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L'eau du lac du Bouchet pas assez transparente ?

lun 21/09/2020 - 20:14 , Mise à jour le 27/11/2020 à 09:08

"Entre la mi-juin à la mi-août 2020, nous avons constaté une turbidité anormale du lac du Bouchet dont nous n’expliquons ni l’origine ni la nature (biologique et/ou sédimentaire) : habituellement claire sur plusieurs mètres avec un fond visible sous 5 à 6 m d’eau, l’eau est restée troublée pendant toute cette période, le fond n’étant plus visible au-delà de 1.5 m", explique la édération de Pêche et de Protection du Milieu Aquatique de Haute-Loire dans un communiqué de presse.
Le phénomène s’est progressivement estompé à partir de la mi-août, le lac retrouvant sa clarté habituelle fin août-début septembre. Un tel événement n’avait jamais été constaté dans un passé récent (20 ans) ; il arrive régulièrement que le lac se trouble sur quelques jours, notamment par grands vents, mais jamais avec autant d’intensité et sur une telle durée (2 mois).

Le phénomène aurait "sensiblement modifié « la tenue » des poissons du lac et leur comportement alimentaire"
Cet incident étant arrivé peu de temps après d’importantes précipitations le 12 juin 2020, la Fédération s'est interrogée de savoir si "un apport massif en particules et/ou nutriments dans le plan d’eau par ruissellement aurait pu provoquer une forte turbidité des eaux". Par ailleurs, le phénomène aurait "sensiblement modifié « la tenue » des poissons du lac (leur position dans la couche d’eau) et leur comportement alimentaire".
Des analyses d’eau ont été commandées par la Fédération. Des prélèvements d’eau et de phytoplancton ont été réalisés le 20 août 2020, soit à la fin du phénomène constaté, sur deux sites du lac : en bordure (devant le restaurant) et au « milieu » du plan d’eau. Les laboratoires TERANA HAUTE-LOIRE et CARSO LYON ont réalisé ces prélèvements et les analyses. Il est utile de rappeler que ces analyses avait pour unique objectif de caractériser la qualité de l’eau du lac à un instant T pour tenter de répondre à une interrogation sur la transparence observée du 15 juin au 15 août.

En résumé : une excellente qualité d'eau mais un phénomène inexpliqué
"Il faut retenir une excellente qualité de l’eau du lac Bouchet parfaitement oligotrophe sur ces résultats d’analyses physico-chimiques", assure la Fédération, "malheureusement cela n’a pas permis d’expliquer clairement l’origine de la transparence limitée du lac cet été. Seules des hypothèses peuvent être avancées (développement de phytoplancton suite aux précipitations fortes du 12 juin et apports de nutriments suivis d’une baisse du phénomène à partir de fin août // baisse des températures. 
A noter également dans les archives des mesures de l’Agence de l'Eau Loire-Bretagne : une forte charge en phosphore des sédiments mais avec pas ou peu de relargage possible actuellement. Un des paramètres recherché nous a surpris par sa présence : Nicotine et cotinine (métabolite de la nicotine) qui sont trouvées dans les eaux du lac ? Avec des taux très très faibles, difficiles à interpréter mais qui interroge. En conclusion il faut retenir l’excellente qualité de l’eau du lac Bouchet oligotrophe et l’absence d’explications précises via les prélèvements du 20/08, période qui correspond globalement à la fin du phénomène".

En détail : les analyses physico-chimiques
Pour les plus experts, voici le détail technique des analyses. "S’agissant d’un prélèvement d’eau de surface fin août, compte tenu du contexte climatique (été 2020 chaud et sec) et de l'altitude du plan d'eau (1200 m), les eaux sont chaudes, un peu plus chaudes en bordure (22.7 °C) qu’au milieu du lac (21.3 °C). La conductivité est très faible (29 yS/cm) ce qui indique des eaux très peu minéralisées. Ceci est confirmé par la mesure de la dureté totale (1.2 °F), du calcium et du magnésium (~ 2 mg/l) qui traduisent des eaux « pauvres » et peu nutritive pour la faune aquatique. Le potentiel hydrogène est légèrement basique (pH > 7) en lien avec le fond géochimique (roches volcaniques du Devès) et probablement l’activité photosynthétique de la végétation aquatique (mesure en début d’après-midi).
La concentration en oxygène dissous (~ 8 mg/l) est normale pour la couche d’eau de surface (< 5 m) à cette époque de l’année. Pas de différence significative de ces 3 paramètres selon le lieu du prélèvement. La mesure de la turbidité indique des eaux claires (NTU < 5) en bordure et au milieu du lac. La transparence au disque de Secchi n’a pas été mesurée (simplement indiquée comme étant > 1 m). Les teneurs en matières en suspension, bien que plus importantes en berge (8.3 mg/l) qu’au centre du lac (2 mg/l), ce qui semble logique (apport des berges, mobilisation des particules du fond), sont faibles et reflètent une situation tout à fait normale pour un lac de moyenne montagne.
Les demandes chimique et biochimique en oxygène et le carbone organique dissous indiquent une faible teneur des eaux du lac en matières organiques, d'origine naturelle (débris végétaux et animaux) ou anthropique (effluents), biodégradables ou non par les micro-organismes. Les concentrations en principaux nutriments (phosphates, nitrates, sulfates) sont faibles et révèlent des eaux peu productives, exemptes de pollution.
« Absence » d'ammonium et de nitrite donc pas d'indication d'une pollution récente (ou de présence de matières organique en décomposition).
Faibles concentrations en chlorures (< 2 mg/l) en lien avec un niveau trophique et une minéralisation réduits et l'absence de pollution".

En détail : substances émergentes
"Nicotine et cotinine (métabolite de la nicotine) sont trouvées dans les eaux du lac. On sait aujourd’hui, à travers de nombreux exemples de la littérature scientifique, que les néonicotinoïdes (molécules synthétiques dérivées de la nicotine), solubles dans l’eau, ont de très forts impacts sur la faune aquatique (zooplancton, invertébrés, poissons). Cependant, en l’absence de donnée bibliographique relative aux normes de qualité de ces substances selon leur concentration dans l’eau, il n’est pas possible d’interpréter les résultats".

En détail : phytoplancton
"Le phytoplanton concerne les algues microscopiques en suspension dans l'eau. Leur abondance renseigne sur le niveau trophique des eaux, lui-même dépendant des teneurs en nutriments (phosphore notamment) dont se nourrissent les algues pour leur croissance. Les densités en phytoplanton dans les eaux de surface sont faibles au milieu du lac (1040 cellules/ml d'eau) et très faibles en bordure (414 cellules/ml).
Clhorophycées (algues vertes) et cyanobactéries composent l'essentiel (88 à 92%) du peuplement, à part égale (~ 40%) en bordure du lac et dominée (67%) par les premières au milieu du lac. Les autres groupes - chrysophycées, chryptophycées - sont absents ou sont peu représentés : diatomophycées et zygophycées (~ 12%) en bordure ; diatomophycées, dinophycées et zygophycées (~ 8%) au milieu du lac
".

Tentative d'explication
"L’hypothèse la plus probable demeure un fort développement du phytoplancton par apport exogène de nutriments suite aux intenses précipitations du 12 juin 2020 sur le petit bassin versant du lac (1 km2 ). L’hypothèse d’un apport endogène par les sédiments du fond du lac apparait peu probable, les études antérieures (Agence de l’eau) ayant montré leur faible capacité de relargage dans les eaux surnageantes malgré des teneurs importantes en phosphore notamment.
Le plancton serait resté abondant pendant 2 mois, de la mi-juin à la mi-août, réduisant très nettement la transparence de l’eau qui n’est redevenue « normale » qu’à la fin août (par mortalité progressive et consommation de la production primaire).
Les conséquences éventuelles de ce « surdéveloppement » du phytoplancton, limité dans le temps, sur la physico- chimie du plan d’eau (production de matière organique, bilan de l’oxygène...) et les équilibres biologiques (modification de la croissance de la végétation aquatique et des poissons) n’ont pas été évaluées
".