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Haute-Loire : 'coupé du monde' une cinquantaine de jours

, Mise à jour le 27/11/2020 à 09:08

"On a le sentiment d'être pris pour des imbéciles". Henri Daudet, habitant le village du Villard, sur la commune de Saint-Jean-Lachalm, ne cache pas son amertume : dès le début de la panne, il a multiplié les coups de téléphone (seul le téléphone portable passe, par endroit) aux Telecom mais "on n'a personne en face pour pouvoir discuter, on n'a que des plateformes, c'est énervant".
Surtout, un problème qui devait être réglé en une poignée de jours seulement a finalement traîné près de deux mois (46 jours exactement), avec le sentiment pour la population locale qu'on se moquait d'eux jusqu'à l'intervention, tardive, des techniciens. "Une fois sur place, ils étaient très gentils et tout a commencé à s'arranger", souligne le retraité.

"Il y a eu comme un coup de fusil dans la cuisine"
Tout commence le samedi 19 septembre dernier. Un violent orage menace la Haute-Loire et à 12h45 précisément, un coup de foudre vient s'abattre sur le poteau Enedis du village du Villard, sur la commune de Saint-Jean-Lachalm. La ligne téléphonique, mais aussi le câble électrique allant jusqu'au transformateur du village sont détruits. "Il y a eu comme un coup de fusil dans la cuisine, on a bien eu un peu peur", témoigne Henri Daudet, qui habite à proximité du lieu où la foudre s'est abattue. Il avait bien débranché sa box Internet mais la ligne intérieure a été grillée. 
Tout autour, les dégâts sont conséquents : frigo, congélateurs, chaudières... de nombreux appareils électriques ont grillé chez la plupart des habitants. Vestige de la violence du coup de foudre, on peut apercevoir le boîtier électrique qui a été éjecté du pilier et qui s'est niché dans un arbre à proximité, où il demeure (voir photo n°2).

Près d'un quart de la population privé d'électricité, de téléphone et d'Internet
Au total, trois villages (le Villard, Séjallières et Sanssac) se trouvent privés d'électricité, de téléphone et d'Internet. En tout, une quarantaine de foyers (soit près d'un quart des 300 habitants de la commune) est impactée. Heureusement, pour l'électricité, l'intervention a été "très très rapide", assure Paul Broud, le maire de Saint-Jean-Lachalm, "mais il a fallu beaucoup de temps avant que les équipes d'Orange ne prennent conscience de l'ampleur des dégâts".
Dès le 19 septembre, Orange assure la population que le téléphone et Internet seront de retour le 24 septembre... puis le 28 septembre, puis le 3 octobre, puis le 10... jusqu'à un retour à la normale finalement effectif seulement ce mercredi 4 novembre. Les usagers, énervés, "ont eu l'impression qu'on se moquait d'eux", déplore l'élu.

Parfois le sentiment d'être pris pour des imbéciles ?
Si le téléphone portable passe encore à certains endroits (beaucoup de personnes âgées ne savent pas bien s'en servir ou n'ont pas la force de faire plusieurs centaines de mètres pour trouver du réseau), "ici, tout le monde a un téléphone fixe, il est encore très utilisé, et même primordial", raconte Henri Daudet. Quant à la connexion à la toile, "il y a un tas de choses que l'on ne peut que faire par Internet, comme les assurances ou les impôts", ajoute-t-il. 
Est-ce que vous avez l'impression que ces territoires ruraux sont un peu abandonnés par les opérateurs ? On a même parfois un peu le sentiment d'être pris pour des imbéciles ?

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----Enfouissement des réseaux : le revers de la médaille
S'il permet d'effacer l'impact paysager, l'enfouissement des réseaux peut aussi présenter des inconvénients. S'il a été plutôt aisé de réparer les câbles aériens (visibles), c'était une autre paire de manches pour les câbles souterrains, avec des travaux bien plus compliqués et onéreux (il faut une pelle mécanique pour creuser) et ce n'est qu'après avoir réparé un segment que l'on peut identifier une panne sur un autre segment, etc. Ce qui explique, en partie seulement, la si longue durée des travaux.-----Sans Internet, des préjudices importants et des personnes âgées en danger
Le préjudice peut être très important car aujourd'hui Internet est devenu un outil quotidien et absolument indispensable. La commune a ainsi été confrontée à de sérieuses difficultés comme par exemple pour la télégestion (la municipalité pompe de l'eau pour la mettre dans des réservoirs et la redistribuer sur la commune), qui se fait habituellement par Internet et qu'il a fallu refaire manuellement, en se déplaçant plusieurs fois par jour sur site. Sans parler du télétravail, pourtant d'actualité mais totalement incompatible dans ces conditions, ou le téléchargement d'attestations de déplacement...
Préjudice aussi pour les personnes âgées bénéficiant de la téléassistance, ce service qui permet en appuyant sur un médaillon ou une montre portée en permanence de mettre en contact une personne âgée avec un téléopérateur en cas de problème à domicile (chute, malaise…), 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Une panne qui pouvait directement mettre en danger les administrés : "on était inquiets pour nos personnes âgées qui en ont besoin pour être en sécurité", souligne le premier magistrat de la commune, "et qui ont besoin de garder un contact avec leurs proches, de sentir une présence autour d'eux, d'autant plus en cette période de confinement où les déplacements sont limités et sans réseau téléphonique, dans les campagnes, on se sent encore plus isolés".

Comment faire une déclaration de sinistre en ligne quand on n'a plus d'Internet ?!
Il y a une certaine ironie dans cette affaire car bon nombre de démarches, notamment pour faire suite à cette panne, ne se font que par Internet non ? 

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L'abandon des territoires ruraux
Si l'abandon des territoires ruraux et des services publics qui devraient y être rendus est au coeur de ce dossier (ne devrait-on pas imposer aux opérateurs de s'installer en zone rurale ? proposait le député Jean-Pierre Vigier en 2017), on peut craindre que la situation n'empire avec notamment le projet de suppression de la trésorerie de Cayres, ce qui obligerait les habitants de Saint-Jean-Lachalm, s'ils ne peuvent ou ne veulent pas faire leur déclaration d'impôts en ligne, à se rendre à... Langeac : un trajet de plus de 30 km et d'une quarantaine de minutes.

Maxime Pitavy