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Le Cévenol : Plus qu’un train, une histoire humaine

, Mise à jour le 27/11/2020 à 09:07

« Les travaux du chemin de fer sont entièrement terminés. C’est aujourd’hui que la voie a été ouverte à la circulation, tant pour les voyageurs que pour les marchandises. Il y a deux départs et deux arrivées par jour entre Langogne et Villefort, et autant entre Langogne et Langeac ». Extrait de la Haute-Loire du 21 mai 1870. La ligne des Cévennes, permettant de relier Paris à Marseille via les gorges de l’Allier, est construite par la Compagnie du Grand Central de France puis par la Compagnie PLM (Paris-Lyon-Méditerranée), il y a très exactement 150 ans.

----Un cauchemar de granite :
L’histoire débute en 1853 lorsque la Compagnie du Grand Central de France est créée par le Duc de Morny, député du Puy-de-Dôme. Il défend la construction d’une ligne ferroviaire en direction de Clermont-Ferrand, reliant Paris au sud de la France. En 1856, il procède aux premières études. Les travaux débutent en 1864. En 1866, la ligne est terminée entre Brioude et Langeac. Au sud, la ligne atteint Villefort en 1867. Il reste 107 km à réaliser entre Langeac et Villefort sur un parcours trés difficiles. Plus de 6 000 hommes vont alors travailler sur l’impossible chantier. Ils doivent percer les roches les plus dures tels que le granit et le basalte pour traverser l’intérieur des montagnes. En un temps record de quatre ans, ils parviennent enfin à établir la dernière jonction.-----18 gares traversées par le Cévenol dans 5 départements
L’association « 2020 : 150 ans de la ligne du train Cévenol » avait prévu deux mois de festivités à travers les 18 gares traversées dans les départements du Puy-de-Dôme, de la Haute-Loire, de la Lozère, du Gard et des Bouches du Rhône. Il devait s’y dérouler des conférences, des spectacles de rue, des expositions, des projections de films et bien d’autres surprises encore. La Covid-19 ayant pris le train également, tous ces rendez-vous ont été reportés à l’année prochaine. « Mais cela nous laisse une année supplémentaire pour peut-être arriver à trouver une véritable locomotive à vapeur afin de marquer encore plus le coup !», positive Marc Gouttebroze, vice-président de l’association.

Souffler les bougies maintenant et déballer les cadeaux dans un an
En attendant d’honorer comme il se doit l’anniversaire de cette vieille dame de fer, l’association a organisé 6 randonnées en boucle ce mardi 18 août dans autant de gares à savoir celles de Chamborigaud dans le Gard, de Villefort, Langogne et Chapeauroux pour la Lozère, et de Monistrol-d’Allier et Alleyras en ce qui concerne la Haute-Loire. « Les gens étaient pour moitié des gens du coin et pour l’autre moitié des touristes venus de Paris, de Toulouse et d’autres villes du sud, partage Marc Gouttebroze. À Alleyras, nous étions une trentaine à nous être retrouvés pour parcourir un trajet de 21 kilomètres qui longe la voix ferroviaire avec ses vues grandioses sur le panorama du Cévenol. Dans les autres gares participatives, l’événement a regroupé environ cinquante randonneurs. » L’objectif était de souffler tout de même les bougies en petit comité avant les grands rendez-vous reportés à l’année prochaine.

Le sang, la sueur, les drames et l’utopie
Mais pourquoi tant d’amour autour de cette ligne Clermont-Ferrand-Nimes où les ouvriers du 19ème siècle étaient rémunérés pour un temps en...saumon ? Car, au-delà de son âge et de son histoire, c’est son côté d’impossible qui enflamme les cœurs et force le respect. Au 19ème siècle, le projet pharaonique que souhaite voir naître l’Empire va non seulement implanter des trésors d’ouvrages d’art dans des régions de verdures et de paysages immortels, mais il va également insuffler une forme de vie dans des territoires isolés. Ce tapis de fer de 304 kilomètres, assemblés durant quatorze ans par 6 000 hommes où des saumons péchés à même l’Allier étaient leurs seuls salaires, s’est imprégné des vallées et du quotidien des habitants. Le sang, la sueur, les drames et l’utopie d’une telle réalisation se sont greffés dans l’ADN des gens, ponctuant les journées des paysans de l’époque à chaque passage de train, subjuguant les passagers par la beauté du voyage.

Plus d’une centaine de tunnels
Pour se rendre compte de l’ampleur de la tâche, le train Cévenol traverse pas moins de 106 tunnels, chevauche 47 ponts et viaducs et grimpe jusqu’à 1030 mètres d’’altitude, le tout sur 304 kilomètres. La ligne menacée à plusieurs reprises de disparaître totalement faute de financements et d’intérêt portés par la SNCF, des associations implantées dans les départements concernés ne cessent de se dresser énergiquement pour la défendre et la protéger. Car plus que des rails posées sur des tonnes de graviers, c’est une véritable épopée humaine qui chemine au-travers des montagnes.

Nicolas Defay