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J’ai testé pour vous : le don de sang en période d’épidémie

, Mise à jour le 27/11/2020 à 09:04

Première bonne surprise : le carnet de rendez-vous est déjà bien plein. Je ne serai reçue que le 20 avril. Le jour venu, ce signe positif m’est confirmé : les donneurs répondent bien présents, notamment grâce aux appels lancés à la télévision. « On a eu un gros afflux de candidats au don au début de l’épidémie, me confie-t-on à l’accueil, on pensait que ça ne durerait que deux ou trois semaines mais ça continue. » Il faut dire que l’EFS du Puy ne reçoit que sur rendez-vous, ce qui permet d’étaler la collecte sur la durée car les produits sanguins ont une durée de vie limitée. « Comme les gens sont confinés, ils ont le temps de venir donner, mais avec la reprise d’activité là, on espère que ça va pas changer la donne », poursuit l’agent d’accueil derrière son masque chirurgical.

D’ailleurs, dès mon arrivée, elle me présente un masque chirurgical jetable pour remplacer celui en tissu que je porte. Mais pas avant de m’être lavé les mains à l’eau et au savon au WC à l’entrée. Mon nouveau masque sur le visage, je reçois le questionnaire habituel. On me demande si j’ai mon propre stylo ; oui, parfait. Sinon, on vous donne un stylo que vous conservez. Une chaise sur deux est condamnée pour respecter les distances de sécurité.

----Les collectes de sang mobiles continuent pendant le confinement.
> Voir la carte de lieux de collecte-----Question n°27 du questionnaire : « Avez-vous été en contact avec une personne ayant une maladie contagieuse au cours du dernier mois ? » Ben, pas à ma connaissance, mais avec le Covid-19 n’importe qui peut être porteur… Le médecin qui me reçoit dans la pièce d’à côté précise les choses : « uniquement les personnes symptomatiques ». Alors non, je n’ai pas eu de contacts. Et d’ailleurs, le Dr Rachel Conductier rappelle que le virus n’est pas présent dans le sang pendant la période d’incubation ou en cas de symptômes bénins. Il n’est présent dans le sang qu’en cas de symptômes sévères de la maladie. « Les candidats au don qui ont été en contact avec des malades positifs au Covid-19 doivent attendre 14 jours avant de donner, développe le Dr Conductier, sauf si elles portaient des protections, donc les soignants exposés mais convenablement protégés peuvent donner leur sang, même si on n’en a pas beaucoup puisqu’ils sont très occupés ! » Avant de me laisser poursuivre, elle me donne le petit dépliant avec le numéro à appeler en cas de fièvre ou autre signe d’infection dans les 15 jours suivant le don. « On le fait à chaque fois, mais là j’insiste vraiment », pointe le médecin.

Bon, je n’ai pas eu de contact avec des personnes positives. Je n’ai pas non plus eu de syndromes grippaux récemment. Ce n’est pas le cas de David, 31 ans, d’Araules, que je rejoins (à distance) dans la salle de don. Allongé sur un siège incliné au fond de la pièce, il me raconte qu’il avait essayé de donner son sang il y a deux semaines mais il avait eu de la température 15 jours auparavant. « Mon rendez-vous a donc été décalé de deux semaines », indique-t-il derrière son masque. David fait partie des donneurs réguliers, « même si j’oublie, glisse-t-il, la dernière fois c’était en août ici, j’avais prévu de venir mais c’est vrai que les messages à la télé, ça fait un petit rappel. »

"C’est dommage, avec les masques on ne voit plus les sourires"
Une seule infirmière s’affaire dans la salle de don. D’habitude elles sont deux. Mais l’une d’elle est en arrêt depuis le début du confinement, donc depuis un mois. « Elle n’est pas en arrêt à cause du Covid ? » s’inquiète un donneur. Non non, ce n’est pas le cas, le rassure-t-on. Conséquence de cette absence, les dons de plasma ne sont pas assurés. Et on n’a trouvé personne pour remplacer la jeune infirmière en arrêt. « Je suis à vous dans un instant ! » m’interpelle Sandrine Venries, l’infirmière solitaire mais joviale. « Et comment elle va la Cantalienne ?! » lui lance un nouveau donneur qui vient d’entrer. Il s’agit de Pascal, de toute évidence habitué des lieux. « C’est dommage, avec les masques on ne voit plus les sourires », remarque-t-il très justement. Quand je lui demande s’il n’a pas d’appréhension d’attraper le virus en venant ici, il me répond sans hésiter : « pas plus qu’ailleurs ! » Il faut dire que Pascal fait partie de ces actifs qui n’ont pas cessé de travailler face au public pendant le confinement : « je suis conducteur de transports en commun dans le privé, alors même si la porte avant est condamnée, qu’une zone d’espacement entoure le chauffeur, qu’on désinfecte tout le temps et qu’on demande aux gens de s’espacer, c’est pas évident de faire respecter les règles, du coup on est quand même exposé, mais c’est pas nous les courageux, c’est eux, les soignants, à qui il faut dire bravo ! » indique-t-il d’un geste de la main en direction du personnel de l’EFS.
En attendant mon tour, j’essaie de boire le demi litre d’eau que l’on m’a remis à l’entrée. Pas facile avec le masque ! Le Dr Conductier m’a montré comment défaire les lanières du haut du crane et laisser pendre le masque sans le toucher.

> Lire aussi : Don de plasma : un médicament irremplaçable… dans notre sang (07/05/2019)

Voilà, Sandrine Venries recouvre le bras de mon siège d’un papier à usage unique. Elle ne me propose pas de boule antistress à serrer dans le poing. Je ne sens même pas la piqûre. « On voit une vraie solidarité des donneurs, une vraie envie, remarque l’infirmière, et puis, comme ils sont confinés, ils se sentent souvent impuissants, il ne savent pas quoi faire pour se rendre utile ». D’autres profitent de l’un de ces rares motifs de sortie autorisée pour prendre l’air. « Ils me disent ‘ça me fait sortir un peu !’ mais peu importe le motif », sourit la Cantalienne qui constate que ce qui manque le plus aux gens c’est le lien social, une discussion, une petite blague…

Peur d’attraper le virus comme de le transmettre
Certains donneurs expriment-ils leur inquiétude d’être porteurs sains sans le savoir et donc de transmettre le virus ? « Non, répond simplement l’infirmière, chacun pense que ça n’arrive qu’aux autres, c’est ça le problème ! » Cette crainte, la donneuse deux fauteuils plus loin l’a pourtant ressentie. La quinquagénaire, habituée des collectes, confie qu’elle avait envisagé donner son sang au début du confinement mais que son mari l’en avait dissuadée par peur d’attraper le virus comme de le transmettre. « On avait été en contact avec pas mal de monde, dont nos enfants juste avant, mais maintenant ça fait un mois qu’on n’a plus aucun contact », justifie-t-elle aujourd’hui. « Et puis on voit que la Haute-Loire est peu touchée », se rassure cette agricultrice du Haut-Allier qui reconnaît qu’en étant confiné à la campagne, on est privilégié et on se rend moins compte du danger.

(Photos @ DR Zoomdici.fr Annabel Walker)

Au bout d’un moment, six donneurs sont présents en même temps dans la salle de don, dont deux attendent debout dans des coins différents de la pièce. Christine, l’agent de collation, vient demander à ceux qui terminent « Qu’est-ce que je vous sers à boire ? » Je me dirige vers la salle voisine. Chacun est invité à déposer son masque dans un bac posé à terre. Rien sur les tables. « Avant il y avait du sucre, les gens se servaient, raconte Christine, là c’est moi qui amène les assiettes [deux mini viennoiseries et deux œufs en chocolat, Ndlr] parce que sinon, si c’est touché, on doit jeter ». Christine confie désinfecter les tables après chaque donneur. « L’autre jour, il y en avait un qui se baladait en téléphonant et qui commençait à tout toucher, je lui ai dit de s’asseoir », peste-t-elle.

Restaurée, je la remercie et dis au revoir. En passant devant l’accueil, on me demande de me laver à nouveau les mains au WC. Je m’exécute. Mais en tournant les poignées des deux portes qui me séparent de l’air libre, je dégaine vite mon gel hydroalcoolique avant de reprendre le volant.

Annabel Walker

> Lire aussi : Pas de pénurie de sang, mais des besoins réguliers (19/03/2020)