménage" des Inconnus.
On citera encore le prénom Simone (plus de 1500 entrées toutes avant 1965) célèbre dans l'expression "en voiture Simone" (qui fait référence à Simone de Pinet de Borde des Forest, pilote très réputée entre deux-guerres) qui a été repris en gimmick par Guy Lux qui interpelle ainsi sa partenaire Simone Garnier dans l'émission célébrissime "Intervilles". Simone Garnier sera aussi popularisée aussi par le succès du sketch du schmilblick de Coluche. 
Le prénom Félicie (x 230) n'a pas résisté longtemps au succès de la chanson de Fernandel sortie en 1939 puisque les dernières Félicie à voir le jour en Haute-Loire le firent en 1940.

Beaucoup d'autres prénoms connaissent, sans véritables raisons, un déclin irrémédiable. C'est le cas du prénom Georges (1683 fois, très populaire dans les années 50-60), de celui de Maurice (1675 garçons), de celui de Gustave (337 fois avant 1944 puis plus du tout attribué) ou aussi de Gaston (donné 395 fois puis disparu en 1953. Il est vrai que pour lui ç'aurait été foutu quand même après l'énorme succès de Nino Ferrer en 1967, car Gaston ne répondait plus alors qu"y'avait le téléphone qui son".

Les prénoms de garçons durant les trente glorieuses Photo par Th Chabanon

Pas de vrai motif non plus pour justifier la disparition totale des prénoms stars du baby-boom,  Roger (2140 fois et qui disparut d'un coup en 1965), Gérard (donné 1565 fois puis qui disparaît après 1971) ou Yves (x 849 et disparu en 1967).

Comment expliquer la disparition de Michel (prénom donné 3087 fois puis presque plus après 1972, remplacé sans doute, par le prénom Mickaël, plus moderne, plus américain), de Christian (1622 garçons), de Philippe (1531 avant 1990), d'Éric (880 disparaissent dans les années 1980) ou de Jacques (1676) et d'Alain (x 1858 entre 1950-1975) qui ont tous disparu durant les années Giscard ?

Chez les femmes, aussi, beaucoup de prénoms très populaires ont disparu des tablettes.

Ce sont les Odile (485 prénoms entre 1950 et 1963), les Françoise (1240 filles ainsi prénommées toute avant 1960), Monique(1681 prénoms prinicipalement entre 1936 et 1966), , Hélène (plus de 1006 entre 1940 et 1975), Eveline/Evelyne (343 entrées entre 1950 et 1970) . On déplore encore la disparition de Fabienne (populaire aussi entre 1957 et 1971 avec 355 choix), des Béatrice (405 fois donnée entre 1948 et 1986) et des Valérie (donné 605 fois de 1900 à 1989),des Gabrielle (381 filles, toutes avant 1960) ou encore bien sûr des Élisabeth (632 dont beaucoup après 1953, date de l'avènement de la reine Élisabeth II), .

Des prénoms très populaires comme Catherine (X 1222) ou Christine (X 934) comme Anne (x 647), Annie ( x 1194), ou Christiane (x 1250) résistent, puis disparaissent subitement au cours des années 1980.

Les prénoms féminins en vogue durant les années 60 et 70 Photo par Th Chabanon

Mais la disparition la plus marquante est celui des prénoms en -ette. Ils n’ont pas passé le cap des années soixante-huitardes.

Où sont passées les Arlette et Mauricette ?

On compta en Haute-Loire pas moins de vingt-sept prénoms différents se terminant par -ette avec dans un ordre alphabétique : Annette, Antoinette, Arlette, Bernadette, Claudette, Colette, Eliette, Georgette, Ginette, Henriette, Huguette, Jeannette, Josette, Juliette, Louisette, Lucette, Marie-antoinette, Mariette, Marinette, Mauricette, Odette, Paquerette, Paulette, Pierrette, Rosette, Sylvette et Yvette.

En Haute-Loire, vingt-sept prénoms différents en -ette

Elles ont été 12 944 et leurs prénoms ont disparu définitivement après 1974, même si on connaît une Suzette née en 1997.

Les prénoms en -ette sentaient trop la vieille France de la 3e république puis celle, engourdie des années De Gaulle. Ils sonnaient sans doute un peu trop proprets, un peu trop lisses, comme l'écho d'un manque de liberté féminine. La désinence en -ette est réductrice, elle ne correspond plus à la féminité nouvelle qui va émerger des années de crise.

Pourtant, ces -ette ont laissé de nombreuses traces dans le langage commun et surtout dans la culture pop française. Qui ne se souvient de l'engagement des Arlette (x 336 dans le 43), qui non plus, n'a jamais plaint cette pov' Lucette (x 380) ou préféré celle qu'est plus belle que Mauricette (x 35 seulement en Haute-Loire) ?
Qui n'a jamais dit à une Bernadette, qu'elle est vraiment très chouette (x 1000 fois entre 1923 et 1974, où il a été donné trois ultimes fois) ?

Qui n'a rêvé de ne pas mettre pied à terre devant Paulette (x 1260, toutes nées avant 1960) comme le chantait avec talent et verve, Yves Montand?

Les prénoms du nouveau millénaire ont-ils vraiment changé?

En Haute-Loire, comme partout en France, les prénoms en vogue depuis l'an 2000 sont des prénoms courts et se terminant plutôt en -O pour les garçons et en -A pour les filles.

En Haute-Loire, on se distingue un peu des tendances nationales où le nombre de Gabriel et Léo répond à celui des Emma et Jade (Source Insee). 

On relève une plus grande variété de prénoms. En plus, comme les jeunes générations sont beaucoup moins denses que celles des baby-boom des deux après-guerres ou que celui des trente glorieuses, on trouve un bien moins grand nombre de mentions pour chacun d'entre eux. Dans les années 1960, six à huit prénoms se partageaient le gâteau, ils sont aujourd'hui plus d'une vingtaine pour chacun des sexes (voir notre liste téléchargeable au bas de cet article)

Les millennials dit aussi génération Y

Nous avons découpé cette tranche en deux, d'abord la tranche des millennials dit aussi génération Y (enfants nés entre 2000 et 2009) et puis celle des enfants nés dans la deuxième décennie de ce XXIème siècle, ceux des prénoms ont remplacé les Marguerite, les Marcelle, les Denise ou encore les Jeanne à la mode entre 1909 et 1919.

Chez les filles: les prénoms du nouveau millénaire, entre tradition et modernité

Filles des années 2000 Photo par Th Chabanon

Pour les garçons: égalité entre Mathis et  Lucas mais victoire des premiers si on y ajoute les Mattéo et les Matthieu.

les millennials garçons dit encore génération Y Photo par Th Chabanon

Les années présentes: Enzo en tête

Mais retour en force des prénoms d'avant, Louis et Jules. Lucas dégringole dans le classement.

Les garçons après 2010 Photo par Th Chabanon

Les années présentes pour les filles:

Les huits prénoms féminins les plus donnés depuis 2010 Photo par Th Chabanon

Emma  mène, Léa est troisième mais reprend la tête si on y ajoute les Léna qui sont dans la short liste des huit prénoms les plus donnés depuis 2010.

 

Voilà pour cette approche sentimentale et quasi sociologique de la Haute-Loire au cours des 120 années passées. Les prénoms, et, surtout leur sonorité sont le reflet d’une époque ou de certains moments de vie. Ils sont aussi un marqueur social indéniable. On ne porte pas le même prénom chez les Groseille que chez les le Quesnoy ("La vie est un long fleuve tranquille" en 1988, par Étienne Chatiliez ) à l’exception des deux enfants transfuges qui portent un prénom à cheval sur les deux milieux:  Bernadette Le Quesnoy/Groseille (jouée par Valérie Lalande) et Maurice Groseille/Le Quesnoy (interprété Benoît Magimel). On s’amuse beaucoup plus chez les Groseille (Marcelle et Frédo)  que dans la discipline stricte de Marielle et Pierre Le Quesnoy.

On retrouve tous ces prénoms dans les chansons populaires comme dans “les histoires d’amour finissent mal en général” des Rita Mitsouko

Valérie s'ennuyait

Dans les bras de Nicolas

Mais Nicolas, celui-là

Ne le savait pas

Isabelle a attendu, attendu

Mais Patrick n'est jamais reparu

ou encore dans “Oh les Filles”, chanson phare du groupe Au bonheur des dames

Je suis sorti avec Hélène

Dans un café on s'est assis

(...)

Je suis sorti avec Monique

Au cinéma on est allés

(...)

Je suis sorti avec Marcel

Il est sorti avec Marcel

(...)

Je suis sorti avec Karine

Elle ne m'a rien demandé

Elle est si douce, elle est si fine

Puis j'aime ses beaux yeux étonnés

J'aimerai toute ma vie Karine

Et rien n'pourra m'en empêcher

T.C.

 

 

Listing des prénoms des millennials utilsés pour fabriquer cet article