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Les cinémas en plein scénario catastrophe

, Mise à jour le 27/11/2020 à 09:07

« C'est l'histoire d'un homme qui tombe d'un immeuble de 50 étages. Le mec, au fur et à mesure de sa chute, il se répète sans cesse pour se rassurer : " Jusqu'ici tout va bien... Jusqu'ici tout va bien... Jusqu'ici tout va bien. " Mais l'important, c'est pas la chute. C'est l'atterrissage. » La citation de Mathieu Kassovitz dans le mythique film La Haine (1995) pourrait illustrer ce que vivent les cinémas français actuellement. Et l’atterrissage semble se rapprocher de plus en plus vite à mesure que le temps passe sur les sièges désespéramment vides. Le phénomène est loin d’être cantonné à la seule Haute-Loire. Toutes les salles obscures de l’Hexagone, quelles soient petites, grandes, indépendantes ou municipales, sont touchées par cette baisse vertigineuse de clients en ces mois d’été 2020.

----En Haute-Loire :
Il y a onze cinémas recensés par le CNC (Centre national du Cinéma et de l'image animée) composés de 3 273 fauteuils et vingt écrans. En 2018, 16 053 séances ont été programmées dans le département et 578 films exploités. 53.5% sont des productions françaises et 34.6% américaines. 440 000 entrées ont été enregistrées toujours en 2018. Le taux d'occupation des fauteuils est de 16%, soit trois points de plus que la moyenne nationale. La Haute-Loire est l’un des départements où le ticket de cinéma est parmi les moins chers de France avec une place à 5,57 euros en moyenne.-----Un grand serpent qui se mort la queue
« Je constate une baisse de 85 % de la fréquentation dans mon cinéma au mois de juillet par rapport à l’année dernière et de 73 % pour le mois d’août, confie Guy Reynaud. Je pense que la cause principale est la déprogrammation de certains films notamment américains à cause de ce contexte général. » Autrement dit, c’est le serpent qui se mort la queue. Le public n’étant pas au rendez-vous, les distributeurs repoussent la sortie de leur films, provoquant ainsi un désintérêt des cinéphiles et ainsi de suite.

Cette boucle amère s’enroule d’autant plus autour du spectre de l’épidémie toujours présente dans les esprits et les visages masqués. « Comme dans tous les cinémas, les gens doivent en effet respecter les directives sanitaires mises en place, à savoir le port du masque pour chaque déplacement et un espace d’un siège entre chaque personne ou chaque groupe, détaille le patron des 1 047 places réparties dans les six salles du Ciné Dyke. Les personnes peuvent ensuite ôter leurs protections une fois installées sur leur siège ».

Un quart de séances en moins
Devant cette hémorragie de clients, Guy Reynaud a même été contraint d’amputer la quantité de son programme cinématographique. « J’ai décidé de diminuer le nombre de séances, indique-t-il. Nous sommes ainsi passés de 28 séances à seulement 21. » Une décision qu’il n’aurait pas forcément prise si certains films clés n’avaient pas été repoussés à des dates encore imprécises. Parmi ceux-là, lui et tous ses confrères comptaient sur la sortie de précieux longs-métrages comme Le Roi Lion, Mulan, Pinocchio ou encore Kaamelott.

Mais en pleine tempête, une bouée américano-britannique s’est tout de même immiscée entre les vagues. « Dès lundi 24 août, nous proposons en avant-première le film Tenet à 20h45, signé Christopher Nolan. Puis il sortira officiellement à partir de mercredi 26 août. » Une bouée à laquelle de nombreux professionnels vont s’empresser de s’accrocher. « Le film Tenet de Christopher Nolan est notre dernier espoir. Il est pour l’instant toujours prévu pour fin août », explique Richard Patry, directeur de la Fédération nationale des cinémas français (FNCF).

----Inquiétude sur la santé des cinémas :
« J'ai emmené mon petit-fils Eleon, 7 ans, mercredi 19 août au Ciné Dyke à 14h10, explique Marie-Line. Nous n'y étions pas allés depuis des mois et c'est vrai, ça fait vraiment plaisir. Nous sommes allés voir Les Blagues de Toto. Bien que je m'y attendais un peu, il n'y avait pas grand monde. Et je m'interroge : comment un cinéma avec si peu de public peut-il s'en sortir ? Et ceci depuis des mois. Je me suis même dit qu'avec une séance comme hier où il y avait une douzaine de spectateurs, ils devaient forcément travailler à perte ? ».
D’après Guy Reynaud, aucune aide de l’Etat n’a pour l’instant été présentée aux patrons des cinémas.-----« Je n’ai ressenti aucune crainte »
Mais qu’en pensent celles et ceux qui ont profité de cette désertion pour visionner tranquillement leurs film ?
« Je suis retournée au cinéma Le Family à Saint-Just-Saint-Rambert pour regarder Scoobydoo et Dreams avec mes deux enfants, confie Cécile Dole, habitante dans le département de la Loire. C’était un après-midi et il y avait 15 personnes au maximum. Je ne sais pas si cela a un lien avec le covid ou pas car les gens vont quand même au restaurant. »
Pour Géraldine Rochedix-Lashermes, résidente sur le bassin ponot, il faut y retourner sous peine de les voir disparaître. « Nous sommes partis en famille voir Scoobydoo au Ciné Dyke dimanche 9 août, précise-t-elle. J’étais très heureuse d’y retourner ! Je n’ai ressenti aucune crainte. Nous étions seulement 13 dans la salle ce qui résout complètement le problème de distanciation. Je pense sincèrement que nous avons besoin des cinés, des théâtres et des salles de spectacles ! »
Marc Toralba, de Monistrol-sur-Loire, fait également partie de ces gens qui ont osé s’engouffrer dans l’obscurité des salles. « Je suis allé voir Adorables le samedi 1er août avec l’un de mes fils dans le cinéma La Capitelle à Monistrol. Nous étions cinq dans la salle, divisés en deux groupes. Et franchement, nous étions sereins ».

« On risque de se faire contaminer et de contaminer les autres »
Quant à ceux qui ont mis une croix noire mais temporaire sur les cinémas, ils prônent principalement la prudence ou le peu de choix offert.
« Je ne comprends pas comment les directives sanitaires imposées peuvent être efficaces, se demande la Ponote Cynthia Gourbillon. Il faut mettre le masque pour acheter la place et pour se déplacer mais on peut l’enlever une fois assis. Je trouve ça complètement inutile puisqu’on va respirer le même air dans la salle et sans protection. On risque de se faire contaminer et de contaminer les autres».
Pour Marie-Laure, c’est le manque de choix et les affiches peu attractives qui génèrent son désintérêt passager : « Nous n'y sommes pas retournés depuis l’apparition du Covid-19, se désole Josiane Rousset, de Coubon. Nous craignons trop la promiscuité. »
Idem pour le Ponot Jean-Williams Semeraro : « Pas de cinéma dans ce contexte de crise sanitaire. La prudence avant tout chose ! »

Nicolas Defay