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Arman Karapetian, ce boxeur ponot qui ne peut passer pro

, Mise à jour le 27/11/2020 à 08:52

"Depuis tout petit, j'ai toujours rêver de faire de la boxe", nous explique Arman mais son père ne l'y a jamais amené. Né en Arménie, il n'est arrivé en Haute-Loire qu'à l'âge de 18 ans, après un passage d'un an en Russie.
C'est le Cada (centre d'accueil des demandeurs d'asile) de Langeac qui l'a accueilli dans un premier temps, avant qu'il n'obtienne ses papiers et s'installe au Puy, où il tient depuis un garage.

"Dès que je suis monté sur le ring, j'ai compris que j'étais à ma place"
Il a d'abord essayé la musculation puis c'est un collègue qui l'a invité à chausser les gants. "Dès que je suis monté sur le ring, j'ai compris que j'étais à ma place", confie-t-il les yeux brillants et le sourire aux lèvres, citant pêle-mêle l'odeur, les sacs, le ring, ou encore l'ambiance et les gens autour.
"J'aime la difficulté de cette discipline", poursuit-il, "il faut du mental, du physique, de la technique... et beaucoup travailler". Il assure qu'à chaque fois qu'il monte sur le ring, l'adrénaline monte et quel que soit l'adversaire, "c'est toi ou lui, tu le respectes, mais le temps du combat, c'est la guerre".

Mieux vaut jeter l'éponge que mettre en danger son poulain
Avec plus de 30 combats à son actif (une vingtaine suffirait), depuis déjà plus de deux ans, la fédération l'autorise à basculer dans le monde professionnel mais son entraîneur Michel Guigon s'y oppose. "Au maximum, on dispose de la salle d'entraînement trois fois par semaine, là où des professionnels s'exercent deux fois par jour", déplore-t-il, "c'est une préparation qui serait trop inéquitable".
Pour le coach, qui n'a jamais vu passer de pro au Boxing Club Vellave, mieux vaut jeter l'éponge que mettre en danger son poulain : "on ne va pas non plus l'envoyer au charbon et passer pro pour aller se faire mal et risquer de se faire démonter".

Pas question de quitter le Puy car "j'ai toute ma famille et toute ma vie ici"
Seule alternative pour le boxeur vellave, rejoindre un autre club. Le plus simple serait à Saint-Etienne, comme lui a proposé Michel Guigon, "afin de prolonger son rêve de boxeur", ajoute le technicien mais il n'en est pas question pour Arman Karapetian.
"Je préfère rester fidèle au Boxing Club Vellave", tranche-t-il, "j'ai toute ma famille et toute ma vie ici et Michel, c'est lui qui m'a construit comme boxeur, je ne peux pas boxer ailleurs".

Une soixantaine de boxeurs refusés chaque année
S'il commence à regarder dans le rétroviseur ("il pleure car il  ne pourra pas rattrapper le temps perdu", confie Michel Guigon), à 31 ans, il pense aussi à l'avenir. Ses deux fils aînés, de 13 et 12 ans, sont également licenciés au club et commencent à obtenir de concluants résultats (champion de France des moins de 45kg). "J'aimerais les réaliser ce que je n'ai pas pu faire", commente-t-il, "moi j'ai attaqué tard, à 20 ans, mais mes fils ont débuté à cinq ans et ils peuvent aller loin", prophétise-t-il.
Malheureusement, Michel Guigon est assez pessimiste : "faute d'infrastructures, on aura le même problème dans quelques années. Déjà, on refuse une soixantaine de boxeurs chaque année et même si on les suit très jeune, on est vite coincés".

Un plafond de verre tant qu'il n'y aura pas de nouvelle salle
Un plafond de verre qui ne pourrait être franchi qu'avec "une salle plus grande et de nouveaux créneaux horaires". Un plafond justement inférieur à deux mètres de hauteur : c'était l'un des hics parmi les deux ou trois salles que la mairie a proposé au club car les tractations sont en cours depuis cinq ans déjà et de nombreuses visites ont été réalisées : "et comment on fait avec les grands boxeurs ? On les refuse ?", demande ironiquement le coach ponot.
Une autre présentait des pylônes en béton tous les 2-3 mètres et empêchait la tenue d'un ring. Pour une troisième, rue de Valenciennes, c'est la mairie qui a fait marche arrière car il y avait "trop de travaux à réaliser", reconnaît l'adjoint aux sports à la Ville du Puy Guy Chouvet.

----"Pas une usine à champions non plus"
S'il y a une centaine de licenciés qui se retrouvent sur la touche entre ces deux associations, faute d'infrastructures suffisantes, Guy Chouvet fait aussi remarquer : "plusieurs associations, comme la gym ou l'escalade, limitent aussi leur nombre d'inscription. On veut bien les aider, mais ce n'est pas une usine à champions non plus".-----Deux associations partageant les locaux et le refus de dizaines de licenciés
"Des clubs de sports de combat, on en a en pagaille", constate l'élu, estimant le volume total à environ 500 licenciés en comptant le Fighting Club, le Self Defense, le Taekwando ou encore le Viet Vo Dao...
Et c'est surtout avec le club de Savate (il refuse une cinquantaine de licenciés) que le Boxing Club Vellave cherche un accord, car l'association est à cheval entre le gymnase de Guitard et celui de la Libération. Elle utilise ainsi la salle de boxe les mardi et jeudi, des créneaux que voudrait reprendre le Boxing Club Vellave.

Le projet de création d'un "grand complexe sportif au Val-Vert"
Pour l'adjoint aux sports, il ne reste qu'une seule issue possible : la création d'un "grand complexe sportif au Val-Vert", espère Guy Chouvet, "avec le Boxing Club Vellave, la Savate, l'Athlétic club du Val-Vert ou encore des clubs de gym".
C'est dans le cadre du plan de rénovation avoisinant les 40 millions d'euros au Val-Vert (programme national de renouvellement urbain, financé par la Ville, les bailleurs sociaux, l'Etat, l'agglo et la Région) que serait possible cette alternative. "C'est à l'étude", concède l'élu car cette solution, loin d'être miraculeuse, ne serait pas pour demain : "notre objectif serait de débuter les travaux avant 2020".

Le dernier round
En attendant toutes ces tractations, pas question de jeter l'éponge tout de suite pour le boxeur altiligérien : avant de baisser sa garde et de raccrocher les gants, il espère encore monter sur le ring en professionnel pour un baroud d'honneur.
Viendra ensuite son dernier combat : Arman a passé son diplôme d'entraîneur et après une formation de deux ans, il est apte à reprendre le club en main en cas de problème. 

Maxime Pitavy