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Régionales : nouvel accrochage, cette fois sur l'apprentissage

, Mise à jour le 27/11/2020 à 08:35

Alors que Laurent Wauquiez tenait lundi une conférence de presse à Lyon pour les Régionales afin de présenter son programme en matière d'apprentissage (et critiquer celui mis en place jusqu'alors), nous avons contacté Arlette Arnaud-Landau, Vice-Présidente du Conseil régional d'Auvergne en charge de l’Apprentissage. Extraits... salés.

Faire de "Rhône-Alpes Auvergne la région leader en matière d’apprentissage"
Laurent Wauquiez veut faire de "Rhône-Alpes Auvergne la région leader en matière d’apprentissage". C'est ce qu'on apprend dans un communiqué de presse après que le député-maire du Puy-en-Velay ait tenu une conférence de presse, à Lyon, ce lundi 22 juin dans l'après-midi.
Il a présenté ses propositions en matière d’apprentissage, rappelant qu'il s'agit d'une "voie royale vers l'emploi", et il s'est engagé, s'il est élu, à faire de la région Rhône-Alpes Auvergne la région leader en France en la matière.

Apprentissage : "le constat est aujourd’hui accablant et les chiffres sont calamiteux"
Dans le communiqué de presse adressé à notre rédaction, le député-maire du Puy déplore : "sur l’apprentissage, le constat est aujourd’hui accablant et les chiffres sont calamiteux". Il dénonce d'abord l'exécutif rhônalpin et son Président Jean-Jack Queyranne, qui "s’était fixé comme objectif d’atteindre 50 000 apprentis. Nous sommes aujourd’hui très loin du compte avec seulement 40 000 apprentis, pire encore : le nombre d’apprentis est en forte baisse puisqu’en comparant l’année 2014 à 2012, les chutes sont respectivement de 7,4% en Rhône-Alpes et de 3,1% en Auvergne".
Il a également dénoncé lors de ce point presse à Lyon : "Rhône-Alpes et Auvergne ne sont que les 10ème et 11ème régions de France en ce qui concerne le nombre d’apprentis pour 1000 habitants, soit 6,82 apprentis pour 1000 habitants en Rhône-Alpes et 6,62 en Auvergne, contre 8,70 en Franche-Comté par exemple". Il a enfin pointé du doigt la dernière rentrée scolaire qu'il juge "catastrophique" en la matière : "lorsque l’on compare le début de l’année 2015 (janvier-avril) au début de l’année 2012 les chutes sont spectaculaires : -43,7% pour Rhône-Alpes et -29,9% pour l’Auvergne. 10% des jeunes qui souhaitent rentrer en apprentissage ne trouvent aujourd’hui pas de place".
Enfin, le secrétaire général des Républicains considère que "cette situation est inacceptable, d’autant plus que la région se désengage sur le sujet", égrénant deux derniers chiffres pour appuyer son propos : "les décisions gouvernementales entraînent une chute de l’aide régionale à l’apprentissage, de l'ordre de - 12% en un an sur l’Auvergne. La baisse drastique des crédits affectés par la région aux employeurs d’apprentis est passée de 18 Millions d'euros en 2009 contre 10,4 Millions d'euros aujourd’hui".

Trois propositions concrètes de Laurent Wauquiez
Voilà pour ce qui est des critiques adressées aux deux conseils régionaux qui vont fusionner en décembre prochain et dont il aimerait devenir le nouveau Président. Place donc aux "propositions concrètes pour que Rhône-Alpes Auvergne retrouve la place qui est la sienne". Sa première proposition concerne un objectif de 10 000 apprentis supplémentaires sur la région et un engagement à rendre compte chaque année des résultats. Sa deuxième proposition est un grand pacte « 1 entreprise 1 apprenti » qui vise à "privilégier les entreprises du territoire qui forment des jeunes en apprentissage" par le biais des clauses sociales prévues par le Code des Marchés publics. De plus, il prend l'engagement à ce que "l’argent de la taxe d’apprentissage aille effectivement à l’apprentissage et à la formation".
Enfin sa troisième proposition sera de "donner de l’oxygène en matière de normes en utilisant les nouvelles possibilités prévues dans la Loi Nouvelle Organisation Territoriale de la République". A titre d’exemple, il estime qu'il est "aujourd’hui aberrant qu’un apprenti de moins de 18 ans n’ait pas le droit de monter sur une échelle de plus de…1,2 mètre, où qu’un apprenti grutier n’ait pas la possibilité de pouvoir monter dans une grue". Dans le même état d’esprit, il souhaite "soulager les employeurs dans le traitement administratif" en engageant des partenariats avec les fédérations professionnelles et chambres consulaires.

----Le chiffre avancé par le parlementaire de Haute-Loire (-12 %) prend en compte la chute de la prime employeur (une aide pour l'entreprise qui emploie un salarié en apprentissage), qui est devenue bien plus difficile à obtenir à partir de 2012 (seulement pour les entreprises de moins de onze salariés), ce qui a influé sur la baisse du nombre d'apprentis, et qui a de nouveau été élargie cette année. "C'est de toute façon une autre ligne budgétaire", tempête Arlette Arnaud-Landau, "et on va au-delà du cadre légal pour soutenir les employeurs dans les primes qu'on leur verse selon le public recruté, on est une des rares régions à le faire donc on ne va pas recevoir de leçon de Laurent Wauquiez".
-----"Le budget de l'apprentissage n'a cessé d'augmenter, ce qui traduit une forte volonté politique"
Face à tant de critiques de la politique d'apprentissage de la région, nous avons contacté Arlette Arnaud-Landau, Vice-Présidente du Conseil régional d'Auvergne en charge de la Formation Professionnelle tout au Long de la Vie, des Formations Sanitaires et Sociales et de l’Apprentissage (elle a également précédé Laurent Wauquiez à la mairie du Puy-en-Velay). "Je ne vais pas passer mon temps à démentir ses mensonges", s'est-elle d'abord emportée, manquant de s'étrangler face aux chiffres avancés par le candidat Républicain.
"La formation et l'apprentissage sont un axe majeur de la politique régionale", précise-t-elle d'emblée, "le budget de la Région a diminué et en même temps, le budget de l'apprentissage n'a cessé d'augmenter, ce qui traduit une forte volonté politique". Ainsi, Laurent Wauquiez parlait d'une "chute de l’aide régionale à l’apprentissage, de l'ordre de - 12% en un an sur l’Auvergne" mais si l'on regarde le budget dédié à l'apprentissage en Auvergne, il était de 32,896 Millions d'euros en 2013, de 35,980 Millions d'euros en 2014 et de 36,914 Millions d'euros en 2015. "Le budget a donc augmenté chaque année, malgré une baisse du nombre d'apprentis", précise l'élue socialiste.

Chacun ses chiffres...
Autre chiffre contesté par l'exécutif régional : celui d'une chute de 29,9 % du nombre d'apprentis en Auvergne à la dernière rentrée. "Il faut regarder les chiffres de la rentrée 2014 car on ne connaît pas encore ceux de 2015", rectifie Arlette Arnaud-Landau, "et on constate, par rapport à la rentrée précédente, une baisse de 7 % en apprentissage pour la région Auvergne, et une baisse de 0,4 % en Haute-Loire".
Autre remarque de la Vice-Présidente du Conseil régional d'Auvergne, cette fois concernant le nombre d'apprentis pour 1 000 habitants qui placerait l'Auvergne en 11ème position en France : "il faut aussi regarder l'argent qu'on consacre par apprenti. En moyenne, en Auvergne, ce sont 4 514 € par apprenti, hors prime employeurs, ce qui nous place parmi les premières régions de France".

Elle dénonce "la démagogie" de l'ancien Ministre de la formation professionnelle
Voilà donc pour les rectificatifs quant aux flêches décochées par l'ancien ministre. Mais Arlette Arnaud-Landau ne peut s'empêcher d'ironiser sur les propositions faites par le candidat Républicain : "il veut modifier les normes mais il a tout de même été Ministre de la formation professionnelle sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Il en avait alors les compétences mais il n'a rien fait. Un Président de région ne change pas les lois de la République, il les applique".
Et l'élue socialiste s'indigne que Laurent Wauquiez insinue que l'argent de la taxe d'apprentissage n'aille pas exclusivement à la formation et à l'apprentissage : "c'est complètement faux de prétendre le contraire et c'est purement démagogique".
Enfin concernant l'objectif des 50 000 apprentis en région Rhône-Alpes ("très loin du compte avec seulement 40 000 apprentis", dixit le maire du Puy), l'ancienne maire du Puy se fait un plaisir de rappeler : "lorsqu'il était ministre de la formation, il avait promis 80 0000 jeunes en apprentissage et à la fin du quinquennat, en 2012, il y en avait 60 0000... Promesse qui comme toutes les autres est restée lettre morte".

----"Notre politique de formation est ambitieuse", se félicite l'élue socialiste, "et Isabelle Valentin (ndlr : élue Républicaine à la Région et suppléante de Laurent Wauquiez à l'assemblée) tout comme Marie-Agnès Petit (ndlr : également dans l'opposition à la région et qui devrait faire partie de la liste de Laurent Wauquiez aux régionales) ont voté en faveur de notre politique de formation et d'apprentissage depuis des années".-----La Région défend son action
La Vice-Présidente du Conseil régional d'Auvergne a enfin tenu à défendre son bilan : "regardez un peu le budget qu'on y consacre. On donne par exemple 3,5 Millions d'euros en 2015 pour des aides à la mobilité, à l'hébergement et à la restauration des apprentis, sans oublier les 940 000 € dédiés à l'acquisition des premiers équipements ou encore les 300 000 € pour un fonds social destinés aux apprentis en difficulté financière".
Autre exemple de cette "politique ambitieuse" : le financement de 14 emplois à temps plein pour les développeurs, qui ont pour but d'inciter les entreprises à recruter des apprentis (une fonction auparavant confiée aux chambres consulaires qui ne pouvaient plus le financer). L'addition est de 546 000 € en 2015 pour ces 14 postes. Elle cite enfin l'investissement de plus de 9 Millions d'euros au CFA de Bains ou celui de 1,14 Millions d'euros à l'IUT du Puy, ou encore la création de 26 nouvelles sections en auvergne à la rentrée prochaine proposant des formation allant du CAP au BTS.

"Il faut avoir le courage de dire les choses, au risque de déranger les gens en place"
Nous avons finalement recontacté Laurent Wauquiez pour avoir quelques précisions sur les chiffres donnés et une réaction quant aux déclarations d'Arlette Arnaud-Landau. "Dans le débat politique et démocratique, il faut avoir le courage de dire les choses quand ça ne va pas, au risque de déranger les gens en place", nous a fait savoir son entourage. La formation et l'apprentissage sont des sujets qui intéressent le maire du Puy depuis des années, et localement aussi il s'est investi, avec notamment le CFA de Bains : "c'est au moins à 50 % à son actif", estime son entourage, "c'est lui qui a fait bouger les lignes alors que le projet s'enlisait lorsqu'il est arrivé aux manettes, avec notamment des crédits d'Etat alors qu'il était Minsitre". La Région demeure le principal financeur mais comme il l'avait dit pour la polémique de la maroquinerie du Puy, "chacun fait son job", entendez l'un sort les projets, l'autre les finance (puisque ce sont ses compétences).
Enfin son entourage insiste sur la nécessité de "faire des propositions pour remédier à une situation alarmante", s'appuyant sur le grand pacte « 1 entreprise 1 apprenti » : "c'est une initiative qu'il va même porter au niveau national, les entreprises qui jouent le jeu de l'apprentissage seraient favorisées pour l'attribution de marchés publics ou bénéficieraient en tout cas de contrepartie. On peut en tout cas inclure une clause, un pourcentage sur ce critère" avant de conclure : "ce qui est important, ce n'est pas de polémiquer mais de faire des propositions. Laurent Wauquiez n'attaque pas Arlette Arnaud-Landau, il fait un constat sur l'apprentissage qui est en chute libre et il cherche des solutions".

En conclusion, il y a bien une assertion sur laquelle les deux parties s'accordent : "les chiffres parlent- d'eux-mêmes". Reste à savoir sur lesquels doit-on s'appuyer ?

Maxime Pitavy

  • En fin de journée, René Souchon, Président de la Région Auvergne, a également souhaité réagir sur cette polémique. Voici son communiqué de presse intitulé : "Laurent Wauquiez : les inévitables erreurs d'un apprenti".