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Prison ferme pour l'agresseur à la scie

, Mise à jour le 27/11/2020 à 08:41

Le prévenu est âgé de 67 ans. Il habite Chadrac depuis qu'il a regagné la région, il y a quelques années. Dépressif et alcoolique, cet ancien chauffeur routier a déjà réalisé plusieurs séjours en hôpital psychiatrique, notamment à Sainte-Marie.
Son casier judiciaire est déjà bien garni, essentiellement pour des faits d'outrages, d'injures, de dégradation ou de violences, à chaque fois dans des états d'alcoolémie manifeste. Ce vendredi, il était jugé dans le cadre d'une comparution immédiate, pour des faits de vol (la sacoche du gérant), de menaces de mort réitérées (la victime avait déjà déposé une main courante à l'encontre du prévenu pour des faits similaires) et enfin pour des violences aggravées par deux circonstances : en état d'ivresse et avec l'usage d'une arme, en l'occurrence une scie égoïne.

"Il était à deux doigts de me tailler le visage en deux, ça vaut combien d'après vous ?"
La victime et son employeur sont venus assister à l'audience. Ce dernier lance en introduction : "j'ai une employée de 22 ans qui est enceinte, heureusement que ce n'est pas tombé sur elle". Lui ne se porte pas partie civile, il est juste venu soutenir moralement son employée, à qui le tribunal demande de chiffrer son préjudice. "J'ai subi un choc mais c'est impossible à chiffrer", rétorque-t-elle, "il était à deux doigts de me tailler le visage en deux, ça vaut combien d'après vous ?".
Le Président André-Frédéric Delay est contraint de reconnaître ici "une des faiblesses des comparutions immédiates, où l'on retrouve des victimes qui n'ont pas eu le temps de se renseigner et ne savent pas ce qu'elles peuvent demander". Il est donc décidé de renvoyer sur intérêt civil les demandes d'indemnités car tout ce que demande la victime, "c'est qu'il soit enfermé".

"Il m'a donné un coup de pied, je lui ai donné un coup de poing"
Les magistrats ont ensuite tenté de refaire l'historique de cette histoire. Il y a quelques mois, le prévenu était déjà venu une première fois dans le tabac, complètement ivre, avant de commencer à insulter les clients. L'employée avait appelé la police pour le faire sortir. Un mois plus tard, rebelotte, toujours ivre, mais insultant et menaçant cette fois, donnant même des coups de pied dans le matériel du commerce. L'employée avait décidé cette fois-ci de déposer une main courante. 
Mais le revoilà encore quelques jours plus tard dans le tabac, menaçant de lui "faire la peau". Et ce mardi 3 mai, il croise le gérant dans la rue et les insultes fusent, notamment des injures à caractère raciste. "Je n'ai pas répondu", explique le gérant à la barre, "jusqu'à ce qu'il insulte mon employée. Je l'ai alors bousculé en lui disant d'arrêter, il m'a donné un coup de pied, je lui ai donné un coup de poing".

----Un cocktail explosif 
Le sexagénaire mélange l'alcool avec des anti-dépresseurs. Et ce mardi 3 mai, il venait de toucher sa retraite, il avait donc décidé de dignement l'arroser... Il est tellement ivre qu'il ne se souvient de presque rien. Interpellé à 16h45, un policier tente de le réveiller vers 2h du matin, en cellule de dégrisement, en vain. Il ronfle, couché sur le ventre. Tentant péniblement de se défendre, il balbutie devant les magistrats : "je ne voulais découper personne, c'était juste pour faire peur".-----Le prévenu enrage. Il repasse chez lui, se saisit d'une scie égoïne, et retourne en direction du tabac 
Mais le sexagénaire n'en reste pas là. Il poursuit le gérant et le rattrape plus loin, à l'entrée du cabinet d'ophtalmologie où il a rendez-vous. Même refrain : insultes, menaces et coups échangés. Dans la confusion et au moment de mettre dehors le prévenu, une employée lui aurait donné par inadvertance  la sacoche du gérant du tabac de Saint-Jean. Le prévenu, qui "saigne abondamment" après son altercation avec le buraliste, enrage. Il repasse chez lui, se saisit d'une scie égoïne, et retourne en direction du tabac du faubourg Saint-Jean.
"Il cherchait mon patron", explique l'employée à la barre, "il était complètement ivre et j'ai refusé de le servir. Il s'est alors rapproché de la banque et a brandi une scie vers mon visage". Un client entre et le prévenu s'enfuit en courant. Mais il revient une heure plus tard et agite sa scie en guise de menace. l'employée hurle et se saisit d'un bâton, qu'elle utilise pour désarmer son agresseur, alors qu'un voisin intervient aussitôt pour l'aider, avant que la police n'intervienne.

"Il s'en est fallu de peu pour que ça ne se finisse devant une cour d'Assises"
Le Ministère Public, représenté par Tristan Boffard, considère que le vol de la sacoche est caractérisé car même s'il ne l'a pas directement dérobée, il s'est bien gardé de la rendre... sutrout, il juge les faits "inacceptables" et estime qu'il s'en est "fallu de peu pour que ça ne se finisse devant une cour d'Assises". Déplorant que l'on ne puisse pas l'arrêter de boire autrement qu'en le plaçant en détention, il a rappelé qu'il agissait dans le cadre d'une récidive légale et a requis une peine de 18 mois dont six avec sursis.
L'avocat de la défense a rappelé la jurisprudence concernant le vol de la sacoche, et cette dernière relaxe son client. Il a demandé la même chose concernant les menaces, considérant que c'était parole contre parole. Quant aux faits de violences, s'ils sont reconnus, "évoquer la cour d'Assises est légèrement exagéré", a-t-il ajouté, avant de demander une peine avec un quantum supérieur de sursis et assortie d'une obligation de soins.

"Au moins, en prison, vous ne boirez pas"
Après en avoir délibéré, le tribunal du Puy a prononcé la relaxe pour les faits de vol "compte tenu de l'incertitude des circonstances et que le doute doit bénéficier à l'accusé". En revanche, pour tous les autres chefs d'inculpation, il a été reconnu coupable "car la procédure disposait de suffisamment d'éléments".
Une peine de 24 mois d'emprisonnement a été prononcée, dont 10 mois avec sursis et mise à l'épreuve pendant deux ans, le tout assorti des obligations de soins psychiatriques et contre l'alcool, l'obligation d'indemniser la victime (renvoi sur intérêt civil au 28 septembre) et enfin l'interdiction d'entrer en contact avec les victimes. Le Président a conclu : "au moins, en prison, vous ne boirez pas".

Maxime Pitavy