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Ces soldats de Haute-Loire qui ont vécu la Grande Guerre (OPINION)

, Mise à jour le 27/11/2020 à 08:55

11 novembre 1918, le jour n’est pas encore levé sur la forêt de Compiègne. Cinq heures viennent de sonner aux clochers alentour lorsque, dans la clairière de Rethondes dans l’Oise, les belligérants se retrouvent dans un wagon-restaurant aménagé pour signer l’armistice qui met fin à plus de 51 mois de guerre. La fin des combats est effective à 11 heures. Cependant des combattants perdent la vie quelques minutes avant cette heure fatidique. Pour certains soldats français, tombés en ce jour de l’armistice, la mort est antidatée. En effet, pour les autorités militaires, il est honteux de mourir le jour de la victoire.

10 524 soldats de Haute-Loire sont tombés au front pendant ces quatre années. Mais ils sont nombreux à mourir des suites de leurs blessures au cours des années suivantes. Un bon nombre retrouvent leur commune et leur famille, profondément touchés dans leur chair, mutilés, défigurés. On les appellera les « gueules cassées ».

Ce jour de la victoire, les cloches ont sonné, les clairons ont résonné dans le moindre village ; c’est la fin d’un trop long conflit. La joie de certains proches n’atténue pas la tristesse éprouvée par d’autres parce que leur Soldat est resté là-bas au loin dans un cimetière militaire, dans une nécropole ou tout simplement disparu, abandonné sur le champ de bataille.
Qu’as-tu vu Soldat ? D’où viens-tu Soldat ? Toi qui marches avec peine, le corps brisé, les pieds sanglants.
Je viens des terres d’épouvante . . .
(La Géhenne / Capitaine R. Christian-Frogé)

Pendant ces quatre années de guerre, les soldats ont beaucoup échangé avec leur famille. Certains décrivaient l’horreur des combats, la vie dans les tranchées, les copains qui tombent fauchés par les obus, les longs jours à se battre par tous les temps en grelottant dans le froid ou sous la brûlure du soleil, les longues nuits à attendre la venue d’un autre jour dont ils ignoraient de quoi il serait fait. D’autres au contraire ne parlaient pas de ces horreurs afin de protéger leurs proches.

« Il serait fou de chercher le corps de ton pauvre mari »
Les lettres adressées par les soldats à leurs familles sont poignantes. Le cousin de Joseph Benoît Varennes de Saint-Pierre-du-champ, tué à Champenoux, le 9 septembre 1914, écrit du front à la veuve de ce dernier le 7 novembre : « ton sort est bien cruel, ton mari est mort pour l’honneur du drapeau, et puis c’est le sort qui nous attend tous. Le malheureux défunt que nous regrettons adorait sa famille et dans nos moments de repos où nous nous reposions en causant de nos familles adorées et nous pensions ensemble à la joie de retrouver les nôtres. [...] Une balle est venue le toucher en plein cœur. Il n’a pas prononcé une parole et n’a pas fait un geste… Je comprends très bien ma chère cousine que tu aurais été heureuse de le savoir dans le petit cimetière de notre commune mais il serait complètement fou de chercher le corps de ton pauvre mari. »

Et que penser de Xavier Crepon de Roche-en-Régnier, mort à Secheprey, le 12 décembre 1914, la veille de la naissance de son fils ? Le courrier lui annonçant cet heureux évènement est revenu au foyer avec la mention « le destinataire n’a pu être atteint ». Alors à la joie succédera l’angoisse. Son décès est constaté le 20 décembre 1914 et la famille avisée seulement en février 1916.

C’est à un Allemand qu’il doit sans doute la vie
Il y a aussi des actions remarquables qui marquent les esprits et adoucissent un peu les atrocités vécues au front.
Antoine Mathieu Martin, né à Monistrol-sur-Loire le 24 juillet 1886, est exempté en 1907 mais reconnu bon pour le service le 8 décembre 1914. Il monte au front le 5 juin 1915 où il est engagé dans l’Oise à Ribécourt. Il rejoint la Somme puis Verdun au printemps 1916 et en été 1917. En participant à l’attaque d’une position allemande, il reçoit une balle dans l’abdomen le 28 juillet 1918 à Coincy (Aisne). Revenu au pays, longtemps après la fin de la guerre, il raconte à son petit-fils que c’est à un Allemand, médecin ou infirmier, qu’il doit sans doute la vie.

Ces malheurs passés, le temps est venu d’immortaliser le sacrifice de ces hommes qui, en répondant à l’appel de la nation, ont quitté leur commune avec l’espoir de revenir, bientôt. Dans chaque église, une plaque avec les identités des soldats tombés au champ d’honneur est apposée. Dans les années qui suivent, dans un élan républicain, les conseils municipaux décident d’ériger des monuments aux Morts. Ainsi, tout passant pourra se souvenir. Pour les descendants de ceux dont le nom est écrit en lettres d’or sur le marbre ou la pierre le cœur se serre un peu. Nul ne peut rester indifférent en jetant un regard à ces listes de soldats qui ont donné leur vie « pour que vive la France ». Puissent les générations futures ne pas oublier le sacrifice de ces jeunes hommes qui n’ont écouté que leur cœur et ont tout abandonné. Les femmes restées au pays, mères ou épouses, ont suppléé à ces absences pour continuer à vivre en poursuivant les activités professionnelles : paysannerie, artisanat ou commerce.
Les associations d’Anciens Combattants et le Souvenir Français perpétuent la mémoire, par leurs actions partout en France, pour que chacun se souvienne. Nous sommes tous concernés parce que toutes les familles ont eu, au cours de la Grande Guerre, un soldat qui a combattu. Maintenant le devoir de mémoire nous appartient ; à nous de le transmettre pour que la petite flamme du souvenir ne s’éteigne jamais.
« Sous l’Arc de triomphe, le Poilu dort. Non, il ne dort pas ; il veille !
Il veille la Paix ! » (Les Poilus / Joseph DELTEIL)

H.C.

Photo : Monument aux morts de Brioude. / Crédit André Seguy

>> Voir aussi :

14-18 : expo et projection à Aiguilhe

Conférence de Georges Michel au musée Crozatier sur les monuments aux morts de Haute-Loire le 29 novembre.

Jeudi 8 novembre, 18h , en mairie du Puy-en-Velay (salle du Conseil) : Conférence du Général Delolme "Les soldats de la Grande Guerre, héros ou victimes de la publicité".