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'''Le documentaire de création, c’est une forme d’engagement'''

, Mise à jour le 27/11/2020 à 08:55

Zoomdici : Vous avez tissé une relation spéciale avec Lucie, cette cousine du plateau du Mézenc chez qui vous avez passé toutes vos vacances d’été en étant petite. Pourquoi ce film ?
Sophie Loridon : En fait, j’ai écrit mon premier scénario sur Lucie quand j’avais quinze ans, au lycée… Ce film était une évidence pour moi. J’étais très attachée à cette femme, sauf que j’avais peur de l’intrusion de la caméra. Le déclic s’est produit quand un ami caméraman, Sandro Lucerna, m’a dit : « Il faut la filmer ». Comme je n’en étais pas capable, c’est lui qui a pris la caméra et qui nous a suivies au fil des visites pendant un an, en 2008. Il a filmé notre relation avec beaucoup de pudeur. Ce n’était pas évident pour moi d’apparaître devant la caméra, car en général, les réalisateurs n’aiment pas beaucoup ça...


(Lucie avec la réalisatrice Sophie Loridon et le cameraman Sandro Lucerna lors d'un tournage en mai 2009. Crédit Bernard Crozas.)

A 43 ans, vous êtes réalisatrice depuis de nombreuses années. Comment êtes-vous arrivée à ce métier ?
Quand j’avais vingt ans, j’ai commencé par faire des films pour la télévision. Même si c’était souvent des commandes, ils étaient tournés sous la forme de documentaire. En fait, j’ai toujours rêvé de réaliser des documentaires. Mais jusqu’à récemment, je n’avais jamais pris le temps d’en faire car cela demande beaucoup de temps, d’engagement et une forme de « sacrifice ».

Cela a-t-il été le cas pour « Lucie » ?
C’est mon premier documentaire de création, et il est un peu hors-système puisqu’il a complètement été auto-produit. Le tournage s’est fait en 2008-2009, puis il m’a fallu attendre 2017 afin de m’atteler au montage. C’est en rencontrant les nouveaux propriétaires de la maison de Lucie, que j’ai voulu leur faire découvrir ce personnage et donc le film. A part les images et la bande son, c’est moi qui ai tout fait : j’ai été à la fois réalisatrice, productrice, monteuse, distributrice et attachée de presse. Au début, je me suis acharnée à trouver des salles de cinéma sur le plateau ardéchois qui veuillent bien diffuser ce film, ce qui m’a pris énormément de temps. Heureusement, mon travail a payé puisque le public a largement répondu présent lors des séances de projection.

----Le Ciné Dyke du Puy reprogramme "Lucie, après moi le déluge" ce dimanche 10 février 2019 à 18h30.
Ensuite, prochain ciné rencontre cette fois en de présence de Sophie Loridon :
- à Monistrol-sur-Loire le 26 février avec l'asso "Cinéma m'était comté"
- à Yssingeaunx le 15 mars dans le cadre de Cinéma et ruralité
- à Borée le 16 mars avec Les Marmottes
- à Vorey le 17 mars-----En effet, rien qu’au Puy, 400 personnes ont vu le film. Et de nouvelles projections sont prévues dans le département. Etes-vous surprise de tant d’audience ?
Oui et non… Au début quand je contactais les salles de cinéma, aucune ne me répondait. Puis, à force d’engagement, cela a payé. Comme je vous l’ai dit, j’ai vraiment porté mon film jusqu’au bout et j’ai tout fait pour qu’il soit diffusé. Mis à part cela, comment expliquez-vous que votre documentaire ait tant de succès ? C’est un « petit » film, fait simplement et je pense que les gens aiment son authenticité, à l’image de Lucie. D’autre part, ce documentaire parle aussi d’une certaine époque. Beaucoup de personnes y retrouvent des choses de leur enfance, une sorte de Madeleine de Proust. Il y a peu de films qui leur permettent de se replonger comme cela dans le passé. Enfin, c’est incroyable de voir comment notre société a changé en quelques décennies. Lucie, elle vivait encore comme dans les années 1970. Et cela a quelque chose de fascinant pour les spectateurs.


(Lucie avec la réalisatrice Sophie Loridon lors d'un tournage en mai 2009. Crédit Bernard Crozas.)

----Lucie a totalisé 755 entrées en cinq séances au Ciné Dyke du Puy (le film a encore fait 323 entrées ce week-end malgré la neige). C'est le meilleur ratio nombre d'entrées / nombre de séances selon la direction du Ciné Dyke.-----Comment Lucie réagissait-elle face à la caméra ? Aurait-elle aimé voir ce film ?
Avec la caméra, elle réagissait de manière assez facétieuse. Elle faisait comme si elle n’était pas là, mais elle savait très bien ce qui se passait et elle n’hésitait pas quand elle avait des messages à faire passer. Si elle avait su qu’un jour, 400 personnes la verraient au cinéma du Puy, je pense que cela l’aurait fait rire ! C’est étrange car elle fait partie de mon intimité, et là elle est en train d’être connue par beaucoup de monde. Je pense qu’elle aurait été contente d’avoir fait une si grande tournée… Aujourd’hui, ce que j’aimerais pour ce film, c’est lui trouver un distributeur et lui permettre de sortir au niveau national.

Plus d’infos sur le film ici.

Propos recueillis par Julia Beurq