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Le prénom a changé (Part 1)

Par . . dim 03/01/2021 - 06:30 , Mise à jour le 03/04/2021 à 00:00

La  liste des prénoms à la mode de l’année écoulée est un de ces marronniers qu’on lit dans toute la presse de début d’année. Mais quand on s’attache à classer seulement les prénoms de la Haute-Loire et, ce, sur une période de 120 ans, ce n’est plus du réchauffé mais une plongée indiscrète dans ce qui touche à l’intimité des couples de notre petit pays depuis 1900.

L'Insee compile tout un tas de base de données dont celle des prénoms enregistrés par les parents à l'Etat Civil et l'institut en propose un téléchargement compilé depuis 1900 jusqu'à 2019 (1,3 millions lignes quand même) en libre accès.
Nous avons fait un tri de ces données pour les appliquer à notre département de la Haute-Loire. Dans ce listing réduit à 270 000 entrées (quand même) 136 987 prénoms masculins et 135 406 prénoms féminins auxquels il faut ajouter environ 10 000 lignes orphelines. 
On y découvre avec nostalgie des prénoms oubliés que portaient une vieille tante ou un arrière grand-oncle (le mien s'appelait Napoléon), les prénoms de ses propres parents et de ceux des parents de ses copains d'école (Maurice, Gérard, Denise ou Henriette), celui, romantique, de ses premiers flirts (Paule, Virginie, Xavier ou Lionel), celui aussi de nos enfants ou plutôt, celui qu'ils auraient pu porter avant le choix définitif (Sacha, Ugo, Inès ou Sarah).
Bien entendu, il est impossible d'être exhaustif et on pourra un jour ou l'autre essayer d'être plus précis.
Ce que nous avons choisi de faire, c'est d'échantillonner parmi les prénoms les plus populaires donnés par leurs parents aux enfants nés en Haute-Loire et déclarés dans les mairies du département. Cela exclut, de fait, une partie des habitants qui vivent en périphérie et pour qui, les maternités de proximité sont situées en dehors de ses limites administratives.

Si l'on y réfléchit, 270 000 prénoms, cela donne l'entièreté de la population actuelle du département, comme si elle avait été entièrement renouvellée en 120 ans.Les anciens prénoms ont disparu, il faut, pour les grands-parents, s'habituer aux nouveaux. Et parfois, ça râle un peu .

De cette première partie, ce que l'on peut dire, c'est que globalement, le département est marqué par une foi catholique qui se retrouve dans le choix des prénoms ainsi que dans la tradition de la lignée patriarcale. La popularité des principaux prénoms utilisés dans la première moitié du XXème siècle en atteste.

Marie est indémodable avec 28 937 utilisations

Marie est indémodable. Sur les 120 années considérées, il apparaît durant 109 années sans compter ses variantes où il est mêlé à un prénom composé. Il a été porté par 23 993 jeunes filles. Maria, sa déclinaison suit de près puisque donnée 2298 fois en 94 années à la suite.
On trouve, en plus, 4944 bébés prénommées Marie dans une forme composée dont 644 Marie-Louise, 378 Marie-Thérèse 222 Marie-Hélène et 261 Anne-Marie. On connait tous une Marie-Claire, une Marie-Claude, une Marie-France ou une Marie-Hélène, ou même une Marie-Laure, une Marie-Noëlle. Elles se font souvent appeler Marie tout court.
Ce prénom résiste encore puisque 206 jeunes filles ont été prénommées Marie entre 1990 et 2010.

Marie un prénom très courant encore aujourd'hui Photo par graphique Insee

Il y a eu 20 082 bébés prénommés Jean

Chez les garçons, Pierre est le prénom-roi. Il a été donné au moins une fois durant 111 de ces 120 années de notre échantillon. Michel ne l'a été que 94 fois, Louis 95 et André 74 années de suite, puis plus jamais après 1975.

Le prénom Stéphane en Hte-Loire comme en France est LE prénom des seventies Photo par Th Chabanon

Etienne a été porté 242 fois et il a été choisi encore quelques fois après l'an 2000, c'est un prénom qui revient à la mode comme on dit, dans sa version espagnole Esteban (25 fois). Il a surtout été porté, sans peut-être en avoir été conscient, par 755 Stéphane et 3 Steven.
Il y a eu 1541 François et 123 Francis mais, surtout 503 Franck, prénom qui a sans doute pris le relais de l'original dans les années 1960 où il est recensé à 431 reprises.

le Pic des Stéphane écrase tout en 1971 en France comme en haute-Loire Photo par graphique Insee

En réalité c'est Jean qui est le prénom le plus porté par les garçons depuis 1900 car on en trouve pas moins de 14 déclinaisons en prénom composé (Jean-Baptiste, Jean-Christophe, Jean-Claude, Jean-Francois Jean-Jacques, Jean-Louis, Jean-luc, Jean-Marc, Jean-Marie, Jean-Michel, Jean-Paul, Jean-Philippe, Jean-Pierre et enfin Jean-Yves).

Treize de ces variantes ont été utilisées en 1962 et encore onze en 1967 puis seulement neuf  en 1971 et en 1972 puis, peu à peu, ce prénom tombe en désuétude. On ne trouve plus que trois Jean-baptiste en 1989 et encore trois en 1995 et depuis, plus aucun Jean . La tendance est aux prénoms de l'ancien testament: Nathan, Noé ou Adam, Aaron ou Gabriel.

Au total, il y aura eu 20 082 bébés prénommés Jean dont 3595 dans une forme composée, peut-être utilisée pour éviter une répétition entre générations qui coexistent sous le même toit.

Les jean quelque chose très nombreux entre 1950 et oubliés aujourd'hui Photo par Thierry Chabanon

L'histoire du petit-Jean

Imaginons un instant, on est à Saint-Vidal, la Jeanne, une mère de famille, appelle son petit Jean pour qu'il vienne réviser ses tables de multiplications avec sa soeur, la Bernadette qui est bonne élève. Le Jean qui répond n'est pas le bon. Lui, il est à l'étable, en train de terminer la traite du soir. Il n'a, lui, que de mauvais souvenirs des devoirs d'école. Il a déjà eu bien du mal à aller jusqu'au certificat d'études et il se trouve justement bien benaise de finir le travail de la ferme aidé par son propre père qui lui donne encore la main. Il n'en veut pas trop au Petit-Jean de rester cacher. En un sens, il compatit. Jean, dernier du nom est caché au galetas depuis un bon moment, car décidément cette table des 7, elle ne veut pas rentrer. Il a attrapé un zéro le matin même et ne tient pas trop à ce que ça s'ébruite. Il pense redescendre pour le repas, il y a ce soir-là, "La piste aux étoiles" à la télévision. C'est l'émission préférée de son père et du grand-père, Jean-Baptiste qu'on appelle aussi Jean. Il devrait donc passer entre les gouttes et pour cette fois, éviter le coup de casquette ou de martinet (selon l'humeur du père) et surtout la leçon de morale qui ne manque jamais de s'en suivre.

Jean et Louis présents en combinaison aussi Photo par Th Chabanon

Louis a pris le relais de Jean et ce prénom ancien se porte très bien avec 197 enfants nés après 1985 sur les 3404 entrées recencées depuis 1900 en haute-Loire. Il n'était presque plus donné depuis 1960.

 

Le prénom, une histoire de mode ?

Le choix du prénom fait l'objet d'intenses discussions au sein du couple et, parfois même, c'est un sujet de famille. On en connaît certains qui ont été fâchés que leur prénom ou celui du grand-père disparaisse au profit d'un de ces nouveaux prénoms tombé de nulle part comme le trop célèbre Kevin et sa version féminisée, Kevina.

En Haute-Loire, cette mode n'a pas pris trop d'ampleur. On a enregistré que 261 Kevin en Haute-Loire, tous nés entre 1984 et 2008 avec un pic de cent entre 1990 et 1994. Il n'y a pas eu de Kevina ou alors, dans la proportion des prénoms rares non répertoriés par l'Insee.

Killian apparaît à soixante-neuf reprises sur un laps de trois ou quatre années aux environs de l'an 2000. Chez les filles, Flavie est donnée quarante-trois fois et on compte trente-trois Lilou et quarante-deux Lou, trente-neuf Margaux / Margot toutes nées entre 2002 et 2010.

Les décennies précédentes ont aussi connu leurs effets de mode.

On peut citer les Thierry (effet du feuilleton Thierry La Fronde, 918 entrées entre 1957 et 1968 et un pic à 113 en 1965), les Sylvie (effet Sylvie Vartan 905 attributions dont 530 entre 1962 et 1975), les Sébastien (effet du feuilleton Belle et Sébastien de 1965, 699 entrées après 1968 ) de même que les Cécile ( 672 entrées données pour beaucoup après 1965) sans doute à cause du même feuilleton écrit et réalisé par Cécile Aubry. 

Cécile est sans doute aussi un choix inspiré de la belle chanson de Claude Nougaro éditée en 1963, tout comme Nathalie a pu l'être 672 fois, en grande majorité, donnée après la sortie du titre de Gilbert Bécaud en 1964.

Certains prénoms à la mode présentent des pics remarquables Photo par Thierry Chabanon

Michel, enfin est le prénom populaire des années d'après-guerre. Il a peut-être puisé sa notoriété dans Michel Strogoff, le roman d'aventure de Jules Verne, adpaté au cinéma en 1956 puis à la télévison dans les années 1975/76. De Michel Platini à Michel Houellebecq, il est aussi porté par de nombreux présentateurs TV et par quelques personnalités en Haute-Loire. Il est à la fois le prénom de l'archange et celui de l'alchimiste Nostradamus.Il est célébré à Aiguilhe le 29 Septembre.

Fin de la partie Une.

NB: L'article publié ce matin pendant une 20 minutes a fait l'objet d'une maladresse dans le choix de la photo d'illustration. C'était involontaire, nous nous en excusons auprès des personnes qui en auraient été offusquées.

A suivre, "Comme Georges brassens, on pense à Fernande", "Où sont passés les Arlette et Mauricette?", "Prénoms des millennials et Prénoms d'aujourd'hui".