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Yssingeaux

Pas de "bouquet de fleurs" pour le retour du délégué syndical injustement licencié

, Mise à jour le 27/11/2020 à 08:43

La reprise en SCOP (société coopérative et participative) de l’Imprimerie Phil Print a fait grand bruit. C'est l'un des feuilletons "heureux" de l'été. L'aventure hors du commun de cette entreprise yssingelaise, en liquidation judiciaire suite à un investissement trop ambitieux. Les salariés ont décidé d'investir leurs primes de licenciement afin de sauver leur entreprise, vouée à la fermeture.
Ces indemnités représentent aujourd'hui le capital de l'entreprise, qui s'élève alors à 300 000 €. Suite à cette démarche, les 16 salariés, qui se retrouvent désormais “associés”, ont décidé d'embaucher, dans le rôle de responsable commercial… leur ancien patron !

Un "vote nominal honteux imposé à une assemblée des coopérateurs"
Ce dont on a moins parlé, c’est du fait que onze des 27 salariés sont restés sur le carreau et parmi eux, le délégué du personnel et délégué syndical Force Ouvrière Jean-Baptiste Samouth. Alors que l'inspection du travail vient de donner raison au syndicat, ce dernier dénonce dans un communiqué de presse un "vote nominal honteux qui a été imposé à une assemblée des coopérateurs", dans lequel il était demandé aux associés de voter "contre l’intégration de Jean Baptiste Samouth dans la SCOP". Parmi les 16 salariés, 14 ont voté contre.
Dans son rapport, l'inspection du travail explique : "il nous a été invoqué comme motif à ce vote contre Monsieur Samouth sa forte personnalité et ses conflits avec l’ancien dirigeant qui donnaient une mauvaise image de l’entreprise alors qu’en partie ces conflits étaient liés à ses mandats de délégué du personnel et délégué syndical".

Un lien entre le mandat syndical et la non réembauche dans la SCOP
L’Union Départementale FO avait alerté, en vain, l’Union Régionale des SCOP comme le Tribunal de Commerce sur cette attitude discriminatoire. "Heureusement, l’Inspectrice du Travail a fait son travail avec sérieux et a établi le lien entre le mandat et la non réembauche dans la SCOP", se félicite la direction départementale du syndicat, "elle a donc légitimement décidé de refuser le licenciement".
Pour justifier cette décision, l'inspection du travail mentionne que le salaréi concerné n’a "pas été informé des difficultés économiques de l’entreprise en tant que délégué du personnel", mais aussi que "les futurs dirigeants ne lui ont pas permis de venir à une réunion de préparation le 8 juin 2016 de la SCOP entre futurs associés". 

"Une première victoire sur l’arbitraire", selon FO
Pour l’Union Départementale FO, le refus de ce licenciement est "une première victoire sur l’arbitraire". Le syndicat se félicite de "défendre l’existence d’une inspection du travail indépendante", et "de défendre le droit du travail". FO43 remercie tous les militants, y compris ceux d’autres organisations syndicales, qui ont manifesté leur solidarité avec le délégué syndical licencié.

"Une décison allant à l'encontre du jugement du tribunal" selon la direction
Quant à la nouvelle direction de l'entreprise, la SCOP ICS (Imprimerie Coopérative des Sucs), elle explique que le manque d'informations sur les difficultés rencontrées à l'époque n'est pas de son fait, puiqu'il s'agissait de l'ancienne direction (Phil Print). "L'inspection du travail refuse le licenciement à Phil Print, qui n'existe plus depuis la liquidation judiciaire et c'est à nous, ICS, de reprendre le salarié", explique, dépité, Jean-Marc Marzona, co-gérant de la SCOP.
Ce qui rend la situation très compliquée, c'est que l'inspection du travail rend "une décison allant à l'encontre du jugement du tribunal". Ce dernier avait "ordonné le licenciement de tout le personnel puisqu'il s'agissait d'une liquidation judiciaire", explique Jean-Marc Marzona, "on a ensuite procédé à la création de notre coopérative, mais c'est différent d'une reprise". 

Une activité qui "côute moins cher à sous-traiter" et un autre licenciement pour compenser
Là où la situation "aberrante" selon le co-gérant de la SCOP, c'est que les 16 salariés qui ont été réembauchés lors de la création d'ICS, l'ont été "sur des postes priorisés" tant le budget était serré et "on n'a pas besoin de chauffeur-livreur (ndlr : le poste anciennement occupé par le délégué syndical) car ça nous coûte moins cher de sous-traiter cette activité". Pour Jean-Marc Marzona, il n'est donc "pas du tout pertinent de le réembaucher" et "ça n'a aucun lien avec son mandat syndical".
Comble de la situation ubuesque dans laquelle se trouve l'entrepreneur, "sa réembauche va d'une part nous faire perdre de l'argent, et d'autre part on sera contraint de licencier quelqu'un d'autre à sa place". Reste une option pour la SCOP : étudier les possibilités de recours.

"Il ne sera pas lynché, mais il ne devrait pas non plus être accueilli avec un bouquet de fleurs..."
"Phil Print existe encore par le biais de son mandataire", nous explique le co-gérant de la SCOP, "donc ils ont encore une trésorerie et peut être que ce sera à eux de prendre en charge une partie de son salaire par exemple ou une compensation financière accompagnant son départ". La décision de l'inspection du travail devrait être exécutoire immédiatement ; elle date du 20 septembre et ce jeudi 22, le salarié concerné ne s'était toujours pas présenté.
Quoi qu'il en soit, Jean-Marc Marzona s'engage à respecter la loi mais comme 14 des 16 salariés ont voté "contre l’intégration de Jean Baptiste Samouth dans la SCOP", le co-gérant de la SCOP reconnaît en guise de conclusion : "s'il se présente, il ne sera pas lynché mais il ne devrait pas non plus être accueilli avec un bouquet de fleurs...". 

Maxime Pitavy