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Le Puy : en semi-liberté, il multiplie les délits

, Mise à jour le 27/11/2020 à 08:38

Il n'a que 20 ans mais un casier judiciaire bien fourni, avec déjà douze mentions. "Vous êtes très jeune mais vous avez le casier judiciaire d'un papi délinquant" tente le Président Delay pour détendre l'atmosphère après avoir énuméré la longue liste des condamnations déjà prononcées. 
Des outrages, des dégradations, des rebellions, des violences et des vols aggravés composent l'essentiel de la triste litanie l'ayant conduit à la semi-liberté (il revient donc tous les soirs à la maison d'arrêt du Puy pour y passer la nuit).
"La Justice est quand même bonne poire de vous avoir accordé une semi-liberté avec un tel casier", juge le Président, conscient que le jeune âge du prévenu a très probablement joué en sa faveur. Puis les magistrats reviennent aux faits pour lesquels le jeune homme, né au Puy et vivant chez sa grand mère avant son incarcération, est jugé dans le cadre d'une comparution immédiate ce jeudi.

Mais "le fanfaron" va finalement vite déchanter
Il y a deux séries de méfaits en réalité : d'abord le 30 novembre dernier, à Brives-Charensac, le jeune homme profite de sa liberté temporaire pour arpenter les rues du bassin du Puy sur sa moto non assurée, sans casque et sans permis. Lorsque la police lui demande de s'arrêter, il les nargue et les gratifie d'un doigt d'honneur. Mais "le fanfaron", comme l'a qualifié le Procureur de la République, va finalement vite déchanter.
Les policiers ont relevé l'immatriculation de la moto et l'interceptent dans la foulée, chez sa grand-mère. Confronté aux deux policiers outragés, il va d'abord tout nier en bloc. Puis il reconnaît finalement l'intégralité des faits, sauf l'outrage. "A la vue de votre casier judiciaire, on constate quand même un grand savoir-faire en termes d'outrage", ironise le Président Delay. Le prévenu n'a aucun argument pour se défendre davantage.

----Les prisons sont des passoires
"Aujourd'hui, les maisons d'arrêt sont de véritables passoires ou les drogues circulent en toute liberté", déclare Jacques Louvier, "on essaie bien de multiplier les opérations, mais c'est un peu un cup d'épée dans l'eau".-----Cerise sur le gâteau, le prévenu a en sa possession un pochon de cocaïne
La deuxième série de méfaits intervient ce mardi 15 décembre à la maison d'arrêt du Puy. Il vient d'apprendre qu'il sera jugé début 2016 pour les faits que l'on vient d'évoquer, il reconnait une forte impulsivité, parfois mêlée de violences et une véritable addiction aux produits stupéfiants. Il dit qu'il veut s'en sortir et s'engage à suivre des soins. Lorsqu'il regagne la maison d'arrêt, il assiste à une opération anti-drogues. Dans sa cellule, on trouve deux drapeaux et un T-shirt faisant la promotion du cannabis. 
Le Procureur de la République Jacques Louvier a assisté à la scène et explique : "c'est le type d'opération que l'on organise régulièrement, une fois par trimestre, avec un chien drogue en provenance de Clermont-Ferrand, pour un contrôle général de l'établissement. Ce n'était pas contre le prévenu. Quant aux articles faisant la promotion de stupéfiants, je trouve ça incongru en ces lieux et je propose d'abord une procédure simplifiée pour la destruction des objets, pour éviter une poursuite". Le jeune se sent alors persécuté et commence à proférer insultes et menaces envers le directeur de la maison d'arrêt. Cerise sur le gâteau, le prévenu a en sa possession un pochon de cocaïne.

"Les mots ont dépassé ma pensée, mais ce n'étaient pas des menaces, c'est juste que je ne l'aime pas"
Le jeune homme tente de se défendre à la barre. Pour les drapeaux faisant la promotion du cannabis, "ils étaient là avant mon incarcération, ils appartiennent à mon co-détenu". Une info confirmée par le directeur. Pour les insultes et les menaces (rappelons qu'il a déjà été surpris, avec un autre homme, devant le domicile du directeur de la maison d'arrêt), "les mots ont dépassé ma pensée, mais ce n'étaient pas des menaces, c'est juste que je ne l'aime pas. C'est comme ça".  
Une argumentation un peu légère pour le Procureur qui s'étonne : "la Justice a été très gentille avec lui, on ne peut pas dire qu'il est persécuté quand même ! ", avant de développer dans ses réquisitions : "il a un côté impulsif, mais aussi un côté fanfaron. Il nargue l'autorité, constamment, dès qu'il en liberté, devant ses potes, il veut montrer qu'il en a". Mais pour le magistrat, trop c'est trop : "il faut qu'il accepte de respecter l'autorité, les policiers comme les surveillants pénitentiaires". Une peine de huit mois de prison ferme est requise.

"Il faut arrêter de faire croire qu'il passait ses journées en moto à consommer des stupéfiants !"

Pour l'avocate du jeune homme, "la loi est la même pour tous normalement" et elle va développer la ligne de défense de la persécution, en tenant à souligner qu'il ne faut pas chercher à déformer la réalité : "il était en semi-liberté et il ne faut pas faire croire que c'est une sinécure. Il y a beaucoup de démarches à effectuer pour l'obtenir et ensuite, on est astreint à de nombreuses obligations. Il suivait une formation sur son temps de liberté et avait débuté des soins, donc il faut arrêter de faire croire qu'il passait ses journées en moto à consommer des stupéfiants !".
L'avocate a également tenu à rappeler que la décison émanait de la Juge d'Application des Peines, une semi-liberté étant "un moyen de permettre l'indemnisation des victimes" et que la prison avait quand même pour but de "favoriser la réinsertion". Elle a donc demandé au tribunal de prononcer une peine pécuniaire, afin que son client puisse poursuivre sa formation et ses soins, "un moyen de le pousser à toujours plus travailler".

Coupable de toutes les infractions reprochées 
Après délibérations, le tribunal a reconnu le jeune homme coupable de toutes les infractions reprochées et a prononcé une peine de six mois d'emprisonnement, assortie d'un mandat de dépôt. Il a donc filé aussitôt à la maison d'arrêt de La Talaudière, dans la Loire.
"Vous ne tenez aucun compte des avertissements judiciaires, vous recommencez toujours et méprisez l'autorité", a déclaré le Président pour justifier le choix du tribunal. Pour le défaut d'assurance, il devra s'acquitter d'une amende de 200 euros et la partie civile a été jugée recevable : le policier outragé recevra donc 200 euros.

Maxime Pitavy