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L’appel des producteurs locaux : '''ne perdez pas vos nouvelles bonnes habitudes'''

, Mise à jour le 27/11/2020 à 09:05

« Ces six dernières semaines, les gens ne faisaient plus leurs courses autour de leur lieu de travail mais autour de leur domicile, explique Elodie Bory, ils ont donc découvert de super produits ». Celle qui fabrique des pâtes bio à partir de blé local à Saint-Christophe sur Dolaison sous l’appellation « Saveurs des champs » a reçu de nombreux témoignages en ce sens : « Leur dépense principale c’était la nourriture ; avec le confinement, ils nous disaient que c’était leur seul plaisir alors ils étaient en recherche de qualité, certains m’ont dit que ça leur avait ouvert les yeux sur ce qui se passe autour d’eux... que ce soit sur les marchés autorisés ou les magasins de producteurs, on a eu une explosion des ventes ».

"Acheter local, ça donne bonne conscience, c’est humain"
Il faut dire que les consommateurs avaient le temps de cuisiner. Sans oublier qu’une visite à la ferme représentait l’un des rares motifs de sortie autorisée pour achat de première nécessité. Qui plus est, « acheter local, ça donne bonne conscience, c’est humain », sourit Manon Silvestri, employée de commerce en intérim venue donner un coup de main à sa sœur sur la ferme d’Amalthée de Vazeilles Limandre pendant le confinement. Ces « bonnes habitudes » vont-elles disparaître désormais ?

Cela dépendra aussi de la poursuite des nouveaux créneaux de distribution inventés pour l’occasion. Les producteurs qui ont mis en place des livraisons à domicile hésitent à les poursuivre. Le jeu en vaut-il vraiment la chandelle financièrement ? « On n’y a pas trop pensé sur le moment... on demandait quand même un minimum d’achat de 40€ », répond Manon Silvestri qui a sillonné la Haute-Loire de Loudes à Monistrol-sur-Loire pour livrer des tomes aux artisous, des petits chèvres, des carrés de brebis et du beurre directement dans les boîtes aux lettres avec un pass de type facteur. « Ça va être difficile de continuer la vente à domicile avec la demande qui n’arrête pas de grandir et les marchés qui reprennent, alors on envisage d’instaurer des points relais dans les villages avec un stand le temps d’une demi heure par exemple, en tout cas ce ne serait pas dans des commerces car nous avons déjà nos revendeurs et ne veut pas marcher sur leurs plates-bandes », explique Manon Silvestri.

----La Ferme d’Amalthée est en train de développer un nouveau fromage à base de lait de vache face à l’engouement de ses livraisons et à ses nouveaux référencements dans les Intermarchés (Saint-Julien Chapteuil, Brioude et a priori prochainement Monistrol-sur-Loire).-----En même temps, les clients préfèrent cent fois le confort de la livraison à domicile alors les livraisons pourraient continuer avec, pourquoi pas, la création d’un demi poste, à l’image de la ferme de Brancouny de Saugues. Celle-ci a créé un poste en CDD de six mois. Les deux fermes sont en train de se doter de sites marchands individuels, avec paiement en ligne cette-fois. C’est la start-up ASC2SI d’Yssingeaux qui les leur développe à tarif préférentiel (360€) sans réaliser de bénéfice. Pendant le confinement, les informaticiens ont créé une plateforme de commandes pour les producteurs locaux. « Nos clients habituels avaient d’autres priorités alors on était disponible, raconte Marion Claude, on a souhaité apporter notre pierre à l’édifice. » Six producteurs ont utilisé la plateforme à titre gracieux jusqu’au 11 mai. En tout, cela a permis de générer près de 2 500€ de ventes avec des paniers moyens de 40€. Parallèlement, la Ferme d’Amalthée a lancé des appels tous azimuts sur Facebook. « Je me suis abonnée à une vingtaine de groupes publics, comme « Les vendeurs du 43 », je postais tous les jours, je devais les saouler ! », raconte Manon Silvestri dont les efforts n’ont pas été vains. Malgré tout, à la Ferme d’Amalthée, la période du confinement n’a représenté qu’environ 30 % du chiffre d’affaires habituel.

D’autres producteurs se sont unis pour proposer des paniers garnis en point relais dans des commerces. C’est le cas du « Drive des champs 43 » qui regroupe huit stands du marché du Puy-en-Velay, habituellement placés autour de la bibliothèque. Toutes les semaines, les quelque 50 paniers garnis pré-composés se sont écoulés en intégralité à la Cave Marcon. « C’est comme ça qu’André et Josiane Arsac, du Monastier, ont pu quasiment rattraper leur chute des ventes du côté des restaurateurs », témoigne Elodie Bory, également partie prenante du « Drive des champs 43 ». Un drive suspendu maintenant que le marché hebdomadaire du Puy reprend ce samedi 16 mai.

Une aubaine temporaire
Autre canal de distribution développé pendant le confinement, les grandes et moyennes surfaces (GMS). Confrontés à des rayons de pâtes et de farine dévalisés, la GMS a sollicité des producteurs locaux. C’est le cas d’Elodie Bory pour ses pâtes bio. Mais celle-ci n’avait pas assez de volumes pour y répondre. En revanche, le GAEC des Rives, à Saint-Privat du Dragon, a profité pleinement de cette recherche frénétique de farine. « On a eu chaud parce qu’en temps normal, on vend 70 % de notre production en restauration collective et privée, raconte Emilien Boudon, mais au final on n’a pas à se plaindre financièrement parce qu’on a vendu à Super U Langeac, au Puy, à Intermarché Brioude… on a vu un gros regain d’énergie à la boutique de producteurs La Ferme Ponote à Brives, on est en négociation avec les Biocoop, on a livré des magasins bio à Issoire, à Saint-Bonnet le château et même à l’Intermarché de Moulins. » Ce dernier sera d’ailleurs le seul point de vente qu’Emilien et Camille Boudon ne pensent pas continuer à livrer vu la distance.

----Plus cher ?
Selon Elodie Bory, ce n’est pas forcément plus cher de consommer local et de qualité : « Dans un sens, je suis d’accord que les prix sont plus élevés mais dans l’autre beaucoup de gens nous disent ‘quand on fait les courses au marché on achète moins de superflu et nos dépenses n’augmentent pas tant que ça’, donc avec les mêmes budgets, ils se rendent compte qu’ils s’en sortent. »-----Quant aux volumes qui leur seront commandés à l’avenir, ils tablent plutôt sur une baisse significative. « Les grandes surfaces ont fait appel à nous parce que les gros moulins industriels ont fortement baissé ou carrément stoppé leur production pendant le confinement, mais quand elles pourront à nouveau avoir de la farine en rayon à 0,90€ /kg, je peux comprendre qu’elles arrêtent la nôtre à 2€/kg », admet Emilien Boudon, soulagé en tout cas d’avoir pu écouler ses volumes. D’autant qu’il constate déjà une baisse de la demande des consommateurs qui ont fait des stocks : « Au début, on a fait deux grosses semaines de ventes mais quand des familles de quatre personnes achètent 10 à 20 kg, elles ne vont pas racheter de sitôt ! Heureusement, nos denrées ne sont pas périssables, comme nos collègues du lait ! »

Elodie Bory a aussi une pensée pour les producteurs de lait : « En mars-avril, le confinement est tombé en plein pic de lactation des vaches, or les laiteries ont réduit leur demande et baissé les prix… du lait a été  jeté. » Et de se projeter dans les semaines et mois à venir : « Si une deuxième vague de contaminations de Covid-19 se déclenche et que les marchés sont à nouveau interdits, il faudra bien écouler toutes les cerises qui arrivent bientôt. » Elle donne donc rendez-vous sur les marchés à nouveau réinstaurés, dans le respect des gestes barrières.

Annabel Walker

Le groupe public Facebook « Producteurs de Haute-Loire. Soutien pendant le COVID-19 » a été créé le 23 mars par une jeune exploitante d’élevage caprin. Sept semaines plus tard, il compte plus de 5 400 membres.

La carte interactive des producteurs et leurs solutions de distribution mise en place par Zoomdici.fr le 25 mars a totalisé plus de 14 600 vues >>>