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"Dans ce naufrage, je me suis réfugié vers l'île où flottait le seul drapeau du centre"

, Mise à jour le 27/11/2020 à 08:39

Gérard Roche, qui a été un des fondateurs de l'UDI en Haute-Loire, ne se reconnaît plus dans ce parti. Déjà en janvier, lorsqu'il est venu présenter à la presse ses travaux au Sénat concernant le troisième âge, sa décision était prise, bien que non officialisée. Il a donc décidé de quitter le navire UDI, comme l'a révélé notre partenaire RCF Haute-Loire en fin de semaine dernière.
"Ça n'a aucun lien avec la politique locale", tient-il aussitôt à préciser, "Bayrou est écouté, c'est la seule voix du Centre aujourd'hui en France et en tant que parlementaire, je dois la vérité à la population quant à mes positions politiques".

L'UDI est devenu "un ensemble de petites chapelles, qui évoluent chacune pour elles"
"Je pense être un vrai centriste et d'ailleurs quand Jacques Barrot a participé à la création de l'UMP et que le mouvement centriste a rejoint le RPR, je n'ai pas suivi et je suis resté sans carte politique pendant des années". Il a fallu l'arrivée d'un leader comme Jean-Louis Borloo pour que Gérard Roche rejoigne l'UDI, "avec beaucoup d'enthousiasme". Pour le sénateur de Haute-Loire, c'est la dernière personnalité qui pouvait réunir un grand centre en en incarnant ces valeurs, "c'était un aventurier de la pensée, il n'était pas dans le ronron du quotidien".
Avant qu'il ne tombe malade et se retire, un rapprochement avec le MoDem était prévu. Puis Jean-Christophe Lagarde est arrivé, "après une élection contestée pour diverses raisons", et Gérard Roche estime que le parti est alors devenu "un ensemble de petites chapelles, qui évoluent chacune pour elles". Désormais, l'ancien Président du Département estime : "l'UDI existe en tant qu'appareil politique, mais plus en tant que courant de pensée".

Le centre vampirisé par la droite ?
Autre reproche fait à son ancien parti par le parlementaire de Haute-Loire : la vampirisation de l'UDI par Les Républicains. "Tous ceux qui émergent du groupe jouent en fait dans l'équipe réserve de la droite, en espérant obtenir un portefeuille à terme si Les Républicains gagnent l'élection Présidentielle de 2017", déclare-t-il. Lors de sa venue en haute-Loire fin 2014, Hervé Morin, ancien ministre de Nicolas Sarkozy, avait d'ailleurs déclaré :"L'UDI ne veut plus être l'aneth sur le saumon fumé de l'UMP". Sur ce point précis, nous avons sondé Jean-Pierre Marcon, le Président du Conseil Départemental, et Michel Chapuis, maire du Puy-en-Velay et Président de l'UDI de Haute-Loire.
Le premier tempère : "c'est un peu brutal car une partie du discours centriste a été repris à la Région, où plusieurs élus UDI siègent, notamment à des postes importants, donc on ne peut pas dire qu'ils aient été méprisés". Ils siègent d'ailleurs à part, "ils pourront ainsi s'exprimer très librement et influer quelques fois sur des décisions qui ne leur plairont pas". 

Michel Chapuis, quel regard portez-vous sur cette "vampirisation de l'UDI par la droite", dénoncée par Gérard Roche ? Le centre est donc voué à toujours contracter des alliances avec de plus gros partis ?

Quelle place pour le centre dans l'échiquier politique ?
Une autre raison qui a poussé Gérard Roche à rejoindre le MoDem, c'est "l'évolution droitière de la droite, qui va contre mes convictions. Je veux terminer ma vie politique en adéquation avec mes convictions, qui sont très axées sur le social, et je refuse de m'associer à cette dérive droitière". Mais quelle place peut être accordée au centre sur l'échiquer politique ? "On estime que 60 % des français sont prêts à voter au Centre", répond le sénateur, "mais le troisième parti qui a réussi à s'imposer aujourd'hui, c'est le Front National et du coup au centre, ça se rétrécit, on est un peu expulsés de la vie politique comme un noyau de cerise sous la pression des doigts", lâche-t-il avec un humour qui le caractérise.
Pour Jean-Pierre Marcon, "il y a pourtant beaucoup de place au centre, entre une droite extrême, clivante et haineuse, et une gauche tellement divisée et inefficace mais c'est surtout un grand leader qui fait défaut, c'est ce qui permettrait de franchir un palier car le parti compte de nombreux élus, mais pas assez de militants qui se rassembleraient derrière un leader charismatique". Rappelons que les deux sénateurs, le Président du Département et le maire de la ville préfecture sont centristes. Pour Michel Chapuis, cette sensibilité centriste colle à la peau de la Haute-Loire. Quant à son avenir, "dans le cadre d'une recomposition politique, je pense que l'on est loin des oppositions systématiques entre les blocs de droite et de gauche et qu'il faudra gouverner un peu plus au centre à l'avenir".

La nostalgie de Jacques Barrot
Finalement, ce qui fait défaut à l'UDI, c'est un leader rassembleur, comme l'a été Jacques Barrot en son temps. "Il incarnait le courant de la démocratie chrétienne, qui est encore très fort en Haute-Loire aujourd'hui", relève Gérard Roche. Et quand on demande à Jean-Pierre Marcon si l'UDI a de l'avenir, il admet être embarrassé par l'absence de leader, "surtout que j'ai connu une période faste, sous la houlette de Jacques Barrot". Il reconnaît même un peu de nostalgie, "mais il faut vivre avec son temps et espérer qu'il y ait une relève, avec des figures qui se démarqueront ces prochaines années, car il y a manifestement une place pour le Centre en France".
Notons enfin que tous assurent entretenir d'excellentes relations les uns les autres et que ce changement de parti de l'ancien Président du département n'affectera en aucun cas leurs relations. "Il en faudra bien plus que ça pour casser notre amitié", s'amuse Jean-Pierre Marcon. Gérard Roche songe même à créer un club centriste en Haute-Loire, où se réuniraient divers courants.

Prochain virage déterminant : la primaire de la droite et du centre
L'avenir du centre, aussi bien pour l'UDI que pour le MoDem, passe inévitablement par la primaire de la droite et du centre. En conclusion, Jean-Pierre Marcon souligne le caractère déterminant de cette échéance : "pour l'instant, aucune position n'a été prise, je ne sais pas s'il y aura un candidat UDI ou pas, mais ce sera très probablement un virage déterminant pour la suite car il s'agira soit de se mettre d'accord sur une candidature à la primaire, soit de soutenir ensemble un candidat, ce qui peut susciter bien des divergences et il n'est pas exclu que le centre se réorganise différemment".
Gérard Roche, lui, a déjà mis les voiles.

Maxime Pitavy